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MG1 |
In girum imus nocte et consumimur igni

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vendredi 6 juin 2025
mercredi 4 juin 2025
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Ménologe de Basile II |
Une image et des mots. On connaît la formule de Simonide : « La peinture est une poésie muette ». Mais ce n’est pas pour autant que toutes les oeuvres peintes exsudent le silence au point de le rendre presque tangible, comme chez Hopper ou chez Vermeer.
Ce n’est pas le cas par exemple (ni sans doute l'intention) de cette image issue du Ménologe de Basile II - un célébrissime synaxaire byzantin du Xe siècle conservé au Vatican - qui représente Saint Jean le Silenciaire, et où il nous semble entendre autour de celui qui a fait vœu de se taire tous les bruits de la nature et la clameur des éléments.
Les mots qui suivent et que j'ai choisis pour accompagner cette image sont de Maurice Maeterlinck, extraits du "Trésor des humbles" (1896). « Il est des individus qui n’ont pas de silence, et qui tuent le silence autour d’eux, et ce sont les seuls êtres qui passent vraiment inaperçus » car « nous ne pouvons nous faire une idée exacte de celui qui ne s’est jamais tu.
On dirait que son âme n’a pas eu de visage ». Et Thoreau quant à lui écrivait dans son journal, en janvier 1841 : "Je suppose que nous n'avons pas besoin d'inspiration pour parler, mais juste pour rester silencieux".
dimanche 25 mai 2025
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Kiyoshi Saitō - Party (1963) |
Le vide-grenier du dimanche. Deux oeuvres, des estampes, de Kiyoshi Saitō (1907–1997), figure majeure du mouvement sōsaku hanga, un courant japonais du XXe siècle qui prônait une approche intégrale où l'artiste conçoit, grave et imprime lui-même ses œuvres. Autodidacte, Saitō développe un style sobre, épuré. Ses premières gravures semblent presque sculptées dans le bois : un réalisme en relief, discret, où l’on sent encore le froid des ruelles d’Aizu, sa région natale. C’est avec la série Hiver à Aizu, commencée en 1938, qu’il connaît ses premiers succès : maisons enneigées, silhouettes emmitouflées, lumière mate, sans effets ni fioritures.
K.S. - Sato Horyu-Ji Nara (1962) |
Puis, son style s’épure encore, se géométrise, et entre peu à peu dans une fusion très personnelle entre tradition japonaise et modernité occidentale.
Il disait que ses maîtres s’appelaient Gauguin, Matisse, Picasso, et ça se voit : les formes se simplifient, les volumes se perdent dans l’aplat, et les architectures comme les feuillages deviennent des motifs plus que des objets. Saitō intègre aussi les veinures du bois comme partie prenante de la composition : on appelle mokume-zuri ces impressions où la matière même du support entre dans l’image. « Je travaille à créer une peinture sans pinceau, en utilisant uniquement la surface plane de la plaque », disait-il.
samedi 24 mai 2025
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A/U - Harvey's Sandwich Shop St Louis, Missouri |
Pour accompagner cette image, voici quelques lignes de Bernanos, extraites de Les grands cimetières sous la lune (1938).
"C’est vrai que la colère des imbéciles remplit le monde. Vous pouvez rire si vous voulez, elle n’épargnera rien, ni personne, elle est incapable de pardon. Évidemment les doctrinaires de droite ou de gauche, dont c’est le métier, continueront de classer les imbéciles, en dénombreront les espèces et les genres, définiront chaque groupe selon les passions, les intérêts des individus qui le composent, leur idéologie particulière.
Pour de tels gens cela n’est qu’un jeu. Mais ces classifications répondent si peu à la réalité que l’usage en réduit impitoyablement le nombre. Il est clair que la multiplication des partis flatte d’abord la vanité des imbéciles."
mercredi 21 mai 2025
dimanche 18 mai 2025
dimanche 11 mai 2025
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Ben Enwonwu - Anyanwu (1954) |
Le vide-grenier du dimanche. Deux oeuvres de l'artiste nigérian Ben Enwonwu (1917-1994), figure tutélaire de l'art moderne africain. Il a su incarner, avec cette seule silhouette d'Anyanwu, l'ambition d'une modernité africaine, et à ce titre il fut longtemps présenté comme "l'artiste nigérian par excellence", reconnu à la fois par l'académie coloniale et par l'avant-garde post-coloniale.
Formé au Nigeria auprès de son père, sculpteur igbo, puis à Londres à la Slade School of Fine Art, il est l’un des premiers artistes africains à s’imposer au plan international sans renier ce qu’il est : ni un “native artist” folklorisé, ni un suiveur du canon occidental. Ben Enwonwu ne s'excuse ni de ses racines ni de ses ambitions, et emprunte à l’un et à l’autre pour mieux inventer.
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Ben Enwonwu - Atlas |
"Mon but était de symboliser notre nation montante. J’ai essayé de combiner les matériaux, l’artisanat et la tradition, pour exprimer une conception basée sur la féminité – la femme, la mère et nourricière de l’homme. Dans notre nation montante, je vois les forces incarnées dans la féminité ; le début, et ensuite, le développement et l’épanouissement en stature la plus complète d’une nation – un peuple ! Cette sculpture est spirituelle dans sa conception, rythmique dans son mouvement et tridimensionnelle dans son cadre architectural – ces qualités sont caractéristiques des sculptures de mes ancêtres".
Sa manière est immédiatement identifiable : silhouettes élancées, goût du mouvement, formes inspirées des danses rituelles ou des mascarades Igbo. Chez Anyanwu, cette élongation n’est pas une simple stylisation, elle exprime une aspiration : la forme tendue vers le haut traduit une tension politique, existentielle, collective. Avec cette allégorie féminine de la nation, Ben Enwonwu a donné corps à tout un peuple en devenir.
mercredi 7 mai 2025
mardi 6 mai 2025
C.Ebbets - Lunch atop a skyscraper (1932) |
Une image et des mots. Pour aller avec ce cliché célébrissime, attribué à Charles Ebbets, voici quelques mots de Roger Caillois, un extrait de L'incertitude qui vient des rêves (1956).
J'ai cédé à un souci personnel constant, presque exclusif, invincible [.....]. Je veux parler d'un attrait ininterrompu pour les forces d'instinct, de vertige, du goût d'en définir la nature, d'en démonter autant que possible la sorcellerie, d'en apprécier exactement les pouvoirs ; de la décision, enfin, de maintenir sur eux, contre eux, la primauté de l'intelligence, de la volonté, parce que, de ces facultés seules naît pour l'homme une chance de liberté et de création.
dimanche 4 mai 2025
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Jean Béraud - Un Figaro de rêve |
Dans un style qui oscille entre réalisme et impressionnisme, il restitue avec une spontanéité et une minutie quasi-documentaires l’essence du Paris de la fin du XIXe siècle, à la manière d'un photographe de rue aujourd’hui : ses rues animées, ses cafés et ses buveurs d'absinthe, ses théâtres et ses élégantes figures mondaines..., les compositions de Béraud foisonnent de mouvement, de regards échangés, de petites anecdotes visuelles qui donnent l’impression d’un moment volé sur le vif. En ce sens, il pourrait sans doute être vu comme un précurseur du regard photographique appliqué à la peinture.
On compare souvent son travail à celui de Degas ou du flamboyant Giovanni Boldini, mais Béraud a encore quelque chose en plus : une touche narrative et un brin d’ironie qui rendent ses scènes plus vivantes, presque cinématographiques. Là où Degas capte l’instant et Boldini magnifie l’élégance, Béraud raconte des histoires, avec ce regard un peu amusé sur le Paris de son époque qui le rend si singulier.
samedi 3 mai 2025
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Lectionnaire d'Henri III |
Ce que veut dire la parabole des ouvriers de la 11ème heure (Matthieu, 20), magnifiquement illustrée ici dans le lectionnaire d'Henri III (1017-1056), c'est que pour le Christ la récompense n'est pas proportionnelle à l'effort fourni, ("les derniers seront premiers, les premiers seront derniers").
Mais cette image peut aussi se lire comme une simple illustration narrative (et laïque) du travail et de sa rémunération. La scène du haut est une scène de travail, avec des ouvriers qui taillent la vigne et qui la sarclent; la scène du bas est celle du travail accompli et de la rémunération.
dimanche 27 avril 2025
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Roger Shall - Le Normandie (1935) |
Le vide-grenier du dimanche. Deux clichés du photographe français Roger Schall (1904-1995), déjà présenté le 11 mai 2008 avec Le balayeur de la rue Visconti et Le marché au timbres de l'avenue Matignon.
Voici donc deux nouvelles images de Roger Schall, prises la même année et que je n’ai pu m’empêcher de rapprocher : d’un côté, le Normandie, paquebot emblématique de l’entre-deux-guerres, dont Schall photographia le voyage inaugural aux côtés de Blaise Cendrars (voir ma première publication) ; de l’autre, une vue du Normandy, restaurant parisien désormais disparu.
Deux lieux de passage, deux mises en scène du luxe à la française - flottant pour l’un, bien ancré rive droite pour l’autre -, mais aussi deux façons de raconter une époque par ses façades, ses volumes, ses reflets. Deux lieux très différents, mais une même manière de faire apparaître ce qui se joue derrière les apparences. Ce que j’aime chez Roger Schall, c’est ça : cette capacité à capter l’élégance sans la figer, à enregistrer une présence humaine même là où elle semble absente. Le photographe de mode qu'il a été laisse parfois entrevoir, à la marge, un témoin plus discret, attentif aux traces, à ce que les lieux racontent à voix basse.
samedi 26 avril 2025
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Ute de Naumbourg |
Une image et des mots. À la question « Pourquoi l’homme est-il fasciné par la beauté ? », Aristote aurait répondu :
« C’est la question d’un aveugle ! ».
Voici un détail d’un chef-d’œuvre du gothique allemand, que l'on peut admirer dans la cathédrale de Naumbourg : la statue de Uta von Ballenstedt, margravine de Misnie, un État médiéval du Saint-Empire romain germanique. Elle aurait inspiré, chez Disney, le dessin de la marâtre de Blanche-Neige.
Pour l’accompagner, j’ai choisi un sonnet de Baudelaire, extrait des Fleurs du Mal (1857)Je suis belle, ô mortels ! comme un rêve de pierre,
Et mon sein, où chacun s'est meurtri tour à tour,
Est fait pour inspirer au poète un amour
Eternel et muet ainsi que la matière.
Je trône dans l'azur comme un sphinx incompris;
J'unis un coeur de neige à la blancheur des cygnes;
Je hais le mouvement qui déplace les lignes,
Et jamais je ne pleure et jamais je ne ris.
Les poètes, devant mes grandes attitudes,
Que j'ai l'air d'emprunter aux plus fiers monuments,
Consumeront leurs jours en d'austères études;
Car j'ai, pour fasciner ces dociles amants,
De purs miroirs qui font toutes choses plus belles :
Mes yeux, mes larges yeux aux clartés éternelles!
vendredi 25 avril 2025
jeudi 24 avril 2025
dimanche 20 avril 2025
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W. Plewinski - Suzy, London (1968) |
Le vide-grenier du dimanche. Deux oeuvres du photographe polonais Wojciech Plewinski (b.1928).
Figure majeure de la génération des photographes d'après-guerre, il est à rapprocher des grands photographes humanistes français comme Boubat et Doisneau.
Explorant les thèmes de l'identité et de la culture, Plewinski photographie avec un grand souci de sincérité et d'authenticité des visages, des silhouettes, de petites histoires humaines qui dépassent par leur signification la vie du seul être photographié. Témoignage poétique de l'âme humaine, la photographie humaniste est un art de la rencontre, disait Martine Franck.
vendredi 18 avril 2025
mercredi 16 avril 2025
dimanche 13 avril 2025
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C.D. F. - Femme à la fenêtre (1822) |
Le vide-grenier du dimanche. Deux oeuvres de l'allemand Caspar David Friedrich (1774-1840).
Né sur les rives de la Baltique, alors sous domination suédoise, il grandit dans un environnement empreint de piété luthérienne, et est marqué dès l’enfance par plusieurs deuils familiaux. Ces pertes précoces, combinées à une profonde intériorité, vont nourrir une œuvre où la solitude, le silence et la quête spirituelle occupent une place centrale.
Formé à l’Académie de Copenhague, il s’imprègne du néoclassicisme et va s'imposer dès le début du XIXe siècle comme l’un des principaux représentants du romantisme allemand ; il ne s’agit plus de représenter la nature de manière fidèle, mais d’en faire le miroir d’un état d’âme : " le peintre ne doit pas peindre seulement ce qu'il voit en face de lui, mais aussi ce qu'il voit en lui.". Cet homme, disait de lui le sculpteur David d'Angers, a découvert le tragique du paysage.
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C.D. F. - Le soir (1821) |
Ils sont une confrontation entre l’homme, souvent de dos (le fameux "Rückenfigur"), et l’infini.
Peu soucieux des modes, Friedrich reste à l’écart des cercles officiels et son style, jugé trop sombre ou passéiste au fil du siècle, va tomber progressivement dans l’oubli après sa mort en 1840. Il faudra attendre la fin du XIXe siècle, puis le XXe, pour qu’il soit redécouvert par les symbolistes, les expressionnistes, et plus tard les surréalistes.
mercredi 9 avril 2025
dimanche 6 avril 2025
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K. Struss - Woman and branch (1912) |
Le vide-grenier du dimanche. Deux clichés du photographe américain Karl Struss (1886-1981). Natif de New York, il se forme d’abord à la photographie au sein de la Columbia University, tout en travaillant dans l’atelier familial de fabrication de chapeaux. Très tôt, il se passionne pour la lumière, les textures, les effets atmosphériques. Il est parmi les premiers aux États-Unis à expérimenter les procédés autochromes, une technique de photographie couleur encore balbutiante à l’époque.
Ses premières œuvres, influencées par le pictorialisme, se caractérisent par une esthétique douce, presque impressionniste, à mi-chemin entre la peinture et la photo.
En 1910, ses images sont exposées par Alfred Stieglitz (voir nov. 2011) au sein de la célèbre galerie 291, aux côtés d’Edward Steichen (voir mars 2010) et Clarence White (qu'il faudra que je présente aussi), un signe de reconnaissance précoce et rare pour un si jeune photographe.
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K.S. - Brooklyn Bridge, NY (1913) |
Mais Struss ne s’arrête pas là. Fasciné par les possibilités narratives de l’image en mouvement, il se tourne vers le cinéma et s’installe à Hollywood en 1919. Il devient rapidement un directeur de la photographie recherché, qui va collaborer avec les plus grands réalisateurs de l’époque.
Sa carrière décolle véritablement avec "L'Aurore" (1927), chef-d'œuvre de F.W. Murnau - un de mes films préférés -, pour lequel il reçoit l’un des tout premiers Oscars de la meilleure photographie. Ce film est magnifique et reste une référence absolue pour son usage novateur de la lumière, des superpositions et des mouvements de caméra.
Par la suite, et tout au long de sa carrière, Struss va collaborer avec des réalisateurs majeurs comme Cecil B. DeMille ou Charlie Chaplin (L'Émigrant, Le Dictateur). Son approche, marquée par son passé de photographe - composition soignée, clairs-obscurs subtils -, va participer à l’élaboration du style visuel du cinéma hollywoodien classique.
samedi 5 avril 2025
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O.S. - Nature morte (2015) |
Une image et des mots. " L’escargot est naturellement héroïque, disait Alexandre Vialatte, car il ne recule jamais. » Pourtant, pour accompagner ce détail d’une nature morte d’Olga Smirnova (Nature morte aux raisins et à l’escargot, 2015), j’ai préféré une figure bien moins flatteuse : celle imaginée par Hans-Christian Andersen dans son conte Le rosier et l’escargot.
Le jardin était entouré de noisetiers. Au milieu, fleurissait un rosier, et sous lui vivait un escargot.
— Attendez que mon temps arrive ! disait l’escargot. Je ferai des choses bien plus grandioses que de fleurir, ou donner des noisettes, ou donner du lait comme les vaches et les moutons.
— Quand les ferez-vous ? demanda le rosier.
— Je prends mon temps. Attendre est plus excitant.
[…]
Un an plus tard, l’escargot était toujours là. Le rosier, lui, avait produit des fleurs fraîches, emportées par le vent ou cueillies.
— Rien n’a changé, dit l’escargot. Toujours des roses. Vous n’évoluez pas.
— Je ne peux pas faire autrement. Je sens une force de la terre et du ciel. Alors je fleuris. C’est ma vie.
— Vous avez eu la vie facile, dit l’escargot. Moi, j’ai une pensée plus profonde. Le monde ne m’intéresse pas, je me suffis.
— Mais nous ne devrions pas donner le meilleur de nous-mêmes ? Moi, je donne mes roses. Et vous, que donnez-vous ?
— Je crache sur le monde ! Je n’ai besoin que de moi.
Et l’escargot rentra dans sa coquille et la referma.
— C’est triste, dit le rosier. J’ai vu une femme garder une rose dans son missel, une autre fut portée par une jeune fille. Un enfant en a embrassé une. Cela m’a rendu heureux. Voilà ma vie.
[…]
Les années passèrent. L’escargot et le rosier devinrent poussière. Mais de nouveaux rosiers fleurirent. Et de nouveaux escargots grandirent à leurs pieds.
Ils rentraient dans leur coquille… car le monde ne les concernait pas. Allons-nous relire cette histoire une nouvelle fois ? Elle ne sera pas différente.
Dans ce conte, Andersen oppose deux figures : l’escargot, replié sur lui-même, convaincu de sa supériorité et trop « profond » pour agir, et le rosier, modeste mais généreux, qui offre ses fleurs sans rien attendre. L’escargot devient la métaphore d’un individualisme stérile, qui refuse de se mêler au monde au nom d’un idéal jamais réalisé. À l’inverse, le rosier incarne la fécondité de ceux qui, sans se poser en donneurs de leçons, apportent de la beauté et de la joie au monde - parfois à leur insu. Le conte dénonce avec légèreté l’illusion d’un dépassement de soi - ou même tout simplement d'une importance de soi -, qui, à force de mépriser les choses simples, finit par ne rien produire.
dimanche 30 mars 2025
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M.W. - Something died here (1947) |
Le vide-grenier du dimanche. Deux clichés de Minor White, déjà présenté le 11 août 2013.
Votre essence propre, en vous depuis la naissance, est votre qualité intérieure. Cela est ce que vous savez de vous-même.
Quand vous vous approchez de quelque chose pour le photographier, soyez d'abord profondément calme avec vous-même, jusqu'à ce que l'objet affirme votre propre présence.
Lecteur de Gurdjieff, féru d'astrologie et de bouddhisme zen, Minor White inscrit son travail dans une quête à la fois esthétique et spirituelle que l'on pourrait rapprocher de ce qu'explorait Alfred Stieglitz avec Equivalents, son étonnante série d'études de nuages entreprise pendant près de dix ans à partir de 1922.
samedi 29 mars 2025
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John Brack - Collins St., 5 pm |
Une image et des mots. Une oeuvre du peintre australien John Brack (1920-1999), membre du groupe des Antipodeans.
Pour l'accompagner, un extrait de "Psychologie des foules" (1895), de Gustave le Bon (1841-1931).
Les civilisations n'ont été créées et guidées jusqu'ici que par une petite aristocratie intellectuelle, jamais par les foules. Les foules n'ont de puissance que pour détruire. Leur domination représente toujours une phase de barbarie. Une civilisation implique des règles fixes, une discipline, le passage de l'instinctif au rationnel, la prévoyance de l'avenir, un degré élevé de culture, conditions que les foules, abandonnées à elles-mêmes, se sont toujours montrées absolument incapables de réaliser.
Par leur puissance uniquement destructive, elles agissent comme ces microbes qui activent la dissolution des corps débilités ou des cadavres. Quand l'édifice d'une civilisation est vermoulu, ce sont toujours les foules qui en amènent l'écroulement. C'est alors qu’apparaît leur principal rôle, et que, pour un instant, la philosophie du nombre semble la seule philosophie de l'histoire.
lundi 24 mars 2025
dimanche 23 mars 2025
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A. Brodowicz À la recherche de Kafka, Prague |
Le vide-grenier du dimanche. Deux clichés de la photographe polonaise Alicja Brodowicz. Diplômée de l'Institut de Photographie Créative d'Opava en République tchèque, elle a également étudié la littérature anglaise à l'Université d'Utrecht aux Pays-Bas.
Inspiré par celui de photographes comme Sally Mann, Anders Petersen et Josef Koudelka, son travail se concentre principalement sur le documentaire subjectif et la photographie artistique.
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Alicja Brodowicz - Sans titre |
D'une façon générale, je ne suis pas particulièrement sensible à la photographie artistique ou conceptuelle, et je me retrouve peu dans son univers très personnel. En revanche, ces deux clichés que je présente ici me plaisent beaucoup ; et ce n’est pas uniquement parce que le premier fait partie d'une série qui évoque un auteur qui m’est cher...
jeudi 20 mars 2025
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Anon. - Madrid (c.1960) |
Une image et des mots. Un cliché dont j'ignore l'origine, parfois attribué à un certain Elton Boraya, dont je ne sais rien.
En elle-même toute idée est neutre, ou devrait l'être ; mais l'homme l'anime, y projette ses flammes et ses démences ; impure, transformée en croyance, elle s'insère dans le temps, prend figure d'événement : le passage de la logique à l'épilepsie est consommé... Ainsi naissent les idéologies, les doctrines, et les farces sanglantes.
Idolâtres par instinct, nous convertissons en inconditionné les objets de nos songes et de nos intérêts. L'histoire n'est qu'un défilé de faux Absolus, une succession de temples élevés à des prétextes, un avilissement de l'esprit devant l'Improbable. Lors même qu'il s'éloigne de la religion, l'homme y demeure assujetti ; s'épuisant à forger des simulacres de dieux, il les adopte ensuite fiévreusement : son besoin de fiction, de mythologie triomphe de l'évidence et du ridicule. Sa puissance d'adorer est responsable de tous ses crimes...
Emil Cioran, Précis de décomposition (1949)
dimanche 16 mars 2025
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R. Rowland - Night shift (1984) |
Le vide-grenier du dimanche. Deux oeuvres de l'artiste britannique Rob Rowland (b.1939), dont l'œuvre est profondément enracinée dans le patrimoine industriel et paysager du Royaume-Uni. Né et élevé dans les Midlands durant les années 1950 et 1960, il grandit dans un environnement marqué par les rues pavées, les réverbères à gaz, les canaux et les viaducs ferroviaires, autant d'éléments qui vont plus tard nourrir son imaginaire.
Dès son plus jeune âge, il aspire à travailler dans le domaine des arts visuels. Après avoir envisagé divers métiers – effets spéciaux, affiches de cinéma, art commercial – il intègre un atelier de restauration de tableaux avant de poursuivre sa formation au Gloucestershire College of Arts & Technology. Par la suite, il devient graphiste indépendant, puis rejoint le département artistique d'une brasserie nationale, où il conçoit et peint des enseignes traditionnelles de pubs.
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R.R. - Stanier and Issigonis |
En 1991, il se consacre pleinement à sa carrière indépendante. Son champ d’intérêt s’étend alors aux paysages marins et aux scènes de la vie quotidienne, sous l’influence d’artistes victoriens et du début du XXᵉ siècle, comme John Singer Sargent, Lamorna Birch et Stanhope Forbes de l’école de Newlyn.
mardi 11 mars 2025
dimanche 9 mars 2025
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A.M. - Vieux coeur de frêne |
Le vide-grenier du dimanche. Deux clichés du photographe français Albert Monier (1915-1998), un de ceux dont l’œuvre a marqué l’histoire sans pour autant obtenir la reconnaissance qu’elle méritait de son vivant. Issu d’une famille modeste, il grandit entre l’Auvergne et la Normandie, où ses parents s’installent après la Première Guerre mondiale. Rien ne le destinait à la photographie qu'il découvre au contact de ses cousins agriculteurs. Il a alors une dizaine d’années et, déjà, un regard sensible sur l’art. Il s’essaie d'abord à l’aquarelle avant d’acquérir ses premiers appareils photo à l’âge de 18 ans et de se mettre à photographier son Auvergne natale, la rudesse des terres et la simplicité des hommes. Il n'y avait pas besoin de moi pour montrer les gens importants. J'ai fait le contraire, je me suis fait grandir avec des gens humbles.
C'est ensuite le Maroc, où il perfectionne son art entre 1948 et 1950, en photographiant la vie quotidienne et les traditions locales avec une approche à la fois documentaire et poétique. Enfin, il s’installe à Paris, où il photographie les quais de Seine, les ruelles et les figures pittoresques, en cherchant toujours à révéler l’âme cachée des lieux et des gens, dans une capitale à la fois vivante et mélancolique.
Mais Monier comprend que la photographie peut être un art à la fois intime et universel, et il choisit de la diffuser à grande échelle par un médium inattendu : la carte postale; un moyen révolutionnaire de partager son regard avec le plus grand nombre. Ses clichés, d’une beauté saisissante et aux intitulés poétiques, tranchent avec l’imagerie stéréotypée des cartes classiques, et il va vendre plus de 80 millions de cartes postales à travers le monde, atteignant une popularité rare pour un photographe de son époque. Mais malgré son immense succès auprès du public, Albert Monier ne connaîtra jamais la reconnaissance du monde de la photographie, et lorsqu'il s’éteint en 1998 c'est dans une relative indifférence.
samedi 8 mars 2025
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Suffragette-defaced penny (1913-14) |
Une image et des mots. À l’occasion de la Journée internationale des droits des femmes, voici un symbole méconnu de la lutte suffragiste : le Suffragette-defaced penny (ou penny altéré par les suffragettes). Il s'agit d'une pièce de monnaie britannique du début du XXe siècle, modifiée par des militantes de ce mouvement d'émancipation pour promouvoir leur cause.
Elles gravaient ou estampillaient des slogans comme celui-ci sur des pennies en cuivre, transformant ainsi un objet du quotidien en un outil de propagande politique.
Cette pratique visait à contourner la censure et à diffuser leur message de manière discrète mais efficace, puisque ces pièces continuaient à circuler dans la population. C’était un acte de protestation symbolique, qui exprimait la détermination des suffragettes à obtenir le droit de vote malgré la répression gouvernementale.
Et pour aller avec, j'ai choisi quelques vers du chant de ralliement de Winifred Banks, dans le merveilleux film de Robert Stevenson pour les studios Disney : le chef-d'oeuvre Mary Poppins.
"Well done, Sister Suffragette!"
From Kensington to Billingsgate
One hears the restless cries!
From ev'ry corner of the land:
"Womankind, arise!"
Political equality and equal rights with men!
Take heart! For Missus Pankhurst has been clapped in irons again!
No more the meek and mild subservients we!
We're fighting for our rights, militantly!
Never you fear!
So, cast off the shackles of yesterday!
Shoulder to shoulder into the fray!
Our daughters' daughters will adore us
And they'll sing in grateful chorus
"Well done! Well done!
Well done Sister Suffragette!"
From Kensington to Billingsgate
One hears the restless cries!
From ev'ry corner of the land:
"Womankind, arise!"
Political equality and equal rights with men!
Take heart! For Missus Pankhurst has been clapped in irons again!
No more the meek and mild subservients we!
We're fighting for our rights, militantly!
Never you fear!
So, cast off the shackles of yesterday!
Shoulder to shoulder into the fray!
Our daughters' daughters will adore us
And they'll sing in grateful chorus
"Well done! Well done!
Well done Sister Suffragette!"
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