In girum imus nocte et consumimur igni

In girum imus nocte et consumimur igni
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dimanche 29 décembre 2024

I.K. - Vers Iganaki, Tsugaru-shi
(1960)
Le vide-grenier du dimanche. Deux clichés de Ichirō Kojima (1924-1964), un photographe japonais de l'après-guerre, connu pour ses représentations poétiques et mélancoliques de la vie rurale dans le nord du Japon, en particulier dans les régions de Tōhoku et d'Aomori.
Son œuvre, profondément ancrée dans la tradition et le paysage japonais, se distingue par une maîtrise exceptionnelle du noir et blanc, où la lumière, les ombres, et les textures produisent une atmosphère à la fois intemporelle et poignante.

I.K. - Vers le nord, depuis le nord
Kojima a su sublimer la simplicité rude du quotidien – pêcheurs, paysans, neige et mer – avec une sensibilité qui traduit autant l’introspection personnelle que l’attachement aux racines culturelles.
Malgré une carrière brève, interrompue par sa mort prématurée à 39 ans, son travail demeure célébré pour avoir révélé, avec une profondeur rare, l’âme austère et la beauté silencieuse du Japon du Nord.

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samedi 28 décembre 2024

Ignacio de Loyola - Exercitia Spiritualia
(1676)
Une image et des mots. L'image est une gravure extraite des Exercices spirituels (1676), de Ignacio de Loyola.
Les mots sont un passage de La main (1967), du philosophe Jean Brun.

Ainsi en va-t-il de chacun de nos gestes, la main qui les accomplit met notre signature indélébile au coeur de ce qui nous entoure, car, chaque fois, nous pouvons provoquer chez autrui la blessure qui le ronge ou lui apporter le message qui le sauve.
Une main qui se tend ne s'immisce pas impunément dans la chaîne des êtres ; elle se charge du poids de ce qu'elle vient d'inscrire à tout jamais dans la trame du temps.

dimanche 22 décembre 2024

S. Leiter - Red umbrella (1957)
Le vide-grenier du dimanche. Deux clichés du photographe américain Saul Leiter (1923-2013) – dont la reconnaissance est survenue tardivement, mais qui est aujourd’hui considéré comme un pionnier de la photographie couleur. Comme je l’indiquais dans le premier billet consacré à son œuvre sur ce blog (décembre 2013), ce n’est qu’avec la publication en 2006 de Early Color que son travail est enfin largement reconnu.
J’ai passé une grande partie de ma vie en étant ignoré. J’en étais très heureux. Être ignoré est un grand privilège.
C’est ainsi que j’ai appris à voir ce que d’autres ne voient pas et à réagir à des situations différemment. J'ai simplement regardé le monde, pas vraiment prêt à tout, mais en flânant.
S. Leiter. - Phone call (1957)

Son regard singulier s’exprime notamment par l’utilisation de flous, souvent obtenus en jouant avec la buée ou des mises au point particulières, ce qui confère à ses images une grande qualité poétique. Ses compositions, influencées par sa pratique picturale et parfois presque abstraites, nous plongent dans un univers presque onirique, où les détails du quotidien sont en quelque sorte déréalisés par la maîtrise à la fois lyrique et apaisée des couleurs et par le jeu virtuose des reflets et des perspectives... L'ordinaire - alors - devient parfois sublime.

dimanche 15 décembre 2024

Y. Ozeri - Ambient dinner (2024)

Le vide-grenier du dimanche. Deux oeuvres du peintre hyperréaliste israélien Yigal Ozeri (b.1958), qui réside et travaille à New York où il a cofondé en 2014 Mana Contemporary, un centre artistique multidisciplinaire situé plus précisément à Jersey City. D'abord séduit par l'abstraction, Ozeri s'est tourné vers le réalisme au début des années 2000, et son travail d'abord centré sur le portrait de jeunes femmes à l'allure romantique - inspiré par les préraphaélites du XIXᵉ siècle comme Dante Gabriel Rossetti et John Everett Millais -, a rapidement suscité une vive admiration.
Un de ces portraits me fascine - Untitled; Shely 2017 - où tout semble parfait : le scintillement de la lumière sur la surface de l'eau, les nuances entre les pierres immergées, floutées par la transparence mouvante de l’eau, et celles qui émergent, plus nettes, presque sèches, le contraste entre la texture mate et la brillance humide de la botte à demi immergée, les plis et les transparences de la tunique plaquée contre la peau. Tout est palpable, vivant, - bien plus qu'une "simple" prouesse technique.
Y.O. - Miss America (2022)

Mais ce n’est pas ce que j’ai choisi de publier aujourd’hui ; je préfère mettre en avant deux tableaux tirés de sa série consacrée aux diners – ces icônes de la culture populaire américaine – qui, au-delà de leur perfection formelle, me racontent une histoire : ils évoquent avec nostalgie des instants du quotidien, des lieux emplis d’histoires qui dialoguent avec notre imaginaire. Ce sont des œuvres qui, par leur force narrative et leur sensibilité, invitent à une véritable expérience sensible.
En 1997, Yogal Ozeri a collaboré avec le poète israélien Ronny Someck sur The Razor that Cut the Metaphoric Face of Poetry, un projet combinant gravures et poésie, montrant ainsi son intérêt pour les dialogues artistiques interdisciplinaires.

dimanche 8 décembre 2024

Andy Levin - New York (1978)
Le vide-grenier du dimanche. Deux clichés du photographe américain Andy Levin (b.1950) – contributeur de Life Magazine dans les années 1980 – qui témoignent de son regard singulier sur la vie quotidienne. Son travail, publié dans Time, National Geographic, The New York Times, Paris Match ou Forbes, explore les rituels, les fêtes et les moments intimes où surgit une vérité humaine. « My mission is to capture the vitality of the human experience and to present it on paper in a visually compelling manner. »
Né à New York, Levin baigne très tôt dans la photographie grâce à son père, lui-même passionné et ami de figures comme Weegee ou Cartier-Bresson. Il commence à expérimenter dès son enfance, voyage en Europe avec sa famille et apprend très jeune à voir et comprendre les gens et les lieux.
A.L. - Chowpatty, India (nd)

Après avoir travaillé à l’agence Black Star et participé à de nombreux projets il s’installe en 2004 à la Nouvelle-Orléans, où il documente un an plus tard les ravages du cyclone Katrina. Entre photographie et action directe pour aider ses voisins, Levin capte la beauté et la fragilité de la ville, en mêlant engagement et poésie.
Aujourd’hui, Levin continue de vivre et de travailler à New Orleans, tout en enseignant et en éditant le magazine 100 Eyes, poursuivant son exploration de la vie urbaine et des instants de grâce quotidiens.

samedi 7 décembre 2024

Hokusai - La grande vague de Kanagawa (1830)

Une image et des mots. La célébrissime "grande vague de Kanagawa" de Hokusai - la première de ses Trente-six vues du Mont Fuji -, et quelques lignes de Malcolm Lowry extraites de son premier roman, Ultramarine (1933). 

Le bateau s'élevait lentement, porté par les lentes lames bleues, une tonne d'écume déferla sous le vent, et toute la joie du ciel, cette autre mer, resplendit au-dessus du pont pour les soutiers comme pour les matelots, tandis qu'une petite barque de pêche japonais luisait, blanche, contre la côte sombre. Ah ! qu'il était merveilleux, malgré tout, d'exister !

dimanche 1 décembre 2024

René Burri - Hôtel Paix, Shanghaï (1989)
Le vide-grenier du dimanche. Deux clichés du photographe suisse René Burri (1933-2014), après celui que j'avais publié en octobre 2014.
Formé de 1949 à 1953 à l'École des Arts Appliqués de Zurich, il y apprend la composition, la couleur et le design sous la direction de figures marquantes comme Hans Finsler, Johannes Itten et Alfred Willimann – des influences qui marqueront durablement sa vision artistique..
En 1959 il devient membre de l'Agence Magnum et  parcourt le monde : le Japon, la Chine, l'Europe, et les deux Amériques. Il photographie le Moyen-Orient, la Guerre des Six Jours et celle du Vietnam. En 1963, il réalise le célèbre portrait de Che Guevara au cigare qui fera le tour du monde.
R.B. - Argentine (1958)

Mais avec son Leica – son « troisième œil » – Burri impose un style sensible et engagé, au-delà du simple reportage. Son travail, qu'il célèbre des instants ordinaires ou témoigne d'évènements majeurs, est toujours marqué par une élégance formelle et une géométrie soigneusement pensée. Avec une perspective imprégnée d’humanité, Burri ne se contente pas de documenter le réel ; il cherche à en révéler les nuances, les subtilités, la touche imperceptible qui peut donner à une image son caractère intemporel. Avant de fixer un moment, j’ai besoin de comprendre ce qui se passe, ce que je veux exprimer. C’est la présence du photographe qui détermine une bonne image. J'aime énormément celles que je présente aujourd'hui.

dimanche 24 novembre 2024

Mark Rothko - Subway (1939)
Le vide-grenier du dimanche. Deux oeuvres du peintre américain d'origine lettone Mark Rothko (1903-1970), figure majeure de l'expressionnisme abstrait et de l'art moderne, même s'il refusait d'entrer dans une catégorie qui, disait-il, " l'aliénait."
D'une simplicité apparente, son style, qualifié de Color Field Painting par la critique, cache une grande complexité émotionnelle et spirituelle. Rothko voyait ses toiles comme des espaces de méditation, où la couleur devenait le langage de l’âme.
M. Rothko - Subway (1937)

Marqué par Nietzsche, Freud et Jung, il considérait les mythes comme des outils intemporels pour réveiller l’inconscient collectif et répondre au vide spirituel de l’homme moderne. Dans ses grands champs de couleur, il cherchait moins à représenter qu’à susciter une expérience intérieure – un face-à-face avec l’essentiel. Pour Mark Rothko, l’art avait une responsabilité morale : celle d’offrir une forme de transcendance à une époque désenchantée. Il s'est suicidé en 1970.

samedi 23 novembre 2024

Markus Hartel - Sans titre
Une image et des mots. 
Aborder le sujet des idées, c'est rapidement traiter de leur échange et de leur partage.. Échangez votre pomme avec quelqu'un, disait à peu près le dramaturge irlandais George Bernard Shaw, et vous n'aurez toujours qu'une pomme ; échangez votre idée, et vous aurez chacun deux idées..
C'est aussi traiter de leur confrontation, et inévitablement en venir au sujet de la tolérance.

Moins les gens ont d'idée à exprimer, plus ils parlent fort, écrivait François Mauriac dans Le pays sans chemin (1951).

L'image est du photographe allemand Markus Hartel, et les mots qu'elle m'inspire sont de Pierre Bayle, précurseur de Locke et de Voltaire, extraits de son Commentaire philosophique II (1636)

Il n'y a pas, dit-on, de plus dangereuse peste dans un État que la multiplicité de religions, parce que cela met en dissension les voisins avec les voisins, les pères avec les enfants, les maris avec les femmes, le Prince avec ses sujets. Je réponds que bien loin que cela fasse contre moi, c'est une très forte preuve pour la tolérance ; car si la multiplicité des religions nuit à un État, c'est uniquement parce que l'une ne veut pas tolérer l'autre [.....], c'est là l'origine du mal.

dimanche 17 novembre 2024

C.P. - Valenciennes (1883)
Le vide-grenier du dimanche. Deux oeuvres de Camille Pissaro (1830-1903), figure fondatrice de l’impressionnisme, souvent considéré comme le "père spirituel" du mouvement. Né aux Antilles danoises (aujourd'hui les Îles Vierges américaines), il s’installe à Paris et suit des cours particuliers à l’École des Beaux-Arts en 1856, avant de s’inscrire comme copiste au musée du Louvre. Pissarro explore de multiples influences :
il rencontre Camille Corot, avec qui il étudie, et découvre Delacroix, Courbet, Ingres ou Daubigny. Séduit par les thèmes de la vie rurale chez Millet, par le refus du pittoresque de Courbet et par la poésie lumineuse de Corot, il s’oriente vers une peinture de plein air, ancrée dans la réalité et la lumière.
C.P. - La Seine à Rouen (1888)

Entre 1859 et 1861, il fréquente des académies libres, dont celle du "père Suisse", haut lieu de l’avant-garde. Il y lie amitié avec Monet, Guillaumin, Piette et Cézanne, qu’il encouragera toute sa vie. Travaillant aussi dans l’atelier d’Anton Melbye, il peint en plein air à Montmorency, affinant sa recherche sur la lumière et les paysages. Théoricien de l’anarchie, proche des milieux libertaires de la Nouvelle-Athènes, Pissarro imprègne son œuvre d’un humanisme profondément égalitaire. Tout au long de sa carrière, il célèbre la ruralité, la vie quotidienne et les paysages en mutation, dans des compositions où la lumière devient le fil conducteur de l’harmonie entre l’homme et la nature.

dimanche 10 novembre 2024

Weegee - At the Limelight Café, NYC (1954)
Le vide-grenier du dimanche. Deux clichés du photo-journaliste américain Arthur Fellig (1899-1968), plus connu sous le pseudonyme de Weegee, figure mythique du reportage criminel new-yorkais.
Né en 1899 à Złoczów, en Galicie (aujourd’hui en Ukraine), il émigre avec sa famille à New York en 1909. Fasciné très tôt par la photographie, il quitte l’école à 14 ans pour travailler dans un studio, puis dans un laboratoire de développement pour l’agence Acme Newspictures. En 1935, il se lance en indépendant et se spécialise dans les faits divers : c’est là qu’il gagne son surnom, dérivé de Ouija, pour ce « sixième sens » qui le faisait arriver sur les lieux des crimes avant la police – en réalité grâce à une radio branchée sur leurs fréquences.

Weegee - Broome St., Little Italy; NYC
(1942)
Armé de sa Speed Graphic il parcourt les rues de New York, souvent la nuit : avec une intensité dramatique et une noirceur accentuées par l’emploi du flash, il photographie scènes de crimes,  incendies, accidents, corps broyés, cadavres de caïds ou de porte-flingue, portraits de dingues et de paumés.... En 1945, Weegee publie "Naked City", un recueil de photographies qui devient un best-seller et assoit sa renommée. Véritable plongée dans la splendeur chaotique de New York, ce livre inspire à Jules Dassin le magnifique film noir du même nom (La cité sans voiles en version française, 1948). C'est un film que j'aime beaucoup, et au fond la raison pour laquelle j'ai décidé de parler (autant) de Weegee, c'est que son travail - et l'image du photographe, cigare vissé aux lèvres, faisant crépiter le flash de sa belle Speed Graphic sur des pavés mouillés de sang et de pluie avant de finir sa nuit au Sammy's Bowery Follies -, est pour moi, au même titre que le cool jazz, indissociable de l'atmosphère qui définit ce genre.
En 1946, Weegee quitte New York pour Los Angeles : il abandonne alors les scènes macabres pour les reflets d’Hollywood. Il s’amuse à déformer les visages de stars, tourne en dérision la célébrité, et publie en 1953 Naked Hollywood, pendant ironique et fantasque de son Naked City.

dimanche 3 novembre 2024

Netsuke (fin 18e - début 19e)
Le vide-grenier du dimanche. Le netsuke est un petit objet sculpté en bois, ivoire, os, corne ou autre matériau, né dans la culture japonaise au XVIIe siècle.
À l’origine, il s’agissait d’un accessoire fonctionnel : les vêtements traditionnels japonais, comme le kimono, ne comportant pas de poches, le netsuke servait à fixer au cordon de l’obi (ceinture) des objets du quotidien tels qu’une bourse, un inrō (petit coffret) ou une pipe.

Netsuke (fin 18e)
Les netsuke sont des objets d'une grande finesse artistique, souvent sculptés en formes animales, végétales, humaines ou fantastiques, et chaque pièce est unique. Certaines sculptures racontent des histoires ou représentent des personnages de la mythologie et du folklore japonais. Avec le temps, les netsuke sont devenus des objets de collection prisés pour leur complexité esthétique et le savoir-faire artisanal qu’ils reflètent.
Ils sont aujourd'hui considérés comme des œuvres d'art à part entière, collectionnées pour leur beauté et leur valeur historique.

samedi 2 novembre 2024

Matt Black - Dewey County
Une image et des mots. Un cliché de Matt Black (voir février 2018), extrait de sa série "Géographie de la pauvreté", et quelques vers du poète espagnol Miguel Florián Ocaña.

Los días se parecen a los pájaros
-vienen y luego van- y siempre dejan
una herida de luz. Huele a musgo su vuelo,
a países de escarcha,
a savia de madroños escondidos...
(Hay una fuente oculta que derrama blancos ríos de sed, y un campanario
azul, mecido por el viento).
De qué cielo, de qué elevada dicha,
los pájaros descienden. De qué amor.
Los días se parecen a los pájaros,
igual tristeza dejan cuando pasan,
la misma oscuridad, igual silencio.

***

Les jours ressemblent aux oiseaux
– ils viennent puis s’en vont – et laissent toujours
une blessure de lumière. Leur vol sent la mousse,
les contrées de givre,
la sève des arbousiers cachés…
(Il y a une source secrète qui répand
des rivières blanches de soif, et un clocher
bleu, bercé par le vent).
De quel ciel, de quel bonheur élevé,
descendent les oiseaux. De quel amour.
Les jours ressemblent aux oiseaux,
ils laissent la même tristesse lorsqu’ils passent,
la même obscurité, le même silence.

dimanche 27 octobre 2024

O.S. - Fermant les volets (1929)

Le vide-grenier du dimanche. Deux oeuvres, des tempera sur papier, du peintre et illustrateur suédois Otte Sköld (1894-1958). Né en Chine, il y reçoit ses premières leçons de dessin avant que sa famille ne retourne s’installer en Suède. Il y poursuit sa formation, notamment à l’école de peinture d’Althin – l’une des plus importantes de Scandinavie – puis part à Copenhague et à Paris, où il dirige dans les années 1920 l’Académie Scandinave et enseigne à la Maison Watteau. De retour en Suède, il fonde sa propre école, l’école Sköld.

O. Sköld - Mansardes (1921)
Représentant du courant de la Nouvelle Objectivité, apparu dans l’Europe des années 1920 – d’abord en Allemagne (Neue Sachlichkeit) en réaction à l'expressionisme et à l’évolution du modernisme vers l’abstraction –, Sköld s’attache à peindre la réalité nue, sans embellissement. Issus pour la plupart des grandes villes, en particulier de Berlin, les artistes de ce mouvement veulent montrer le monde tel qu’il est : celui d’une société d’après-guerre rongée par la pauvreté et le désenchantement. Il n'y a qu'un seul monde et il est cruel, disait Nietzsche.

RS2
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samedi 26 octobre 2024

Henri Senders
Une image et des mots. Un cliché du photographe néerlandais Henri Senders (b.1958).

Elle vivra toujours,
Sur les grèves,
Des îles roses,
Toujours indocile,
Toujours indomptable,
Avec ses chevilles
Si blanches
Que leur révélation
Passe comme un éclair sur la mer
Et illumine le monde entier.

Panaït Istrati, Nerrantsoula
TZ1

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dimanche 20 octobre 2024

Beryl Cook - The dancer

Le vide-grenier du dimanche. Deux oeuvres de l'artiste autodidacte anglaise Beryl Cook (1926-2008), très appréciée pour ses tableaux pleins d’humour, de vitalité et de personnages hauts en couleur. Son style, que l’on pourrait qualifier de 
« naïf » et de « populaire » – quelque part entre un Dubout policé et un Botero festif – dépeint la vie quotidienne avec un regard à la fois tendre et satirique.
Beryl Cook - Banjo players

Inspirée par sa fréquentation des pubs, elle représente avec malice et bienveillance des personnages exubérants, aux formes généreuses, des joyeux fêtards et des dondons en goguette qui sirotent leur cask beer dans des situations festives.
Qu'il s'agisse de soirées dansantes, de pubs animés ou de plages ensoleillées, Beryl Cook a su saisir et dépeindre avec brio la culture populaire britannique, souvent avec une touche irrévérencieuse, en célébrant la joie de vivre et l'excentricité de ses compatriotes. Bien qu’elle n’ait jamais cherché les honneurs, son œuvre a conquis un large public par son authenticité, son humour et cette capacité rare à transmettre l’esprit du quotidien – et la joie simple d’être ensemble. « Nous valons ce que valent nos joies », écrivait Saint Thomas d'Aquin.

dimanche 13 octobre 2024

B.v.M. - Larry & his grandfather, Cumberland KY (1987)
Le vide-grenier du dimanche. Deux clichés de la photographe néerlandaise Bertien van Manen (1935-2024). Après des études de langues et littératures allemande et française à l’université de Leyde, elle débute en 1974 comme photographe de mode.
Mais la découverte du livre de Robert Frank, The Americans (1958, voir nov. 2019), provoque chez elle une véritable révélation. I am guided more by a feeling and a search, a real longing, for some kind of meaning.

B.v.M. - Odessa, Station 16 (1992)
Dès lors, elle délaisse la mode pour se consacrer à la photographie documentaire.
I am guided more by a feeling and a search, a real longing, for some kind of meaning.
Désormais, elle va sillonner la Chine, les républiques de l'ex-URSS, et surtout la région des Appalaches aux États-Unis, où elle partage la vie des fameux hillbillies (cliché 1).
Les hillbillies, ce sont ces paysans reculés des montagnes du Kentucky et du Tennessee, auxquels sont attachés des stéréotypes d'arriération et de violence, mis en scène en 1972 par John Boorman dans son film Délivrance et - de façon plus légère -, par le dessinateur Al Capp avec les aventures de Li'l Abner et de la famille Yokum (voir publication de janvier 2010). Pendant près de trois décennies, Bertien van Manen documente leur quotidien, témoin bienveillant d’un monde en marge qu’elle célèbre dans son ouvrage Moonshine (2001), du nom du whisky distillé clandestinement dans ces régions pauvres de l'Amérique profonde.
BI3

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dimanche 6 octobre 2024

B. Wegmann - Femme à la couture (1891)
Le vide-grenier du dimanche. Deux oeuvres de Bertha Wegmann (1846-1926), une des artistes féminines les plus importantes du XIXe siècle au Danemark, notamment pour ses portraits et ses scènes de genre. Très tôt attirée par le dessin, elle ne reçoit pourtant aucune formation formelle avant l’âge de 19 ans, lorsqu’elle commence à étudier auprès de Frederik Ferdinand Helsted, Heinrich Buntzen et Frederik Christian Lund.
Deux ans plus tard, grâce au soutien de ses parents, elle s’installe à Munich, où elle vivra jusqu’en 1881.
Elle y étudie d’abord avec le peintre historique Wilhelm von Lindenschmit le Jeune, puis avec celui que de tous je préfère : Eduard Kurzbauer, merveilleux peintre de genre.

B.W. - Resignation (1890)
Mais Wegmann ne se satisfait pas longtemps de l’enseignement en atelier : elle choisit d’apprendre directement au contact de la nature.
Elle se lie d’amitié avec la peintre suédoise Jeanna Bauck, avec qui elle entreprend plusieurs voyages d’études en Italie avant de s’installer à Paris en 1881, où elle participe à plusieurs Salons.
L’année suivante, elle retourne à Copenhague, où ses œuvres étaient déjà connues depuis leurs expositions régulières au Palais Charlottenborg depuis 1873.
Un portrait de sa sœur - il est magnifique - lui vaut en 1833 la médaille Thorvaldsen, et quatre ans plus tard, Bertha Wegmann devient la première femme à occuper une chaire à l'Académie royale des beaux-arts du Danemark.

samedi 5 octobre 2024

Brassaï - Rue de l'Hôtel de Ville, Paris (1932)

Une image et des mots. J'étais à la recherche de la poésie du brouillard qui transforme les choses, de la poésie de la nuit qui transforme la ville, de la poésie du temps qui transforme les êtres... Ce cliché est de Brassaï.
Et pour l'accompagner, voici quelques lignes d'Alexandre Vialatte extraites de son roman "Salomé" écrit en 1932 et publié pour la première fois en 1991.

Regarde au fond de la nuit noire et tu n'y verras que tes rêves. Solitude des maisons fermées. Que font ces âmes dans la nuit ? Désordre immense au fond des eaux calmes, suprême désordre des sommeils ...
[...] Une petite fille, les yeux ouverts, regardant au plafond de sa chambre, écoute un air venu de loin qui perce la nuit... [...] Deux flûtes, presque imperceptibles, au coeur des montagnes lointaines, tissent le destin dans leur navette. Les rêves passent au fond des ténèbres, les rêves défilent au fond des eaux comme des poissons maléfiques, brillants, que nos mains effarouchent, que nos torpeurs rendent hardis. La nuit descend, avec ses fards et ses opiums, et révèle l'envers du monde. Le jour brise comme la foudre ceux qui ont pris la nuit pour patrie. La nuit, patrie internationale, qui ne souffre pas de trahison ; océan pur d'où le poisson ne peut pas sortir sans en mourir ; le soleil foudroie les nocturnes, les mythiques. On dit qu'il existe, au fond des profondeurs abyssales, des poissons merveilleux ; s'ils remontent vers le soleil, trompés et séduits par l'ombre d'un navire, ils éclatent comme des bombes et rien ne reste de leurs entrailles dispersées.

dimanche 29 septembre 2024

Adolph Gottlieb - Drift (1961)
Le vide-grenier du dimanche. Deux oeuvres du peintre américain Adolph Gottlieb (1903-1974), un des artistes les plus influents du XXe siècle et un acteur central du mouvement de l'expressionnisme abstrait.
Certains peintres transforment le soleil en un point jaune ; d'autres transforment un point jaune en soleil, disait Picasso.
Originaire de New York, il commence sa formation artistique à l'Art Students League, avant de voyager en Europe, où il découvre l’art moderne. Cézanne, Matisse, Léger, Picasso, mais aussi le surréalisme et les arts premiers le marquent profondément. Ces influences se manifestent dans sa série des Pictographs (années 1940), où il ordonne symboles et formes géométriques dans des grilles évoquant à la fois les mythes anciens et les archétypes universels. 

A.G. - Man with fish
Dans les années 1950, il développe son style le plus emblématique avec les Burst Series : de grandes toiles dominées par des sphères éclatantes, des oppositions de masses et de couleurs qu’on peut lire comme des abstractions de l’énergie, du chaos ou des forces vitales.
But to me everything is nature, including any feelings that I have – or dreams. Everything is part of nature.
Even painting has become part of nature. To clarify further: I don't have an ideological approach or a doctrinaire approach to my work. I just paint from my personal feelings, and my reflexes and instincts. I have to trust these
En parallèle, Gottlieb s’engage activement dans la défense de l’art moderne : membre fondateur du groupe The Ten, il co-signe en 1950 la Première Déclaration des peintres d’avant-garde publiée dans le New York Times, affirmant la place de l’abstraction comme langage essentiel du monde contemporain.

samedi 28 septembre 2024

(anon.)
Une image et des mots. Une pirogue en Amazonie, et les dernières lignes de l'autobiographie de Sartre.

"Glissez, mortels, n’appuyez pas. Ce que j’aime en ma folie, c’est qu’elle m’a protégé, du premier jour, contre les séductions de « l’élite » : jamais je ne me suis cru l’heureux propriétaire d’un « talent » : ma seule affaire était de me sauver – rien dans les mains, rien dans les poches – par le travail et la foi.
Du coup ma pure option ne m’élevait au-dessus de personne : sans équipement, sans outillage je me suis mis tout entier à l’œuvre pour me sauver tout entier. Si je range l’impossible Salut au magasin des accessoires, que reste-t-il ? Tout un homme, fait de tous les hommes et qui les vaut tous et que vaut n’importe qui
."
DG7

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dimanche 22 septembre 2024

J. Vermeer - Le géographe (c.1669)

Le vide-grenier du dimanche. Deux chefs-d'oeuvre de Vermeer (mais est-ce que Vermeer n'a pas peint que des chefs-d'oeuvre ?), déjà présenté en juin et novembre 2008. Aujourd'hui célébré comme l'un des plus grands peintres de l'Âge d'or néerlandais aux côtés de Rembrandt, Vermeer demeura pourtant presque inconnu de son vivant, en dehors de sa ville natale de Delft. Sa notoriété restreinte s’explique sans doute par une production limitée – à peine une quarantaine de toiles en vingt ans – et par une vie restée longtemps mystérieuse, qui lui valut ce beau surnom de « Sphinx de Delft ».

J.V. - Le verre de vin (1661)
Tombé dans l’oubli après sa mort, il ne sera redécouvert qu’au XIXᵉ siècle grâce au regard passionné du critique français Théophile Thoré-Bürger, qui lui consacre en 1866 une série d’articles décisifs.
Maîtrise exceptionnelle de la lumière et des couleurs, finesse remarquable dans les détails - des textures des étoffes à la profondeur des espaces -, la peinture de Vermeer a sublimé la beauté simple et lumineuse de la vie.

dimanche 15 septembre 2024

Marvin Newman - Chicago (1950)
Le vide-grenier du dimanche. Deux clichés du photographe américain Marvin E. Newman (b. 1927).
Dès l’âge de seize ans, il entreprend des études de sculpture et de photographie au Brooklyn College de New York, où il a pour professeur Walter Rosenblum — celui-là même qui fut le premier photographe allié à pénétrer dans le camp de Dachau.

M.N. - Broadway (1954)
En 1948, Newman rejoint brièvement la Photo League, et l'année suivante il est à l' Institute of Design de Chicago, où il va suivre l'enseignement de Harry Callahan (voir mai 2010) et de Aaron Siskind (voir déc. 2020). Diplômé en 1952, il retourne à New York, où il poursuivra une longue carrière marquée par une approche à la fois humaniste et expérimentale, attentive à la géométrie, à la couleur et au mouvement d'une ville qu’il n’aura, d’une certaine manière, jamais quittée.

dimanche 8 septembre 2024

Xavier Marabout
Le vide-grenier du dimanche. Deux oeuvres du peintre et sculpteur français Xavier Marabout (b.1967), connu pour ses détournements malicieux mêlant culture populaire et peinture classique.
Il revisite des figures iconiques de la bande dessinée et de l’animation, en y injectant une touche érotique et humoristique. Ainsi, le loup libidineux de Tex Avery croise des femmes nues peintes dans le style de Picasso.

X.M. - Taxi pour noctambules
(2014)
Depuis 2012, il explore l’univers d’Hergé dans une série (ICI), où Tintin, habituellement asexué, est placé dans des situations plus audacieuses que celles auxquelles son créateur nous a habitués. Marabout le met en scène dans des décors inspirés des toiles d’Edward Hopper, comme Nighthawks ou Summertime, conjuguant la ligne claire de la bande dessinée avec le réalisme poétique de Hopper, et jouant sur le contraste entre l’univers sage de Tintin et ces contextes empreints de sensualité.
Cette façon qu'a Xavier Marabout de mêler l'irrévérence et l'hommage pour brouiller les frontières entre art classique et culture populaire me plait beaucoup.

samedi 7 septembre 2024

Gilbert Garcin - Le moulin de l'oubli (1999)
Une image et des mots. Où Beckett dialogue avec Tati... Une "photosophie" du provencal Gilbert Garcin (b.1929). La Croix en parle ICI.

Cet homme pousse, dans un cercle par définition infini et symbole d'un éternel recommencement, un cylindre qui efface éternellement les traces qu'il laisse derrière lui... Cette image est évidemment proche du mythe de Sisyphe, où l'homme est condamné à pousser un rocher qui retombe inexorablement. Albert Camus en avait fait un symbole de l'absurde : la quête humaine de sens dans un univers indifférent, sans réponse ultime.

" Il s'agit simplement d'être fidèle à la règle du combat. Cette pensée peut suffire à nourrir un esprit : elle a soutenu et soutient des civilisations entières. On ne nie pas la guerre. Il faut en mourir ou en vivre. Ainsi de l'absurde : il s'agit de respirer avec lui ; de reconnaître ses leçons et de retrouver leur chair. A cet égard, la joie absurde par excellence, c'est la création."

dimanche 1 septembre 2024

Jan Josef Horemans the Younger
Chez le médecin (18e.)
Le vide-grenier du dimanche. Deux oeuvres du peintre flamand Jan Josef Horemans le Jeune (1714-1792). Héritier d’une tradition artistique familiale, il est le fils de Jan Josef Horemans l’Ancien, dont il s’inspire tout en affirmant un style qui lui est propre.
Il excelle à dépeindre de façon minutieuse et vivante la vie quotidienne dans les Flandres, des intérieurs bourgeois, des marchés animés ou des scènes conviviales, nous offrant ainsi  un aperçu précieux des interactions humaines et des mœurs de son époque.

J.J. H. - Interdiction de fumer
Le tableau ci-contre, qui illustre une scène amusante, en est un bon exemple. Une jeune femme a dissimulé sous sa jupe ample le brasero dont son mari a besoin pour allumer sa pipe, ce qui fait rire de bon coeur le jeune homme en tunique bleue. Fumer était alors considéré comme un vice, et certaines femmes essayaient d'en empêcher leurs maris. Le jeune homme hilare a déjà un verre à la main, et dans la pièce voisine, une servante s'affaire à servir ses compagnons.
Tout en s’inscrivant dans la lignée des maîtres flamands de l’Âge d’or, Horemans le Jeune modernise cet héritage par une approche plus narrative et légère. Ses peintures, semblables à des instantanés de la société du XVIIIe siècle, documentent avec finesse les habitudes et les coutumes de la classe moyenne de son temps.

dimanche 25 août 2024

F.K. - Nous étions des paysans (1931)
Le vide-grenier du dimanche. Deux clichés du photographe français d'origine hongroise François Kollar (1904-1979). Arrivé en France dans les années 1920, il travaille d'abord comme tourneur et ajusteur chez Renault, et ce n'est qu'à partir de 1927 qu'il entre, presque par hasard, dans le monde de la photographie. Influencé par le mouvement moderniste, Kollar va se faire connaître pour ses images saisissantes de l'industrie et du monde du travail, qu’il capte avec un regard à la fois documentaire et profondément esthétique.

F.K. - Mineurs, Sin-le-Noble (1931)
Il appartient à cette génération de photographes qui ont contribué à affirmer la photographie comme un art à part entière. Membre du groupe Le Rectangle avec des figures comme René-Jacques (voir avril 2024) et Jean Dieuzaide (qui fera l'objet d'une future publication), , il se distingue autant par ses travaux publicitaires que par ses scènes de la vie quotidienne et ses reportages sur les ouvriers, empreints d’un humanisme sincère. Le travail de François Kollar témoigne d’un équilibre rare entre exigence formelle et engagement social — un art qui, tout en rendant hommage à la dignité du travail, célèbre la beauté des gestes et des machines.

Albert Rieger - Clair de lune Le vide-grenier du dimanche. Deux oeuvres du peintre et photographe autrichien Albert Rieger (1834-1905), form...