In girum imus nocte et consumimur igni

In girum imus nocte et consumimur igni
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dimanche 25 décembre 2011

H. van der Goes
Triptyque Portinari, détail (1475)
Le vide-grenier du dimanche. Deux oeuvres du peintre flamand Hugo van der Goes (1440-1482), figure majeure de la Renaissance du Nord. Formé à Gand, où il devient maître de la guilde de Saint-Luc en 1467, Hugo van der Goes est actif dans les années 1470, période de rayonnement pour la peinture flamande.
La première, c'est son chef-d'oeuvre : le sublime Triptyque Portinari, du nom du représentant des Médicis à Bruges pour qui il le réalise et qui, une fois installé à Florence, aura un impact considérable chez les artistes de la Renaissance italienne. Mais cette oeuvre je choisis de n'en montrer qu'un détail ; il est sur le volet de gauche.
H. vd G. - Adoration des Mages (c.1470)

Au loin, sur un chemin escarpé à flanc de montagne, on aperçoit deux personnages suivis d'un âne et d'un boeuf. Ils vont s'engager dans une pente abrupte et l'homme, dans une attitude pleine de sollicitude, se place devant sa compagne pour l'aider et empêcher qu'elle ne chute. L'attitude de l'un, l'expression de l'autre sont magnifiques. Elle attend un enfant, ils sont en route vers Bethléem.
La deuxième, c'est son Adoration des Mages.. Le Retable de Monforte, qui la représente, est une peinture sur bois. Conservée à Berlin, elle fut attribuée à Hugo van der Goes pour sa similitude avec le Triptyque de Portinari. Les expressions sur les visages, les couleurs, les drapés et les mouvements des étoffes, ..... c'est une merveille.
JB1

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dimanche 18 décembre 2011

R. Lee - Christmas dinner, Iowa (1936)
Le vide-grenier du dimanche. Deux clichés du photographe documentaire américain Russell Lee (1903-1986), membre éminent du projet FSA (Farm Security Administration), l’un des plus vastes programmes de photographie sociale jamais entrepris aux États-Unis.
Le titre complet du premier est "Christmas dinner with cabbage and potatoes in the home of Earl Pauley, near Smithfield, Iowa".
Une scène simple, mais révélatrice : un repas frugal, dans un intérieur modeste, au cœur de l’Amérique rurale des années 1930. Car c’est là que se concentre le travail de Russell Lee, qui rejoint en 1936 l’équipe de photographes réunie par la FSA, organisme du ministère de l’Agriculture chargé de documenter les effets de la Grande Dépression sur les populations rurales.
R.L. - Craigville, Minnesota (1937)

Sous la direction de Roy Stryker, la section photographique de la FSA a marqué l’histoire de la photographie documentaire. Stryker, de qui Carl Mydans dira un jour : « Il ne savait pas prendre une photo, mais il nous a enseigné ce qu’est une bonne photo », rassemble autour de lui une douzaine de photographes d’exception : Dorothea Lange, Walker Evans, Jack Delano, Ben Shahn… et bien sûr Russell Lee.
"Nos photographes avaient une chose en commun, dit un jour Roy Stryker, c'était un profond respect pour l'être humain." Tous les photographes de cette formidable aventure humaine et visuelle seront, peu à peu, présentés dans ce blog.

JH1
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samedi 17 décembre 2011

Fresque, monastère de Decani (14e)
Une image et des mots. L'image, c'est un détail d'une fresque du 14e siècle représentant la crucifixion, dans le monastère kosovar de Visoki Decani.
Les mots sont un extrait d'une des nouvelles publiées en 1950 par Isaac Asimov sous le titre Les Robots.

- C'est fait, dit le robot tranquillement, et c'est pourquoi je suis venu m'entretenir avec vous deux.
- Oh ! (Powell paru mal à l'aise). Eh bien, assieds-toi. Non, pas cette chaise. L'un des pieds est faible et tu n'a rien d'un poids plume.
Le robot obéit.
- J'ai pris une décision, dit-il placidement.
Donovan roula des yeux furibonds et mit de côté son reste de sandwich.
- S'il s'agit encore d'une de ces invraisemblables...
L'autre lui imposa le silence du geste.
- Continue, Cutie, nous t'écoutons.
- J'ai consacré ces deux jours à une introspection concentrée, dit Cutie, dont les résultats se sont révélés fort intéressants. J'ai commencé par la seule déduction que je me croyais autorisé à formuler :  Je pense donc je suis !
- Oh, Dieu tout-puissant!, gémit Powell. Un Descartes robot !
- Qui est Descartes ? s'inquiéta Donovan. Faut-il donc que nous restions là à écouter les balivernes de ce maniaque en fer-blanc...
Cutie poursuivit imperturbablement.
- Et la question qui se présenta immédiatement à mon esprit fut la suivante : quelle est la cause exacte de mon existence ?
La mâchoire de Powell s'affaissa.
- Je te l'ai déjà dit, c'est nous qui t'avons fait. Et si tu ne veux pas nous croire c'est avec le plus grand plaisir que nous te réduirons en pièces détachées !
Le robot étendit ses fortes mains en un geste de protestation.
- Je n'accepte aucun "diktat" autoritaire. Une hypothèse doit être étayée par la raison, sinon elle est sans valeur..., et c'est aller à l'encontre de toute logique que de supposer que vous m'ayez fait. [.....]
Les jurons que Donovan murmurait à part soi devinrent soudain intelligibles, lorsqu'il bondit sur ses pieds, ses sourcils rouillés au ras des yeux.
- Alors, fils de minerai de fer, si ce n'est pas nous qui t'avons créé, qui est-ce ?

NC1
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dimanche 11 décembre 2011

Todd Hido - #9216-b (2010)

Le vide-grenier du dimanche. Deux clichés du photographe américain Todd Hido (b.1968).
Natif de l'Ohio, Todd Hido est diplômé en beaux-arts de plusieurs universités américaines, dont la Tufts University, la Rhode Island School of Design et le California College of Arts and Crafts.
Parmi ses professeurs, il compte le photographe Larry Sultan (voir déc.2009), qui deviendra son mentor, et il vit et travaille aujourd'hui à San Francisco, où il enseigne au California College of Art.

T. Hido - #10552-c (2011)
Paysages brumeux et portraits éthérés, le monde de Todd Hido est un monde de solitude et d'intimité, de mystère et de mélancolie. Hitchcock, Hopper, Lynch, sont parmi les influences qu'il revendique et qui transparaissent dans son travail : ainsi ses séries nocturnes de maisons suburbaines aux fenêtres éclairées, à mi-chemin entre documentaire et fiction, qui suggèrent des histoires silencieuses qu'il laisse au spectateur le soin d’imaginer.
I drive. I drive a lot.
People ask me how I find my pictures. I tell them I drive around.
I drive and drive and mostly I don't find anything that is interesting to me. But then, something calls out. Something that looks sort of off or maybe an empty space. Sometimes it's a sad scene. I like that kind of stuff. So I take the photos and some are good. And so I keep driving and looking and taking pictures.
Pour découvrir son travail, c'est ICI.

SM2

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dimanche 4 décembre 2011

A. L. J. - Brume matinale sur l'Eure en novembre
Le vide-grenier du dimanche. Deux oeuvres du peintre paysagiste Alexandre Louis Jacob (1876-1972), figure discrète mais attachante de la peinture paysagiste française de la première moitié du XXe siècle.
Formé à l'Académie des Beaux Arts, où il a suivi l'enseignement d'Eugène Claude, il s’inscrit dans la tradition post-impressionniste et naturaliste. Son style est immédiatement reconnaissable : compositions équilibrées, horizons ouverts, palette douce aux tonalités sourdes, souvent dominée par les verts, les gris et les bleus.
Il excelle à rendre la lumière diffuse des matins brumeux ou des fins d’après-midi d’automne ; son oeuvre, à l'atmosphère méditative, respire la quiétude et la sérénité.

A.L.J. - Éclaircie après la pluie
Je me souviens d'une phrase du peintre canadien A.J. Casson, présenté ici en mars 2010, et qui disait que peindre un paysage c'était capturer l'âme même de son existence.
L'oeuvre de Alexandre Louis Jacob, restée en dehors des avant-gardes, témoigne d’un profond attachement à la nature, à la lumière, à un certain ordre paisible du monde. Cette vision de la nature très intimiste et à la fois empreinte de mystère me fait aussi penser, en littérature cette fois, à l'univers d'André Dhôtel. Il y a dans l'air un repos plein de fraîcheur...

samedi 3 décembre 2011

Theodore Roosevelt diary
Une image et des mots. Le journal de Théodore Roosevelt à la page du jeudi 14 février 1884.
Ce jour-là, celui qui dix-sept ans plus tard allait devenir  le 26ème président des États-Unis perdait sa mère et son épouse.

À ces mots, Fernanda sentit une brise légère et lumineuse lui arracher les draps des mains et les déplier dans toute leur largeur. Amaranta éprouva comme un frissonnement mystérieux dans les dentelles de ses jupons et voulut s'accrocher au drap pour ne pas tomber, à l'instant où Remedios la Belle commençait à s'élever dans les airs. Ursula, déjà presque aveugle, fut la seule à garder suffisamment de présence d'esprit pour reconnaître la nature de ce vent que rien ne pouvait arrêter, et laissa les draps partir au gré de cette lumière, voyant Remedios la Belle lui faire des signes d'adieu au milieu de l'éblouissant battement des ailes des draps qui montaient avec elle, quittaient avec elle le monde des scarabées et des dahlias, traversaient avec elle les régions de l'air où il était déjà plus de quatre heures de l'après-midi, pour se perdre avec elle dans les hautes sphères où les plus hauts oiseaux de la mémoire ne pourraient eux-mêmes la rejoindre.
Gabriel García Márquez, Cent ans de solitude (1967)
PS1

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dimanche 27 novembre 2011

Lee Cohen - Haïti (2010)
Le vide-grenier du dimanche.
Il y a des murs impensables, comme au delà des sept mers cette chaîne de montagnes fabuleuses qui pour les hindous sépare les mondes visible et invisible, ou comme le mur infinitésimal de Planck qui ceint l'univers et par delà lequel le temps devient imaginaire.
Il y a des murs invisibles, des murs d'airain qui se dressent entre les hommes; ceux de l'incompréhension, du silence, et de l'oubli.
Il y a aussi des murs visibles, fragiles ou épais, des murs aveugles, des murs "qui ont des oreilles"...; des murs domestiques, où nichent le loir et le moineau, qui nous protègent de l'intempérie et soustraient notre intimité au regard d'autrui...
M. Cook - Stone walls

La première photo, de Lee Cohen, montre des livres emprisonnés sous les décombres d’un immeuble après le séisme qui a ravagé Haïti en 2010. La seconde appartient à une série que Mariana Cook a consacrée pendant huit ans aux murs de pierre sèche, et qui vient de faire en juillet dernier chez Damiani l'objet beau livre intitulé Stone Walls – Personal Boundaries.
Mais dans un autre ouvrage, intitulé "Des murs entre les hommes" et paru en 2008, (ed. Documentation Française), c'est de murs politiques que nous parlent Alexandra Novosseloff et Franck Neisse. De ceux qui séparent, qui divisent, qui repoussent : le mur de Berlin, le béton des Peace Lines à Belfast, la barrière électrifiée entre Indiens et Pakistanais au Cachemire, les barbelés dans la zone démilitarisée entre les deux Corées, la ligne verte à Chypre, le mur en Palestine, le mur entre les États-Unis et le Mexique, le mur d'Hadrien entre l'Angleterre et l'Écosse, le mur de Berlin, ou encore la grande Muraille de Chine...
Et pour faire tomber des murs, c'est ICI.

samedi 26 novembre 2011

Otto Dix - Lever de soleil
Une image et des mots. Une oeuvre d'Otto Dix, peintre impitoyable de la guerre, et qui fera l'objet d'une publication.
Les mots sont un extrait du livre de Tim O'Brien, À propos de courage, qui vint d'être traduit et publié en France par Gallmeister.

C'était des durs.
Ils portaient le bagage émotionnel d'hommes qui sont susceptibles de mourir. Le chagrin, la terreur, l'amour, la nostalgie - tout cela était intangible, mais ces choses intangibles avaient leur propre masse et leur gravité spécifique, elles avaient un poids tangible.
[.....]
Et ils rêvaient alors à des oiseaux de liberté.
GP1

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dimanche 20 novembre 2011

P. Smith - Self portrait (1969)
Le vide-grenier du dimanche. Deux oeuvres de Patti Smith (b.1946), vue vendredi au Rocher de Palmer, à Bordeaux. Un concert magnifique.
Si l’on associe spontanément Patti Smith à la scène punk new-yorkaise ou à ses écrits empreints de mysticisme littéraire, il faut se souvenir qu’elle se destinait d’abord aux arts visuels. Lorsqu’elle arrive à New York en 1967, c’est avec l’idée de devenir peintre. Elle fréquente alors le Brooklyn Museum et passe ses journées dans les galeries, croquant, dessinant, s’imprégnant de l’univers de ses maîtres : William Blake, Modigliani, Egon Schiele...

P.S. - Portrait of Rimbaud
(1973)
Ses dessins, qu’elle continue de produire tout au long de sa vie, sont réalisés à l’encre, à la plume ou au crayon. Ils sont simples, fragiles, empreints d’un lyrisme mélancolique. Le trait est fin, souvent un peu tremblé.
On y retrouve des visages, des corps, des mains, des objets : autant de réminiscences et d'hommages. Comme dans sa poésie ou ses chansons, les figures qui hantent ses dessins sont souvent celles des morts qu’elle vénère : Rimbaud, Mapplethorpe, Virginia Woolf, Pasolini, Genet...
« Le dessin est une manière pour moi de converser avec les absents »

I was a wing in heaven blue
soared over the ocean
soared over Spain
and I was free
needed nobody
it was beautiful
it was beautiful


La beauté, écrivait Simone Weil, c'est l'harmonie du hasard et du bien.... (La Pesanteur et la Grâce, 1947).

PS1
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dimanche 13 novembre 2011

Isabel Quintanilla - Vaso (1969)
 Le vide-grenier du dimanche. Deux oeuvres d'Isabel Quintanilla, (b.1938), fille d'un officier républicain mort dans le camp de concentration franquiste de Valdenoceda. Elle est, aux côtés d’Antonio López García, Julio López Hernández ou María Moreno, une des figures majeures du réalisme espagnol contemporain qui émerge dans l’Espagne franquiste des années 1950–60, en opposition au formalisme académique et à l’abstraction triomphante.

I.Q. - Cuarto de baño (1968)
Formée à l’Escuela Superior de Bellas Artes de San Fernando à Madrid, elle s'attache à la peinture réaliste de la vie quotidienne, des lieux intimes et des objets simples qui les occupent. "J’essaie de représenter le réel tel qu’il est, mais tel que je le ressens aussi. Je cherche la beauté dans ce que l’on ne regarde plus."
Isabel Quintanilla ne cherche pas le spectaculaire. Son sujet favori c'est l’espace domestique, sa propre maison, les cuisines, les arrière-salles, les ateliers vides, les jardins familiers. Mais aussi les objets humbles : une carafe, un pot de confiture, une paire de ciseaux oubliée sur une table.
Je rêve d'une poésie qui y ressemble... 
O ressources infinies de l'épaisseur des choses, rendues par les ressources infinies de l'épaisseur sémantique des mots, nous dit Francis Ponge...
TZ1

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dimanche 6 novembre 2011

A. Stieglitz - The steerage (1907)
Le vide-grenier du dimanche. Deux clichés du photographe américain Alfred Stieglitz (1864–1946), déjà évoqué ici en mai dernier à propos du travail de Wynn Bullock. À la fois artiste, éditeur, théoricien et infatigable promoteur de la photographie comme art à part entière, Stieglitz demeure une figure fondatrice de la modernité photographique aux États-Unis.
Fils d’un marchand juif-allemand installé à New York, il découvre la photographie lors d’un séjour en Europe dans les années 1880. Il se forme à Berlin, où il étudie la chimie et aborde la photographie avec une rigueur scientifique.
À une époque où l’image photographique est encore perçue comme un procédé technique ou documentaire, Stieglitz s’engage passionnément pour sa reconnaissance artistique. En 1902, il fonde, sur le modèle du Linked Ring britannique, le mouvement Photo-Secession qui défend une photographie pictorialiste : floue, lyrique, souvent inspirée de la peinture symboliste ou impressionniste. Sa revue, Camera Work (1903–1917), devient une plate-forme incontournable de l'avant-garde photographique, accueillant aussi bien des photographes (Edward Steichen, Gertrude Käsebier) que des peintres ou écrivains modernistes.

A.S. - The Terminal (1892)
Mais Stieglitz fut aussi un formidable passeur : à travers ses galeries (291, puis An American Place), il introduit aux États-Unis des artistes européens comme Cézanne, Picasso, Matisse ou Brâncuși ; il expose des sculptures africaines, des dessins d’enfants, et publie des textes de Gertrude Stein ou Sadakichi Hartmann. Il n’a pas seulement façonné une vision de la photographie : il a contribué à définir un modernisme américain à part entière.
Le premier cliché présenté ici - The Steerage (en français l’Entrepont) - compte parmi les images les plus célèbres de l’histoire de la photographie.
Par sa composition rigoureusement géométrique, il est souvent considéré comme une œuvre fondatrice du modernisme photographique ; mais il possède aussi une forte valeur documentaire, en ce qu’il témoigne du sort des migrants européens traversant l’Atlantique dans les premières années du XXe siècle.
Je pense en le voyant à ces deux vers de Desnos ...
Comme l'espace entre eux devient plus opaque,
Le signe des mouchoirs disparut pour jamais.

samedi 5 novembre 2011

Elisabeth W. Roberts - Sailing along the Nile
(1904)
Une image et des mots. "I can paint as well as any man", protestait Elizabeth Wentworth Roberts (1871-1927), native de Philadelphie, alors qu'elle étudiait la peinture à l'Académie Julian, à Paris, où hommes et femmes étaient séparés. Plus tard, elle partit à Florence pour y réaliser des copies d'oeuvres de Botticelli et étudier les techniques des grands maîtres. 
Cette toile, Sailing along the Nile (1904), exposée un temps au Art Institute de Chicago, me rappelle ces lignes de l'égyptien Albert Cossery...
Elles sont extraites de la nouvelle "Le facteur se venge", publiée en France chez Losfeld dans un court recueil intitulé Les hommes oubliés de Dieu (1946).

"Sur le mur de la boutique blanchie à la chaux, une peinture populaire représentait une berge du Nil avec un voilier debout sur le fleuve, immobile comme s'il ne voulait plus se mouvoir, mais rester toujours ainsi, ayant peur du large et du vaste inconnu. Et il semblait que tout, quartier, êtres et choses, s'était figé comme ce voilier peint sur le mur, ne voulant plus comprendre qu'on puisse bouger; espérer d'autres buts que ceux déjà atteints; aller toujours plus loin sur la route... Et que c'était une folie."
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dimanche 30 octobre 2011

P. Mondrian - Row of trees along the Gein (1905)
Le vide-grenier du dimanche. Deux oeuvres du néerlandais Pieter Mondriaan - dit Piet Mondrian (1872-1944), figure centrale de l’abstraction géométrique et cofondateur du mouvement De StijlNé aux Pays-Bas, formé à l'Académie royale des beaux-arts d'Amsterdam, il débute pourtant sa carrière dans un registre bien différent : paysages bucoliques, moulins à vent, arbres et rivières, qu’il peint dans une palette sourde, héritée l’école de La Haye et nourrie de symbolisme.

P.M. - House on the Gein (1900)
En ce qui me concerne, plus encore que dans les compositions du fondateur du mouvement De Stijl - qui prônait une esthétique épurée fondée sur les seules lignes horizontales et verticales, et les couleurs primaires -, c’est dans ses paysages et ses arbres stylisés, encore enracinés dans le monde visible, que je trouve une poésie et une sensibilité qui me touchent profondément.
Je me suis arrêté au Mondriaan figuratif, et c’est ce versant-là de son œuvre que je souhaite présenter aujourd’hui. Avant qu’il ne se détache de toute figuration dans sa quête obsessionnelle de « l’essence des choses ».
Car, à partir des années 1910, sous l’influence du cubisme français et de ses propres recherches sur l’harmonie, Mondriaan entreprend une transformation radicale de son style. Son objectif : atteindre une forme de beauté universelle, débarrassée de toute représentation figurative.
« Si l’universel est l’essentiel, alors il est la base de toute vie et de tout art. Reconnaître et nous unir à l’universel nous procure la plus grande satisfaction esthétique, le plus grand sentiment de beauté. ». Ce qu’il appellera le néoplasticisme n’est donc pas une simple esthétique, mais une quête d’ordre, de spiritualité, de rythme absolu.
Il y a des artistes dont on se sent si proches qu'ils deviennent pour nous comme des frères...  Quand je serai grand j'écrirai un livre sur Mondriaan.
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dimanche 23 octobre 2011

A. Gursky - Mayday V (2006)
Le vide-grenier du dimanche. Deux clichés de l'allemand Andreas Gursky (b.1955), formé à l'académie des Beaux-Arts de Düsseldorf, où il enseigne aujourd'hui, par les photographes conceptuels Bernd et Hilla Becher.
Gursky, dont les photographies sont parmi les plus chères au monde,  est connu pour ses très grands formats, d'une extrême définition, souvent pris en surplomb, frontaux, et marqués par une froideur quasi clinique. Ce que je crois avoir compris, en lisant sur lui, c’est qu’il retouche, recompose, reconstruit ses images non pour les embellir, mais pour les condenser, en révéler la structure profonde. Il ne s’agit pas de saisir et de restituer le réel, mais d’en proposer une sorte de cartographie visuelle et critique. Cette monumentalité frontale, quelquefois presque abstraite, évoque les grands tableaux d’histoire… mais pour un monde où l’histoire paraît avoir été remplacée par le flux, l’accumulation, la saturation.. En cela, ses images agissent comme un miroir critique de la mondialisation, de l’économie de masse et du paysage.

A. Gursky - 99 Cent (1999)
Assez ironiquement, ce cliché d'un supermarché "hard discount" (tout à 99 cents), se classe au 5ème rang des photographies les plus chères au monde. Lors d'une vente publique le 7 février 2007, un premier tirage a été adjugé pour 3,34 millions de dollars.
La vente d'un autre tirage à New York en mai 2006 a rapporté 2,25 millions, et un troisième tirage y a été vendu 2,48 millions en novembre de la même année. 
My preferencee for clear structures is the result of my desire - perhaps illusory - to keep track of things and maintain my grip on the world.
À partir de 1990, avec le recours à la photographie numérique, il combine plusieurs clichés d'un même sujet pris depuis des angles différents, générant ainsi des reproductions répétées des objets qui le composent ou, comme à la Bourse de Tokyo, des êtres qui l'occupent.
I am never interested in the individual, but in the human species and its environment.
Il me semble qu'il y a dans les œuvres de Gursky une forme d’étrangeté poétique, comme si le chaos du monde, mis à plat, finissait par produire une forme d’ordre, voire de beauté.
EV1

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samedi 22 octobre 2011

Edvard Munch - Mélancolie (1892)

Une image et des mots. Une des sept propositions du norvégien Edvard Munch (1863-1944) - cinq huiles sur toiles et deux gravures sur bois -, sur le thème de la mélancolie... ; cette maladie - disait Gérard de Nerval -, qui consiste à voir les choses comme elles sont.
Je repense en voyant ce tableau à quelques lignes de Roger Nimier lues dans Le hussard bleu (1950).

Paris, voici ton fleuve et les larmes que tu versas, voilà ton visage au front penché. [.....] Désormais, je connais mon rôle sur la terre, mais je ne sais qui je suis. 
Voyageur, pose des yeux tristes sur les choses, elles te le rendront au centuple. Le visage barré du ciel menace et te guide à la fois. Vivre, il me faudra vivre encore, quelque temps parmi ceux-là. Tout ce qui est humain m'est étranger.

CH1

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dimanche 16 octobre 2011

Ernst Haas - Homecoming (1947)
Le vide-grenier du dimanche. Deux oeuvres de l'austro-américain Ernst Haas (1921-1986), figure pionnière de la photographie couleur au XXe siècle. Il est l’un des premiers photographes à revendiquer pleinement la couleur non pas comme simple information visuelle, mais comme matière expressive à part entière. 
Né à Vienne, formé d’abord à la peinture, il commence à photographier après la guerre, en autodidacte, et connaît une reconnaissance précoce avec sa série sur les prisonniers de guerre rentrant à Vienne. Cela donnera le photo-reportage Homecoming (1947), qui va inciter Robert Capa à l'inviter à rejoindre l'agence Magnum, créée au sortir de la guerre, aux côtés d'Henri Cartier-Bresson et de David Seymour.

E. Haas - New York (1970)
C'est toujours grâce à Capa qu'il rejoint New York en 1950 où il va documenter l'arrivée d'immigrants, comme lui, à Ellis Island. Puis ce sera l'entrée fracassante en 1953 dans le monde de la photographie couleur, dont il sera un des grands pionniers, avec sa série sur New York pour Life Magazine : "New York, A magic city.. "
"I am not interested in shooting new things.. I am interested to see things new", a-t-il dit un jour.
À partir des années 50 il développe un style profondément personnel, fondé sur le flou, le mouvement, la saturation chromatique : une approche poétique et sensorielle du monde, qui fait souvent penser à la peinture abstraite américaine. « Color is joy. One does not think joy. One is all joy. »
Et le reste, comme disent les anglo-saxons, is history.
TR1
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dimanche 9 octobre 2011

Deb Garlick - Old school
Le vide-grenier du dimanche. Deux oeuvres de la canadienne Deb Garlick (b.1966), peintre, illustratrice, et photographe installée sur la côte Ouest. Formée en histoire de l’art et en arts visuels, elle a d’abord exploré la peinture abstraite avant de s’orienter vers une pratique plus figurative, sans jamais renoncer à une approche très sensible de la lumière et de la texture.
Au-delà de l'évasif label "figuratif contemporain" qui estampille généralement son travail, ce qui pour moi le caractérise véritablement c'est un sentiment d'immobilité mais qui n'a rien d'oppressant, une atmosphère presque palpable de détachement et de paix comme dans une retraite apaisée du monde.

D. Garlick - Untitled
My paintings are calm.
I take all the threads of an experience and I simplify, simplify, simplify. I champion the slow moments and honour the serene.
Pour la connaître mieux, c'est ICI.
SO1

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dimanche 2 octobre 2011

Elliott Erwitt - Robert & Mary Frank
Valence, Espagne
 
(1952)
Le vide-grenier du dimanche. Deux clichés du photographe franco-américain Elliott Erwitt (b.1928), figure majeure de la photographie humaniste et membre de l’agence Magnum depuis 1953. Né à Paris le 26 juillet 1928, de parents immigrés juifs-russes, il vit en Italie où sa famille déménage avant d'émigrer aux États-Unis en 1939. 
Erwitt a étudié la photographie et la réalisation cinématographique au Los Angeles City College et à la New School for Social Research, avant d'être incorporé en 1951 dans l’armée américaine où il est assistant-photographe, pour en être démobilisé en 1953.

E.E. - NYC, Chrysler Building (1955)
Et c'est dès 1953, à la suite de sa fameuse photo USA, North Carolina, aussi connue sous le titre de Segregated water fountain et qui fera l'objet d'une future publication, qu'il a intégré l'agence Magnum, encouragé par Edward Steichen (voir mars 2010) et Roy Stryker et à l'invitation de Robert Capa.
Pour moi, la photographie est un art de l'observation. Il s'agit de trouver quelque chose d'intéressant dans un endroit ordinaire... Je me suis rendu compte que cela avait peu à voir avec ce que vous voyez, mais tout à voir avec la façon dont vous le voyez.
FT1
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samedi 1 octobre 2011

Papyrus d'Hounefer (ca 1275 av. J.-C.)
Une image et des mots. Où il sera question du poids de l'âme...
Si l’on en croit les conclusions que le Dr Duncan McDougall a tiré de ses expériences, dont le New York Times s’était fait l’écho le 11 mars 1907, le poids de l’âme est précisément de 21,3 grammes (3/4 d’once).

Mais le Livre des Morts égyptien décrit ainsi la cérémonie, présidée par Osiris, de la pesée de l’âme : le cœur du défunt, siège de la conscience,  est placé sur le plateau d’une balance tandis que sur l’autre se trouve une plume d’autruche, symbole de Maât, déesse de la vérité et de la justice. Si le cœur est plus lourd, si le défunt a vécu dans le mal, il est livré à Ammit, dévoreuse des âmes impures. L'image, c'est donc cette représentation de la pesée de l'âme en présence d'Osiris, sur le papyrus d'Hounefer, conservé au British Museum (le récit de la cérémonie se lit de droite à gauche).

Les mots sont un extrait d'une nouvelle d'André Maurois, Le peseur d'âmes (1931) :
"Il éteignit l’électricité et mit en marche l’appareil. Aussitôt le petit noyau allongé brilla de son éclat doux de nébuleuse. [….] Je me mis à compter lentement. Un... deux… trois... quatre... J’arrivais à cinquante quand je vis paraître un brouillard bleuâtre. Il me sembla d’abord informe et comme épars sur toute la largeur du faisceau.
Mais ce stade fut si court que je ne pus l’observer. Tout de suite la fumée se trouva condensée en une masse laiteuse, longue à peu prés de quatre pouces, dont le bas était horizontal et dont le sommet arrondi suivait la courbe de la cloche.
Cette masse n’était pas immobile, ni homogène. On y voyait des courants plus clairs et plus foncés.
Je ne pourrais mieux vous la décrire qu’en vous demandant d’imaginer des fumées de cigarette d’épaisseurs et de couleurs légèrement différentes, superposant leurs spires et leurs anneaux jusqu’à former un objet aux contours bien définis.
- Docteur, dit la voix de Gregory, effrayée... Docteur, Docteur... Vous voyez cet oeuf de lumière?
"

dimanche 25 septembre 2011

Gerard Exupery - Suzy (1975)
Le vide-grenier du dimanche. Deux clichés de l'américain Gerard Exupery (b.1951), photographe de rue new-yorkais dont la carrière s'étend sur plus de quatre décennies. Formé à la School of Visual Arts et ayant étudié sous la direction de Lisette Model à la New School de New York, Gerard Exupery développe un regard singulier sur la vie urbaine, à la fois frontal, engagé et authentique, porté par une approche résolument directe de ses sujets.

G.E. - 86th Street kiss (1977)
La lecture de son blog est à ce titre instructive ; elle révèle le regard d'un photographe à la fois audacieux, respectueux, et immersif, qui exprime un rejet de la photographie de rue opportuniste qui se contente de capturer la misère de loin sans engagement réel. J'en traduis quelques lignes :
Je déteste la photo lâche en photographie de rue. C'est-à-dire rester de l'autre côté de la rue avec ton machin de 200 mm pour prendre en photo un pauvre type qui dort dans un carton. Je ne fais pas ce genre d’image. Si je devais la faire, je serais de l'autre côté de la rue en train de parler avec ce gars, parce que personne n'a besoin d'une énième photo d’un type qui dort dans un carton. Il n'y a rien de nouveau là-dedans. Photographier des filles de l’autre côté de la rue, sans qu’elles sachent que tu prends leur photo, c’est la même chose.
De lui, le critique Mark McQueen dit ceci :" Gerard Exupery is one of those people who always has something to say. He has an uncanny talent for prying poetry out of the banalest of topics [....]. He has always managed to distill the chaos of life in New York down to concise, sometimes profound, but always original reflections on the human condition".
Son blog, son site.

dimanche 18 septembre 2011

Vero Cristalli - Love wall (for John) (2011)
Le vide-grenier du dimanche. Deux oeuvres de Véro Cristalli (b.1965), artiste peintre française qui s’est construite dans la solitude, trouvant très tôt refuge dans le dessin et l’écriture.
Son rapport à la peinture est viscéral : "Peindre pour moi, c'est respirer ! C'est pour moi le seul moyen d'expression et de révolte capable de me faire accepter ma condition humaine".
Dans le monde qu'elle projette sur la toile, c'est l’émotion qui prime ; son travail paraît très instinctif, oscillant entre chaos et harmonie, entre critique sociale et exaltation des figures iconiques.
V.C.- The wall (2010)

Dans l'œuvre ci-dessus, Love Wall (for John), elle mêle superpositions graphiques, messages éclatés et touches flamboyantes pour rendre hommage à l’esprit d’un artiste dont l’héritage résonne encore aujourd’hui. Le regard du musicien, à peine dissimulé sous un tourbillon de mots et de symboles, semble questionner le spectateur sur la nature même du rêve et de l’utopie. Véro Cristalli façonne un art percutant, où chaque œuvre semble être une fenêtre ouverte sur l’âme humaine et ses contradictions.

LB1 ICI