In girum imus nocte et consumimur igni

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dimanche 28 décembre 2008

Amrita Sher-Gil - Autoportrait
Le vide-grenier du dimanche. Deux oeuvres de l'artiste hungaro-indienne Amrita Sher-Gil (1913-1941).
Considérée comme l'une des pionnières de l'art moderne indien, elle est née à Budapest d'une mère hongroise et d'un père indien.
C'est en Inde qu'elle a passé la majeure partie de son enfance, mais c'est à Paris, à l'École des Beaux-Arts et à l'Académie de la Grande Chaumière, qu'elle a étudié la peinture.

A. S-G. - Hiver (1939)
Son style distinctif mélangeait les traditions occidentales et indiennes dans une oeuvre audacieuse qui reflétait souvent ses propres expériences et son identité de femme métisse.
Je ne peux pas dire que sa peinture me bouleverse, mais j'aime assez ces deux tableaux, en particulier le paysage ci-contre, pour les présenter ici. Ma peinture, disait-elle, est un acte de décolonisation.

samedi 27 décembre 2008

A/U - Allemagne (1930)

Une image et des mots.
Or le Père Noël lui-même est démonétisé. Les enfants, qu'il emplit naguère de révérence et de frisson sacré, le chahutent aujourd'hui aux portes du Printemps. C'est depuis qu'on le fabrique en série. On croit au Père Noël, pas à dix Pères Noël, pas à cinquante, pas à un syndicat. On a tort de commercialiser ; le commerce tue la foi et la poule aux oeufs d'or. La Noël, la fête des mamans, le jour des pères, entre une journée du détergent et une journée du rasoir à lame bleue. On ne sait plus ce qu'ont été les choses. Elles ne sont plus. La Noël se vend deux mois d'avance. Il faut relire Pourrat pour la retrouver. On ne sait plus ce que purent être une pomme, une rose, une bague, voire un âne, un pâté. C'étaient des trésors spirituels. Ils brillent dans l'ombre du vieux temps, désirs du coeur, désirs de l'âme, hautes récompenses de longues vertus, plaisirs profonds et presque abstraits. On ne sait plus ce que furent la polaire, les Trois Rois, l'étoile du Bouvier. Ni cette tranquillité de la neige de minuit, qui fut une sérénité de l'âme. Ni cette "grande nuit d'astres et d'anges" qui prit une odeur de jardin quand passa l'étoile du berger. Nous avions tous au fond du coeur je ne sais quel arbre de Noël que les marchands ont mis en vente. Tant pis pour lui, tant pis pour nous, tant pis pour eux. Tout ne se reboise pas. Et c'est ainsi qu'Allah est grand. Alexandre Vialatte, chronique de La Montagne (1952-1971).

dimanche 21 décembre 2008

Anna Syperek - Twilight

Le vide-grenier du dimanche. Deux oeuvres de la canadienne Anna Syperek (b.1951), née en Angleterre de parents anglais et polonais.
Elle étudie la peinture et l'histoire de l'art à la York University de Toronto puis, en 1971, part s'installer à Antigonish où elle se forme en autodidacte à l'aquarelle.
Six ans passent avant qu'elle ne reparte, pour cette fois étudier la gravure au Nova Scotia College of Art and Design d'Halifax.
Elle obtient son Bachelor of Fine Arts en 1980, et retourne s'installer à Antigonish où elle crée son atelier.
A.S. - Twilight, College St. (1995)

Son travail, intimement lié au paysage rural et côtier de cette région, dégage une forme de douceur ancrée dans le réel - une attention patiente portée aux saisons, à la lumière, à la beauté des choses simples. Évidemment, ça me plaît beaucoup.
Much of what I paint is just around my house - looking out the window at breakfast, or something on the way in to town. Sometimes, I'm hit over the head with an image that I just must paint, or sometimes I see the same thing over and over and then suddenly I'm seeing it in a different way, and what I see is full of meaning, significance and beauty. I try to recreate that "seeing", revealing the truth, unity and coherence of everyday life.

dimanche 14 décembre 2008

A.Aubrey Bodine - Jessie's coffee shop

Le vide-grenier du dimanche. 
Deux clichés du photographe et photojournaliste américain A. Aubrey Bodine (1906-1970). Engagé en 1923 au Baltimore Sunday Sun comme garçon de courses, il y entame sa carrière de photographe à partir de 1927 et va dès lors, pendant plus de 40 ans, documenter la vie et les traditions du Maryland.
A.A.B. - Journey's end (1950)

Son travail, à la croisée du documentaire et du pictorialisme, célèbre le quotidien, les paysages industriels, marins, ruraux ou urbains, mais toujours avec une attention précise à la beauté formelle, à la structure, aux textures.
Il considérait la photographie comme un art à part entière, qui exige patience et maîtrise technique, et il retouchait souvent ses tirages en chambre noire pour en affiner les contrastes.
Aubrey Bodine est considéré comme l'un des photographes les plus influents de sa génération, et Rob Hiaasen, un de ses collègues journalistes au Baltimore Sun, disait de lui ceci : Aubrey Bodine was a master photographer who had an extraordinary vision of beauty in ordinary things. " Il n'y a rien de plus extraordinaire que ce qui est ordinaire ", aurait dit Chesterton.

dimanche 7 décembre 2008

Victor de Budt - Le passeur (1929)

Le vide-grenier du dimanche. Deux oeuvres du belge Victor-Frans de Budt (1886-1965), dont j’ai découvert le travail un peu par hasard, mais avec assez d’intérêt pour vouloir le partager ici. Je sais peu de choses de lui, sinon que le déclenchement de la Première Guerre mondiale le poussa à fuir vers les Pays-Bas, en compagnie de Frits Van den Berghe et de Gustave De Smet. Il s’installe alors à Amsterdam, puis à La Haye. Mais, comme le disait Disraeli, « l’ignorance a ses bienfaits, qui sont qu’on a toujours quelque chose à apprendre ».

V.d B. - Soir d'hiver à Bruges
Dès ses premières expositions, sa peinture marque les esprits des critiques. Pourtant, peu médiatisé, il ne courtise ni les avant-gardes ni les cénacles. Il préfère le retrait : une œuvre silencieuse, souvent empreinte de spiritualité, dans une veine intimiste nourrie du symbolisme et de l’idéalisme belge de la fin du XIXe siècle. C'est, il me semble, ce qu'illustrent les deux tableaux que je présente ici.
Le journaliste Cornelis Karel Elout a écrit cette belle formule à son sujet : « De Budt sonde sous les surfaces troublées les profonds silences qui sont sous toute créature comme sous toute mer. Et toujours, c’est la petitesse de l’homme et de la chose contre la création qu’il nous fait voir et sentir. »

samedi 6 décembre 2008

Félix Thiollier - Un jour de neige (1899)
Une image et des mots. L'image est de Félix Thiollier, les mots sont de la poétesse amérindienne Joy Harjo (b.1951), de la nation Muskogee Creek.

All around the world
The wild horses are dancing
Bringing their grace
To this earth.
[.....]
The horses are dancing
To bring us back to life
To remind us of the freedom
That we have lost.

Their dance is a prayer
To the winds and the sun
To the earth and the sky
To the spirits of all things.

Their dance is a gift
To all of us
A reminder of the beauty
That lie within us all.

dimanche 30 novembre 2008

W.C. - Jug with bottles (1930s)
Le vide-grenier du dimanche. En ce jour anniversaire de sa naissance, deux oeuvres du Sunday painter anglais Winston Churchill (1874-1965).
Même s'il qualifiait ses tableaux de barbouillages, il a peint plus de 500 toiles, et les dernières jusqu'à un âge avancé, car la passion pour la peinture ne l'a jamais quitté. When I get to heaven I mean to spend a considerable portion of my first million years in painting.

W.C. - Trees near Breccles (1936)
Happy are the painters, for they shall not be lonely. Light and colour, peace and hope, will keep them company to the end, or almost to the end, of the day, écrit-il encore dans son petit essai Painting as a pastime, publié en 1948.
On raconte qu'à quelqu'un qui lui conseillait de tailler dans le budget des arts pour aider à l'effort de guerre il aurait répondu : "Mais alors, pourquoi nous battons-nous ?"

samedi 29 novembre 2008

Wayne Miller - Lovers (1957)
Une image et des mots. L'image, c'est ce cliché du photographe américain Wayne Miller.
Ont-ils trouvé chaussure à leur pied ?
Dans son commentaire au Cantique des Cantiques, Claudel nous dit ceci : "La chaussure est ce qui sépare le pied de la terre, qui l'exhausse, qui l'empêche d'être souillé par la boue et meurtri par l'obstacle. C'est de la foi, c'est de l'idée, c'est du ciel, qu'il faut nous mettre au pied si nous voulons assurer notre avancement".

Mais s'agit-il, chez Beckett, des mêmes chaussures, celles qu'Estragon tente désespérément d'enlever tant elles le font souffrir ? Ces souliers douloureux, il les enlève, les remets, les enlève encore... ; jusqu'à ce quelqu'un d'autre les trouve et lui laisse les siennes. Car chacun doit trouver chaussure à son pied et un monde à sa mesure...
" On trouve toujours quelque chose, hein Didi, pour nous donner l'impression d'exister ?"
LB1

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dimanche 23 novembre 2008

H. Hartung - Sans titre (1955)

Le vide-grenier du dimanche. Deux toiles du peintre et photographe français d'origine allemande Hans Hartung (1904-1989), figure prééminente du monde artistique avant-gardiste de l'après-guerre, associée notamment au mouvement Art Informel.
Il raconte que très jeune, dès l'âge de six ans, il s'efforçait de reproduire sur son cahier d'écolier les zigzags des éclairs dès qu'ils apparaissaient, avant le coup de tonnerre, pour ainsi conjurer la foudre ; adolescent, il est fasciné par la photographie et l'astronomie et au lycée de Dresde il se passionne pour Rembrandt, Le Gréco et les expressionnistes allemands.

H. Hartung - Rayonnement (1962)
Dans les années 20, après des études de philosophie et d'histoire de l'art à Leipzig, il revient à Dresde pour y suivre l'enseignement de l'Académie des beaux-arts. Puis il part s'installer à Paris où il fréquente assidûment le Louvre. et découvre le travail des Surréalistes et des Expressionnistes abstraits.
En 1929 il épouse la peintre norvégienne Anna-Eva Bergman.
Pendant la Seconde guerre mondiale, hostile au nazisme, il rejoint la Légion Étrangère jusqu'à l'Armistice de 1940 puis s'installe dans le Lot. L'ensemble du territoire français étant finalement occupé, il passe clandestinement en Espagne en 1943 en franchissant les Pyrénées dans des conditions périlleuses. Arrêté et torturé par la police franquiste, il sera interné au camp de concentration de Miranda del Ebro où il enseignera l'histoire de l'art à ses codétenus.
Finalement libéré il se réfugie en Afrique du Nord et s'engage de nouveau dans la Légion Étrangère ; blessé au combat en 1944 dans la région de Belfort il devra être amputé de sa jambe droite. Hans Hartung sera naturalisé français en 1946, décoré de la croix de guerre, de la médaille militaire, et de la Légion d'honneur.
Pionnier de l'art gestuel caractérisé par des techniques expressives spontanées (éclaboussures, projections...) il exerce encore aujourd'hui une influence majeure et reste considéré comme l'un des artistes les plus importants de l'art abstrait du XXème siècle.
Art is not what you see, but what you make others see.

dimanche 16 novembre 2008

Tore Johnson - Paris (1950)

Le vide-grenier du dimanche. Deux clichés du photographe suédois Tore Yngve Johnson (1928-1980), qui fut l'un des membres du collectif Ten photographers, créé en 1958.
À la fin des années 40, avant de devenir indépendant, il est l'assistant de deux de ses compatriotes : le grand photographe de presse Karl Werner Gullers - dont l'un des clichés fut choisi par Steichen pour sa monumentale exposition The Family of Man -, et Sten Didrik Bellander, figure majeure de la photographie suédoise qui fut lui-même assistant de Richard Avedon à l'occasion après-guerre d'un séjour d'un an à New York.

T. Johnson - Paris (1950)





Puis, au début des années 1950, Tore Johnson séjourne à Paris en compagnie d’autres photographes suédois, une expérience qui va marquer profondément son art.
Attentif et sensible à ceux qui vivent en marge, il a été fortement inspiré par la photographie humaniste, un style de photographie de rue alors en plein essor qui s'attachait à dépeindre la vie quotidienne en combinant réalisme et poésie. Les deux documents que j'ai choisis datent de cette période.

dimanche 9 novembre 2008

H. Rigaud
Autoportrait au turban
(1698)
Le vide-grenier du dimanche. Du portrait, Diderot disait qu'il était une lettre de recommandation écrite dans une langue commune à tous les hommes.
En voici deux, du grand portraitiste Hyacinthe Rigaud (1659-1743), et le premier des deux - celui que je préfère -, est le sien.
H. Rigaud - Louis XIV
(1701)

J'aime aussi beaucoup celui de Bossuet ; mais comme un roi n'est roi qu'en peinture, (c'est en tous cas ce qu'affirme en 1690 l'abbé Furetière dans son Dictionnaire universel contenant généralement tous les mots français tant vieux que modernes), c'est son fameux portrait de Louis XIV, "roi des arts", en costume de sacre, que je choisis ensuite.

dimanche 2 novembre 2008

G. Tice - Telephone booth, 3 a.m., Rahway, NJ
(1974)

Le vide-grenier du dimanche. Deux clichés du photographe George Tice (b.1938), figure discrète mais essentielle de la photographie américaine et qui s'est attaché avec son travail en noir et blanc à saisir l'essence des paysages urbains et ruraux de son pays.
Il a commencé à s'intéresser très jeune à la photographie, dès l'âge de 14 ans, et a fréquenté la Newark School of Fine and Industrial Arts ; il a ensuite suivi l'enseignement de Minor White à Rochester, dans l'État de New York.
À partir de 1962 il travaille comme photographe indépendant et collabore à diverses publications comme Life ou Time magazine ; il enseigne aussi la photographie à la Parsons School of Design de New York.
G.T. - Ideal Diner, Perth Amboyn, NJ
(1980)

Originaire du New Jersey, où il vit toujours, Tice a fait de sa région natale l’un de ses sujets de prédilection : petites villes en mutation, rues désertes, bâtiments désolés voire abandonnés, figures humaines absentes ou éparses et qui paraissent désoeuvrées....., autant de fragments d’une Amérique quotidienne, silencieuse, et toujours observée avec justesse.
To me, photography is an art of observation. It's about finding something interesting in an ordinary place...  I've found it has little to do with the things you see and everything to do with the way you see them.
Ses gris mélancoliques sont une élégie à la lumière et à la matière du monde.

samedi 1 novembre 2008

Vermeer - L'astronome (c.1668)
Une image et des mots. Pour aller avec le merveilleux Astronome (c. 1668) de Vermeer, voici quelques lignes de l'irremplaçable Alexandre Vialatte. Elles sont extraites de son Antiquité du grand chosier, un recueil de ses chroniques écrites entre 1950 et 1970.

Le soleil est vieux comme Hérode. Les écritures les plus cunéiformes en font déjà mention sur des murailles de briques dans les terrains qui contiennent des villes mortes. 
Le pâtre chaldéen fut le premier à le signaler dans les déserts d'Asie Mineure où il gardait le mouton à queue plate. D'ailleurs, plus le soleil brille sur le désert de Chaldée (où naquit toute astronomie), plus le mouton a la queue plate. C'est un effet de la dessication.
Le soleil est donc le père du mouton à queue plate dont l'origine se perd elle-même dans la nuit des temps. C'est chiffrer son antiquité.
Elle est reconnue par tous les bons esprits. Sans le soleil, jamais le Breton n'aurait pu peindre de "Bruyères au soleil couchant". Phorcypeute le Microchire dit de lui le plus grand bien dans ses ouvrages posthumes. Chyme l'Environnaire le vante.

Et c'est ainsi qu'Alexandre est grand.

dimanche 26 octobre 2008

Th. Robinson - Autumn

Le vide-grenier du dimanche. Deux oeuvres du peintre américain Theodore Robinson (1852-1896), associé au mouvement impressionniste. Né dans le Vermont et élevé dans le rural Wisconsin, il part étudier l'art à Chicago et New York, puis à Paris pour suivre à l'École des beaux-arts l'enseignement de Jean-Léon Gérôme. Il découvre très tôt l’impressionnisme, rencontre Monet à Giverny dans les années 1880, et devient l’un de ses amis proches - l’un des rares Américains à entretenir une relation durable avec le maître français..

Th.R. - On the canal
Disparu prématurément à l'âge de 44 ans, Robinson aimait les bords de rivière, les figures en promenade, les intérieurs tranquilles ; il est aujourd'hui considéré, pour ses oeuvres aux couleurs douces, comme une figure majeure de l'impressionnisme américain.
"In painting, as in life, it is the little things that count. The subtle nuances of color, light, and form that can make all the difference between a good painting and a great one".

FL1

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samedi 25 octobre 2008

Anonyme - Zoo du Bronx, NYC (1963)
Une image et des mots. Cette photo, L'animal le plus dangereux du monde, a été publiée avec l'autorisation de la New York Zoological Society dans l'Illustrated London News du 8 juin 1963.

L'homme vient du singe, dit-on, et il va au cimetière. Telle serait sa zoologie. Que fait-il en chemin ? De tout. Des zigzags, l'école buissonnière. [.....] Ces zigzags constituent l'Histoire. Mais d'autres fois il va tout droit, il court, il fonce, il se bouscule, et il pousse son voisin devant lui, en lui tenant l'épée dans les reins. Et c'est encore bien plus l'Histoire. Bref on le sent capable de tout. C'est un monsieur qui ne se refuse rien. Il tue, il pille, il voit le diable au pied de son lit. On se demande ce que fait l'homme de son âme immortelle.
Alexandre Vialatte, Les champignons du Détroit de Behring (1990).

RA1
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dimanche 19 octobre 2008

L.U. - Soir à Grunewaldsee (1910)

Le vide-grenier du dimanche. Deux oeuvres du peintre et graveur allemand Lesser Ury (1861-1931), natif de Birnbau, aujourd'hui en Pologne.
Solitaire de tempérament, expressionniste avant l’heure, il a étudié l'art à Düsseldorf, Bruxelles, puis Paris où il a été très influencé par le travail des Impressionnistes, en particulier celui de Claude Monet et de Pierre-Auguste Renoir. Il y réside quelque temps avant de retourner à Berlin en 1887, une ville cosmopolite dont il deviendra l’un des plus sensibles chroniqueurs : reflets de réverbères sur les trottoirs luisants, silhouettes furtives, rues pluvieuses, cafés nocturnes, intérieurs feutrés qui ont traversé le temps...
L.U. - Waterloo Bridge au soleil
(1899)

Dès les années 1890, il rejoint les rangs des artistes modernes en intégrant la Sécession de Munich, l’un de ces mouvements nés en réaction aux académismes dominants. De retour à Berlin en 1901, il expose au sein de la Sécession berlinoise - d’abord en 1915, puis plus largement en 1922 lors d’une importante rétrospective qui marque une forme de reconnaissance tardive. Souvent tenue à l’écart des cercles officiels, son œuvre discrète est pour moi singulière et précieuse. Un tableau comme Soir au Grunewaldsee, par exemple, me touche par son dépouillement, son usage du vide, sa manière de faire naître la paix de la simplicité, entre impressionnisme tardif et mélancolie moderne. J'y trouve quelque chose de l'art japonais, comme l'épure d'une estampe, ou celle de ce haïku de Yosa Buson : « Les vieux étangs, les grenouilles qui sautent, le son de l’eau ».

dimanche 12 octobre 2008

L. Friedlander - Maria, NYC (1959)

Le vide-grenier du dimanche. Deux clichés du photographe américain Lee Friedlander (b.1934). Parmi ses principales influences, on peut citer en premier lieu Walker Evans (voir janvier), dont les photos de l'Amérique rurale pendant la Grande Dépression l'ont profondément marqué ; Friedlander disait que son travail lui avait fait prendre conscience de l'importance de la photographie comme outil du commentaire social.
"The best photography is a form of bearing witness, a way of bringing a moment of truth to the world".
Robert Franck ensuite, en particulier avec sa série The Americans, dont Friedlander disait qu'il lui avait appris à regarder le monde avec un oeil critique.
Et enfin, bien sûr, Henri-Cartier Bresson (car qui n'a pas été inspiré par HCB?), dont le concept d'instant décisif a influencé son approche de la photo de rue.

L.F. - série Little screens (1961)
À son tour Lee Friedlander est aujourd'hui considéré comme un des plus grands photographes américains ; sa façon par exemple d'utiliser les ombres et les reflets pour créer des compositions superposées et complexes a ainsi conduit de nombreux photographes à expérimenter de nouvelles façons de voir et de saisir le monde autour d'eux, et peut être considérée comme une contribution importante à l'art de la street photography.

dimanche 5 octobre 2008

Kenton Nelson - Mending (2007)

Le vide-grenier du dimanche. Deux oeuvres de l'américain Kenton Nelson (b.1954). Natif de Los Angeles, il étudie à la Long Beach State University puis au Art Center College of Design de Pasadena. À partir des années 1990, il développe une peinture figurative très reconnaissable, entre réalisme stylisé et imagerie rétro, influencée par le pop-art, l’illustration américaine, et le classicisme graphique des années 1950.
I'm interested in making paintings that evoke some sort of emotion or memory for people.

K.N. - Charitably inclined (1995)
C’est sans doute ce qui rend ses toiles si immédiatement accessibles : des aplats de couleurs vives, des contours nets, des compositions épurées. Il y a du silence dans ses images, comme dans certains plans de cinéma. Alors on pense parfois à Edward Hopper, bien sûr, pour cette tension entre banalité apparente et étrangeté diffuse, l'atmosphère de mélancolie de ses scènes idéalisées de l'Amérique des 50s. Mais chez Kenton Nelson, tout est plus lisse, plus graphique, presque publicitaire. Ce n’est pas la solitude qui domine, mais une forme d’élégance rétro, une Amérique idéalisée, ou peut-être seulement imaginée.

samedi 4 octobre 2008

E. Osterlof - Miss Curiosity (1908)
Une image et des mots. "Veilleur, où en est la nuit?" (Isaïe, 21,11).
Voici un beau portrait de sa fille Sophie par le photographe polonais Edmund Osterloff (1863-1938).
Représentant du courant pictorialiste - il a pu être comparé à Léonard Misonne - il fut l'un des pionniers de la photographie artistique en Pologne.
Ce cliché a été pris à Tbilissi, en Georgie, où il dut s'exiler pendant 25 ans après deux ans d'emprisonnement pour son appartenance aux cercles socialistes.
Les mots pour l'accompagner sont de Clarice Lispector, extraits de Silencio.

Seulement ça : il pleut et je regarde la pluie. Comme c'est simple. Je n'aurais jamais cru que le monde et moi puissions parvenir à un tel accord. La pluie tombe non pas parce qu'elle a besoin de moi, et je la regarde non pas parce que j'ai besoin d'elle. Mais nous sommes aussi indissociables que l'eau de pluie l'est de la pluie. Et je ne remercie rien. [.....]
Je suis une femme, je suis une personne, je suis une attention, je suis un corps qui regarde par la fenêtre. De même la pluie n'est pas reconnaissante de n'être pas une pierre. Elle est la pluie. Peut-être est-ce cela, ce que l'on pourrait appeler
"être vivant". Ce n'est pas plus que cela, seulement cela : "être vivant". Et je vis seulement d'une joie paisible.
HP2

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dimanche 28 septembre 2008

Achiel van Sassenbrouck
Après le travail (1947)
Le vide-grenier du dimanche. Deux oeuvres du peintre belge Achiel van Sassenbrouck (1886-1979), dont le travail, encore peu connu hors de son pays, privilégiait plutôt des sujets modestes : intérieurs, scènes paysannes, visages familiers ... En butte à l'hostilité de sa famille à l'égard de sa vocation d'artiste, il rejoint à l'âge de 12 ans une compagnie de théâtre itinérante, puis essaie de gagner sa vie comme peintre en lettres ; il va prendre alors, jusqu'à l'âge de 23 ans, des cours de dessin à l'Académie des Beaux-Arts de Bruges.

A.van Sassenbrouck
Les constructeurs de digues
(1936)
Il part ensuite à l'Académie royale d'Anvers, dont il suivra l'enseignement jusqu'en 1914, date à laquelle il se porte volontaire dans l'armée belge ; il travaille comme peintre de guerre pendant son service dans les tranchées du front, et fera don d'une trentaine de toiles au Musée de la Guerre de Bruges.
Avec une fidélité obstinée à une forme de beauté humble, Achiel van Sassenbrouck peignait les ouvriers, les vagabonds, les paysans et les soldats, des personnages rudes et robustes à l'image de son style aux traits épais, dans des scènes paisibles de la terre flamande à laquelle il était attaché.

samedi 27 septembre 2008

R.D. - La maison des locataires (1962)
Une image et des mots, L'image, intitulée La maison des locataires, est un photo-montage de Robert Doisneau, à qui il me faudra consacrer au moins une publication. Mais comment ferai-je pour choisir deux clichés ? On verra bien...
En attendant, voici pour l'accompagner, les quelques mots auxquels elle m'a fait penser aujourd'hui.

"Défiez-vous de ces cosmopolites qui vont chercher au loin dans leurs livres des devoirs qu'ils dédaignent de remplir autour d'eux. Tel philosophe aime les Tartares, pour être dispensé d'aimer ses voisins."
Jean-Jacques Rousseau, Émile.

Dire que l'on aime tout le monde, disait je ne sais plus qui, c'est la meilleure façon de n'aimer personne.
NY1

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dimanche 21 septembre 2008

W.N. - Lady in grey (1918)
Le vide-grenier du dimanche. Deux oeuvres de l'anglais William Nicholson (1872-1949) qui se forme d'abord auprès du paysagiste William Cubley avant de poursuivre ses études à la prestigieuse école d’art fondée par Hubert von Herkomer. À l’automne 1891, il part pour Paris suivre les cours de l’Académie Julian, mais revient s’installer peu après à Newark pour y fonder, en 1894, un atelier avec son beau-frère James Pryde. Ensemble, ils produisent pendant plusieurs années des œuvres graphiques, notamment des affiches, marquées par l’esthétique de l’Art nouveau en utilisant des techniques comme le bois gravé ; ils les signent sous le pseudonyme commun de « J. W. Beggarstaffs ».
W.N. - Boys on a pier (1909)

C’est au tournant du siècle, encouragé par James Abbott Whistler, que Nicholson se consacre pleinement à la peinture, et produire désormais portraits, paysages et natures mortes, dans un style sobre et raffiné qui deviendra sa signature.
"Simplicity is the key to all true beauty".
Le portrait ci-dessus, avec cet étonnant parti pris du haut du corps plongé dans la pénombre, est sous-intitulé Madame X as 'Megan' in Tân-y-Bryn.

dimanche 14 septembre 2008

O.Winston Link - Solitude Siding, Virginia (1957)
Le vide-grenier du dimanche. Deux clichés du photographe américain Ogle Winston Link (1914-2001), aujourd'hui reconnu pour son œuvre emblématique qui aura documenté les derniers jours de l’ère de la locomotive à vapeur aux États-Unis. Né à Brooklyn, et formé au Polytechnic Institute, il s’intéresse dès son jeune âge à la photographie et à l’ingénierie, deux passions qu’il combinera de manière unique dans sa vie artistique et professionnelle.

O.W.L. - Hot Shot, Eastbound (1956)
Peu remarqué de son vivant, le travail de Link est aujourd’hui célébré comme une contribution majeure à la photographie documentaire. 
Ses images, méticuleusement composées, témoignent d’un mode de vie et d’une technologie disparus, elles préservent la mémoire d’une époque révolue. Le musée qui porte son nom en Virginie conserve et honore cet héritage unique.

BH1

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dimanche 7 septembre 2008

Albert Rieger - Clair de lune

Le vide-grenier du dimanche. Deux oeuvres du peintre et photographe autrichien Albert Rieger (1834-1905), formé à l'Académie des Beaux-Arts de Venise.

A.R. - Traversée au clair de lune








Je dois avouer qu'une partie significative de son œuvre me laisse assez indifférent, notamment ses vues de Venise ou ses représentations orientalistes. En revanche, je suis sensible à ses saisissantes marines sur une mer du Nord souvent tourmentée, ainsi qu'à ses paysages alpins dont voici un bel exemple, avec ces deux scènes baignées de lune à l'atmosphère très romantique.

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samedi 6 septembre 2008

M. B-W. - American Woolen Co (1935)
Une image et des mots. Des ouvriers de la filature American Woolen Co., photographiés en 1935 par Margaret Bourke-White.
Les mots pour accompagner cette image sont extraits du pamphlet d'Alain Fleig, Lutte de con et piège à classe, publié chez Stock (1977).

Le discours de la révolution n'est rien d'autre que le discours du système. C'est avec les mots du maître que l'esclave nomme sa situation, sa révolte et ses espoirs et toutes les tentatives de prise de parole de ces dernières années, même si elles n'ont pas le profil de la lutte des classes traditionnelle, ne font qu'en réalité suivre le système, suivre ses lignes de faille.
Le système évolue et les petits révolutionnaires cavalent derrière, s'efforçant au fur et à mesure de retisser, comme de petites ouvrières leurs dentelles, tout ce qui craque dans la trame de leur théorie, sur le terrain que le système a précisément choisi de dévoiler, c'est-à-dire le terrain qu'il a déjà virtuellement abandonné.

dimanche 31 août 2008

M.N. - Soir au bord du lac
Le vide-grenier du dimanche. Deux oeuvres du peintre allemand Max Nonnenbruch (1857-1922), réputé pour ses paysages et ses scènes de genre. Né en Thuringe, il étudie en 1875 à l'Académie des Beaux-Arts de Düsseldorf, avant de poursuivre sa formation à l'Académie Royale des Beaux-Arts de Munich, où il est marqué par l'enseignement de Wilhelm von Lindenschmit. Ces années d'apprentissage lui permettent de perfectionner son style et de s'immerger dans la riche tradition artistique allemande ; ses premières oeuvres révèlent l'influence qu'a eu sur son travail l'école de Munich.

M.N. - Dunes sur la plage (1914)
Max Nonnenbruch a aussi été marqué par les maîtres hollandais du 17ème, en particulier pour leur travail sur la lumière et la couleur, et par ses voyages en Italie et en Espagne qui l'ont confronté à des styles et traditions artistiques différents. L'influence des peintres de la Renaissance, par exemple, que l'on devine dans son sens aigu du classicisme et son souci de la composition formelle.

C.Ebbets - Lunch atop a skyscraper (1932) Une image et des mots. Pour aller avec ce cliché célébrissime, attribué à Charles Ebbets, voici q...