In girum imus nocte et consumimur igni

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vendredi 10 octobre 2025

Ganjifa moghol
Le vide-grenier du dimanche. Deux Ganjifas, ces cartes d’un jeu ancien, originaire de Perse, qui a pris toute sa richesse en Inde à partir du XVIᵉ siècle, surtout sous les Moghols. Ces cartes ne sont pas simplement des cartes à jouer : elles sont peintes à la main, parfois sur des matériaux précieux : ivoire, écaille de tortue, bois, carton ou pâte de papier, selon le rang social et la fortune. Chaque jeu compte plusieurs enseignes (ou « suits »), numérotées de 1 à 10, plus deux cartes de cour : le roi (ou rajah) et le vizir/ministre. Dans les versions les plus élaborées comme le Dashavatara Ganjifa, on peut trouver 10 à 16 enseignes, avec des thèmes tirés de la mythologie, des avatars de Vishnou, des constellations...

Ganjifa moghol
La fabrication est méticuleuse. On prépare des supports (papier cartonné, bois ou même vieux saris), on peint à la main avec des pinceaux fins (parfois en poils d’animal), on utilise des pigments naturels (pierre broyée, insectes, feuilles, noirs de fumée), et souvent, on applique des couches de laque ou de vernis pour protéger et faire briller les couleurs. Avec le temps, le Ganjifa a décliné sous l’effet de la concurrence des cartes imprimées modernes, de la perte des artisans traditionnels, des nouveaux matériaux, voire du désintérêt pour les règles du jeu classique. Mais il connaît aujourd’hui un renouveau dans certaines régions comme Sawantwadi, Bishnupur, Odisha ou le Karnataka - non tant comme jeu populaire que comme objet d’art et de collection.
Ce que j’aime dans le Ganjifa, c’est qu’il résume en miniature ce que j’admire dans les arts traditionnels : le soin, le récit, la matière. Une carte de ce jeu, même délaissée comme outil, reste un petit tableau, un fragment d’histoire - mythe, astrologie, légende ou simple visuel raffiné.
Elle laisse deviner un monde ancien, où chaque image compte, chaque couleur, chaque trait.
Et je trouve ça émouvant : c’est un objet trivial - une carte à jouer - et en même temps empli de poésie. Triviales dans leur usage, mais précieuses par leur exécution, ces cartes rappellent combien, dans la culture indienne, le quotidien peut se mêler naturellement au spirituel et au merveilleux.

vendredi 3 octobre 2025

C.H. Geilfus - Repairing hearts (1900)

Une image et des mots. "May all broken hearts be healed!", une image de l'illustrateur allemand Charles Heinz Geilfus (1856-1914), de sa série Repairing hearts.

C.Ebbets - Lunch atop a skyscraper (1932)

Une image et des mots. Pour aller avec ce cliché célébrissime, attribué à Charles Ebbets, voici quelques mots de Roger Caillois, un extrait de L'incertitude qui vient des rêves (1956).

J'ai cédé à un souci personnel constant, presque exclusif, invincible [.....]. Je veux parler d'un attrait ininterrompu pour les forces d'instinct, de vertige, du goût d'en définir la nature, d'en démonter autant que possible la sorcellerie, d'en apprécier exactement les pouvoirs ; de la décision, enfin, de maintenir sur eux, contre eux, la primauté de l'intelligence, de la volonté, parce que, de ces facultés seules naît pour l'homme une chance de liberté et de création.

Anon. - Madrid (c.1960)
Une image et des mots. Un cliché dont j'ignore l'origine, parfois attribué à un certain Elton Boraya, dont je ne sais rien.

En elle-même toute idée est neutre, ou devrait l'être ; mais l'homme l'anime, y projette ses flammes et ses démences ; impure, transformée en croyance, elle s'insère dans le temps, prend figure d'événement : le passage de la logique à l'épilepsie est consommé... Ainsi naissent les idéologies, les doctrines, et les farces sanglantes.
Idolâtres par instinct, nous convertissons en inconditionné les objets de nos songes et de nos intérêts. L'histoire n'est qu'un défilé de faux Absolus, une succession de temples élevés à des prétextes, un avilissement de l'esprit devant l'Improbable. Lors même qu'il s'éloigne de la religion, l'homme y demeure assujetti ; s'épuisant à forger des simulacres de dieux, il les adopte ensuite fiévreusement : son besoin de fiction, de mythologie triomphe de l'évidence et du ridicule. Sa puissance d'adorer est responsable de tous ses crimes...
Emil Cioran, Précis de décomposition (1949)

dimanche 7 septembre 2025

Nick Hedges - Liverpool (1969)
Le vide-grenier du dimanche. Deux clichés du photographe anglais Nick Hedges, qui nous a quittés récemment.

Nick Hedges

mercredi 20 août 2025

Phil Greenwood - Leaf fall (1979)

Le vide-grenier du dimanche. Deux oeuvres du graveur et aquafortiste gallois Philip Greenwood (b.1943). Il est natif de Dolgellau, dans le nord du Pays de Galles, mais c'est en Angleterre qu'il s'est formé, aux écoles d'art londoniennes de Hornsey et de Harrow, où il a reçu l'enseignement d'artistes tels que Ken Howard ou Christopher Saunders.

P.G. - Snow night (1974)







Professionnel depuis 1971, il vit aujourd'hui dans le Kent.
Ces deux paysages sont des aquatintes, des gravures à l'eau-forte sur plaques de cuivre. C'est ainsi qu'il réalise la plupart de ses oeuvres, en utilisant seulement deux plaques de cuivre et deux ou trois couleurs ; la richesse des tonalités et des teintes est obtenue par la profondeur de la gravure, et par les associations du peu de couleurs employées.

samedi 16 août 2025

Tamas Andok - Untitled (2016)
Une image et des mots. Un cliché à l'iPhone du hongrois Tamas Andok (b.1988).

mardi 12 août 2025

Béla Tarr - Damnation (1988)
Une image et des mots. L'image c'est cette capture d'écran d'une scène de Damnation, du cinéaste hongrois Béla Tarr.
Pour aller avec, j'ai pensé à un extrait de la dernière page de Matinales (1956), de Jacques Chardonne.

"La mélancolique possession de la matière ne m'a point gêné; je n'en ai pas voulu, justement. J'en ai retenu l'inexplicable; l'amour, quelquefois, et avec méfiance; la beauté, toujours; les "plaisirs" quand ils sont l'ombre du bonheur; "l'art pour l'art", au sens profond, qui n'est pas sur le plan strictement terrestre, du moins qui est un peu dégagé de la substance humaine la plus éphémère, et qui devient grossier dans la mesure où il s'y insère davantage; en somme, les signes étranges d'un monde qui n'est pas proprement humain.
De ce monde invisible, je me suis approché à reculons, refusant toutes les interprétations comme sacrilèges. Je me sens plus humble encore, plus ouvert à tout le possible, plus confiant dans le doute, à mesure que vient l'heure de l'oubli; et si le Dieu qui m'a créé doit me recevoir, je lui rendrai sa créature telle qu'il l'a faite, l'esprit aveugle et que je n'ai pu changer."

dimanche 13 juillet 2025

Wilhelm Menzler
Le vide-grenier du dimanche. Deux oeuvres du peintre allemand Wilhelm Menzler (1846-1926).

W. Menzler - Le printemps

samedi 5 juillet 2025

dimanche 29 juin 2025

R.C. - Tierra guajira (1999)
Le vide-grenier du dimanche. Deux clichés du photographe cubain Raúl Cañibano.

R. Cañibano

samedi 28 juin 2025

Alyssa Monks - Trust (2010)
Une image et des mots. Un tableau de l'artiste hyperréaliste américaine Alyssa Monks (b.1977).

dimanche 22 juin 2025

Dain L. Tasker - Amazon lily
Le vide-grenier du dimanche. Deux radiographies florales du Dr. Dain L. Tasker (1872-1964), qui a magnifié l’alliance de la science et de l’art en dévoilant grâce à la radiographie la beauté intime des fleurs, l'expression - disait-il -, de la vie amoureuse des plantes. Chef radiologue au Wilshire Hospital de Los Angeles à une époque où la radiologie en était à ses balbutiements, il s’est lancé dans les années 1930 dans une exploration artistique unique, inspiré par une radiographie réalisée par un collègue.

Dain L. Tasker
Ses clichés, réalisés à partir de négatifs de rayons X, dévoilent la structure délicate et presque éthérée des pétales et des feuilles. Ces images spectrales, à l'esthétique minimaliste, révèlent toute la beauté fragile et le mystère organique des fleurs.
Encouragé par le photographe Will Connell, Tasker a exposé ses œuvres dans les salons prestigieux des Camera Pictorialists de Los Angeles et à l’Exposition internationale de San Francisco en 1939. Ses photographies, publiées dans des revues influentes comme U.S. Camera et Popular Photography, lui ont valu une reconnaissance tardive mais durable. Aujourd’hui, ses œuvres, parfois vendues à prix d’or, s’imposent comme des chefs-d’œuvre de poésie intemporelle qui célèbrent l’alliance subtile de la science et de l’art.

dimanche 15 juin 2025

Jay Senetchko - Phone (2011)

Le vide-grenier du dimanche. Deux oeuvres de Jay Senetchko.

J. Senetchko - The migrants (2013)

dimanche 8 juin 2025

M.T. - Sasha Pivovarova (2006)
Le vide-grenier. Deux clichés de Michael Thompson (b.1966), photographe américain réputé pour son travail dans la mode, la publicité et le portrait, assistant d'Irving Penn après avoir été formé au Brooke Institute of Photography, en Californie.
M.T. - Joss Stone (2006)

Il fait partie des grands noms de la photographie qui ont collaboré aux prestigieux Harper's Bazaar, Vogue, Vanity Fair...., et, même si son champ d'activité n'est pas mon domaine de prédilection, voici deux portraits qui me plaisent beaucoup.

samedi 7 juin 2025

F. Bacon - Study of a figure in a landscape (1952)

Une image et des mots. L'image, c'est une étude de Francis Bacon, déjà présenté en décembre 2012, et les mots quelques vers d'un poème extrait de Tristia, d'Ossip Mandelstam.

L'air grisâtre est bruissant et moite ;
on se sent bien et à l'abri dans la forêt.
Docile je vais porter une fois encore
la croix légère des promenades solitaires.

Et de nouveau, vers l'indifférente patrie,
le reproche, comme l'oiseau, monte en spirale.
Je participe à la vie ténébreuse, je suis innocent de ma solitude.

dimanche 1 juin 2025

Sebastião Salgado - Amazonas

Le vide-grenier du dimanche. Deux clichés de Sebastião Salgado (1944–2025), qui vient de nous quitter.
Trois publications lui avaient déjà été consacrées sur ce blog (en juin 2009, août 2013 et juillet 2016), mais je ne pouvais pas ne pas lui en consacrer une nouvelle ; d’autant que les deux premières étaient des IM, et que la dernière ne le présentait pas vraiment.

S.S. - Amazonas, palo de agua




Salgado, qui aimait à dire que « chaque image est le fruit d’une rencontre, d’un respect », est un photographe important pour moi. Pour la beauté de ses images, bien sûr. Pour ses qualités humaines, aussi. Mais surtout parce qu’il a consacré une part essentielle de son travail à une région qui m’est chère : celle que je montre ici.
D’abord formé à l’économie, à l’université de São Paulo puis à la Sorbonne, il se tourne vers la photographie au début des années 1970. Il commence comme photojournaliste chez Sygma, Gamma, puis Magnum, avant de développer de grands projets documentaires qui imposent une écriture immédiatement identifiable : noir et blanc profond, composition rigoureuse, lumière sculpturale ; au point que certains ont pu lui reprocher une esthétique trop « belle » pour les réalités qu’elle montre. Lui revendiquait une photographie engagée, tournée vers la dignité. Workers (1993), Exodes (2000), puis Genesis (2013) sont devenus des repères majeurs du documentaire contemporain. C’est par ce dernier que je me suis, tardivement, vraiment intéressé à son travail, à travers le magnifique ouvrage qui m’a été offert lors de sa publication.

dimanche 25 mai 2025

Kiyoshi Saitō - Party (1963)
Le vide-grenier du dimanche. Deux oeuvres, des estampes, de Kiyoshi Saitō (1907–1997), figure majeure du mouvement sōsaku hanga, un courant japonais du XXe siècle qui prônait une approche intégrale où l'artiste conçoit, grave et imprime lui-même ses œuvres. Autodidacte, Saitō développe un style sobre, épuré. Ses premières gravures semblent presque sculptées dans le bois : un réalisme en relief, discret, où l’on sent encore le froid des ruelles d’Aizu, sa région natale. C’est avec la série Hiver à Aizu, commencée en 1938, qu’il connaît ses premiers succès : maisons enneigées, silhouettes emmitouflées, lumière mate, sans effets ni fioritures.  

K.S. - Sato Horyu-Ji Nara (1962)

Puis, son style s’épure encore, se géométrise, et entre peu à peu dans une fusion très personnelle entre tradition japonaise et modernité occidentale.
Il disait que ses maîtres s’appelaient Gauguin, Matisse, Picasso, et ça se voit : les formes se simplifient, les volumes se perdent dans l’aplat, et les architectures comme les feuillages deviennent des motifs plus que des objets. Saitō intègre aussi les veinures du bois comme partie prenante de la composition : on appelle mokume-zuri ces impressions où la matière même du support entre dans l’image. « Je travaille à créer une peinture sans pinceau, en utilisant uniquement la surface plane de la plaque », disait-il.

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RN2

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samedi 24 mai 2025

Joel Meyerowitz - Lane's truck stop
St. Louis, Missouri
(1978)
Une image et des mots. "La raison est nécessaire parce que les bonnes intentions de la pensée ne sont pas suffisantes. Le désir de la vérité ne débouche pas sur l’établissement d’une vérité ; il faut le contrôle permanent de l’esprit critique", nous dit le philosophe Michel Adam dans son Essai sur la bêtise (1975).

Pour accompagner cette photographie de Joel Meyerowitz,, voici quelques lignes de Bernanos, extraites de Les grands cimetières sous la lune (1938).
"C’est vrai que la colère des imbéciles remplit le monde. Vous pouvez rire si vous voulez, elle n’épargnera rien, ni personne, elle est incapable de pardon. Évidemment les doctrinaires de droite ou de gauche, dont c’est le métier, continueront de classer les imbéciles, en dénombreront les espèces et les genres, définiront chaque groupe selon les passions, les intérêts des individus qui le composent, leur idéologie particulière.
Pour de tels gens cela n’est qu’un jeu. Mais ces classifications répondent si peu à la réalité que l’usage en réduit impitoyablement le nombre. Il est clair que la multiplication des partis flatte d’abord la vanité des imbéciles."

dimanche 18 mai 2025

J. Ternoff - One and one
Le vide-grenier du dimanche. Deux oeuvres de Janet Terhoff.

J.T. - Verrazano Bridge


dimanche 11 mai 2025

Ben Enwonwu - Anyanwu (1954)
Le vide-grenier du dimanche. Deux oeuvres de l'artiste nigérian Ben Enwonwu (1917-1994), figure tutélaire de l'art moderne africain. Il a su incarner, avec cette seule silhouette d'Anyanwu, l'ambition d'une modernité africaine, et à ce titre il fut longtemps présenté comme "l'artiste nigérian par excellence", reconnu à la fois par l'académie coloniale et par l'avant-garde post-coloniale.
Formé au Nigeria auprès de son père, sculpteur igbo, puis à Londres à la Slade School of Fine Art, il est l’un des premiers artistes africains à s’imposer au plan international sans renier ce qu’il est : ni un “native artist” folklorisé, ni un suiveur du canon occidental. Ben Enwonwu ne s'excuse ni de ses racines ni de ses ambitions, et emprunte à l’un et à l’autre pour mieux inventer.

Ben Enwonwu - Atlas
De retour au Nigeria dans les années 1950, il devient conseiller artistique pour le gouvernement fédéral. C’est à ce titre qu’il réalise en 1954 l’une de ses œuvres majeures : Anyanwu (“L’Éveil”), une sculpture installée devant le Musée national de Lagos : une figure féminine dressée, les bras légèrement écartés comme pour s'élever, à la fois symbole de la maternité, de l’énergie vitale et de l’indépendance.
"Mon but était de symboliser notre nation montante. J’ai essayé de combiner les matériaux, l’artisanat et la tradition, pour exprimer une conception basée sur la féminité – la femme, la mère et nourricière de l’homme. Dans notre nation montante, je vois les forces incarnées dans la féminité ; le début, et ensuite, le développement et l’épanouissement en stature la plus complète d’une nation – un peuple ! Cette sculpture est spirituelle dans sa conception, rythmique dans son mouvement et tridimensionnelle dans son cadre architectural – ces qualités sont caractéristiques des sculptures de mes ancêtres".
Sa manière est immédiatement identifiable : silhouettes élancées, goût du mouvement, formes inspirées des danses rituelles ou des mascarades Igbo. Chez Anyanwu, cette élongation n’est pas une simple stylisation, elle exprime une aspiration : la forme tendue vers le haut traduit une tension politique, existentielle, collective. Avec cette allégorie féminine de la nation, Ben Enwonwu a donné corps à tout un peuple en devenir.

dimanche 4 mai 2025

Emile Zola - Denise (1900)
Le vide-grenier du dimanche. Deux clichés du grand romancier et photographe amateur Émile Zola (1840-1902).

E.Z. - Londres (1899)

Ganjifa moghol Le vide-grenier du dimanche. Deux Ganjifas , ces cartes d’un jeu ancien, originaire de Perse, qui a pris toute sa richesse en...