In girum imus nocte et consumimur igni

In girum imus nocte et consumimur igni
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samedi 3 mai 2014

Une image et des mots. Nous sommes à deux jours du 5 mai, jour de la mort de Napoléon Bonaparte.
Dans ses mémoires, publiées l'an dernier au Mercure de France, Louise de Prusse rapporte que lors d'une rencontre avec le roi de Prusse, l'Empereur examina le pantalon de son interlocuteur et lui demanda:
"Êtes-vous tous les jours obligé de boutonner tous ces boutons ? Est-ce que vous commencez par le haut ou par le bas ?"
On peut juger la remarque futile, inintéressant de la connaître et donc de la rapporter. Mais tout de même......, que Bonaparte interpelle ainsi un souverain sur l'incommodité de sa braguette en dit long au contraire sur la personnalité de Bonaparte, et sur la domination absolue qu'il exerçait sur ses contemporains, qui qu'ils fussent...

Glissons donc du futile à l'inutile, à quoi, disait Bergson, nous devons savoir attacher du prix.... Les mots qui suivent sont l'incipit du très utile traité d'Abraham Flexner, De l'utilité du savoir inutile (1939).

N'est-il pas curieux que, dans un monde pétri de haines insensées qui menacent la civilisation elle-même, des hommes et des femmes de tout âge, s'arrachant en partie ou totalement au furieux tumulte de la vie quotidienne, choisissent de cultiver la beauté, d'accroître le savoir, de soigner les maladies et d'apaiser les souffrances, comme si, au même moment, des fanatiques ne se vouaient pas au contraire à répandre la douleur, la laideur et la souffrance ? Le monde a toujours été un lieu de misère et de confusion : or les poètes, les artistes et les scientifiques ignorent les facteurs qui auraient sur eux, s'ils n'y prenaient garde, un effet paralysant. D'un point de vue pratique, la vie intellectuelle et spirituelle est, en surface, une forme d'activité inutile que les hommes apprécient parce qu'ils y trouvent plus de satisfactions qu'ils n'en peuvent obtenir ailleurs. On se demandera ici dans quelle mesure la poursuite de ces satisfactions inutiles s'avère en réalité, contre toute attente, la source dont procède une utilité insoupçonnée.
JH1

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dimanche 27 avril 2014

A. Arkhipov - Les lavandières (1899)
Le vide-grenier du dimanche. Deux oeuvres du russe Abram Iefimovitch Arkhipov (1862-1930). Issu d'une famille de paysans pauvres qui pourtant feront l'effort de l'envoyer dès l'âge de 15 ans à l'École de peinture et d'architecture de Moscou, Arkhipov fait partie de la génération d’artistes qui émerge au tournant du XIXe et du XXe siècle, un moment où l’art russe oscille entre l’héritage classique et les influences plus modernes, parfois radicales. À Moscou, il a pour maître Vassili Perov qui va l'encourager à donner de la vie la plus rude une peinture réaliste. Puis il va se former à l'Académie impériale des Beaux-Arts de Saint Petersbourg, avant de revenir à Moscou pour y suivre cette fois l'enseignement de Vassili Polenov.

A. Arkhipov - Après le dégel (1895)
Diplômé, il entreprend avec quelques camarades artistes un voyage le long de la Volga, peignant jour et nuit et dormant chez l'habitant dans les villages paysans.
C'est ainsi qu'il rejoint en 1890 un groupe progressiste de peintres réalistes appelé "Peredvizhniki", les Ambulants, qui depuis une vingtaine d'années sillonnent les campagnes et y présentent des expositions itinérantes, avec l'ambition de sortir l'art des salons pour l'amener dans la vie du peuple.
Ce que j’apprécie particulièrement chez Arkhipov, c’est cette alliance entre poésie et réalisme, qui donne à ses œuvres une double dimension : à la fois esthétique et documentaire.
C’est justement cette capacité à allier la beauté d'une oeuvre et un regard juste et documenté sur la vie des gens qui me touche, et que je recherche souvent dans l’art, qu’il s’agisse de peinture, de photo ou de cinéma.

dimanche 20 avril 2014

Jean Marquis - Dockers, Liverpool (1955)

Le vide-grenier du dimanche. Deux clichés du photographe documentaire Jean Marquis (b.1926), fils d'Armentières, dans le Nord où il grandit dans une famille d'ouvriers et dont il a photographié la vie rude et laborieuse. Ce passé ouvrier marque profondément son regard, et son travail s'inscrit dans ce qu'il est convenu d'appeler la tradition humaniste, une photographie engagée dans la lignée de son mentor Robert Capa, mais aussi d'Henri Cartier-Bresson ou de David Seymour. 

Jean Marquis - Sans titre
Il découvre la photographie en 1947, après la guerre, et devient rapidement l’assistant de son oncle par alliance, le photographe Paul Strand (voir juin 2008). Cette rencontre est décisive : elle lui ouvre la voie d’un travail patient, exigeant, où le cadrage, la lumière et la relation humaine sont essentiels.
Ses photographies racontent la France des années 1950 à 1970 : villages, campagnes, cafés, enfants qui jouent, passants qui attendent. Ce sont des images de silence et de simplicité, où perce souvent une forme d’humour tranquille, une douceur du regard empreinte de pudeur et de poésie. "La photographie, c'est le regard qu'on porte sur les gens, disait-ilUne photoc'est avant tout une démarche, un sentiment profond, c'est de la poésie. Comme cette péniche dans les brumes matinales de la Deûle.
Un de ses clichés a été choisi par Edward Steichen pour figurer dans sa monumentale, et désormais mythique, exposition The Family of Man.

samedi 19 avril 2014

Hiroko Otake - Metamorphosis
Une image et des mots. Une oeuvre de la japonaise Hiroko Otake (b.1980).
Je me souviens qu’en lisant Cent ans de solitude, j’avais été émerveillé par le passage évoquant les vols de papillons qui suivent partout l’un des personnages, et admiratif que son auteur ait eu une idée à la fois si belle et poétique.
Depuis, j’ai connu l' Amazonie...  et à chacune de mes expéditions, j’ai vu des nuées de papillons jaunes s’agglutiner sur les berges des fleuves, et tournoyer en grappes autour de ceux qui passent.
C’est alors que j’ai compris que García Márquez avait dû assister lui aussi à ce spectacle des dizaines de fois sur les rives des fleuves colombiens, et qu’il puisait dans ses souvenirs d’enfance une part de son inspiration.

C'est alors qu'elle remarqua les papillons jaunes qui précédaient chaque apparition de Mauricio Babilonia. Elle avait déjà noté leur présence, surtout à l'atelier de mécanique où elle avait pensé que les attirait l'odeur de peinture. Quelquefois elle les avait sentis voleter au-dessus de sa tête dans la pénombre du cinéma. Mais quand Mauricio Babilonia se mit à la poursuivre comme un spectre qu'elle seule pouvait identifier dans la foule, alors elle comprit que les papillons avaient quelque chose à voir avec lui. Mauricio Babilonia se trouvait toujours parmi le public des récitals, au cinéma, à la grand-messe, et elle n'avait nul besoin de le voir pour découvrir sa présence que lui signalaient les papillons.

dimanche 13 avril 2014

Bruno Réquillart - Seascape 1 (1970s)
Le vide-grenier du dimanche.
Deux clichés du français Bruno Réquillart (b.1947), photographe du silence, du retrait et des formes discrètes du vivant.
« J’essaie de photographier ce qui n’attire pas le regard », disait-il dans un entretien.
Issu d’une formation scientifique, Bruno Réquillart s’est tourné vers la photographie au tournant des années 1980. 
Son travail, souvent en noir et blanc, s’inscrit dans une veine rigoureuse, minimaliste, presque contemplative.

B. Réquillart - Paris (1970s)
Il photographie des paysages, des visages, des fragments d’objets ou d’architectures, mais toujours avec cette attention portée à la lumière, à la matière, à ce qui, dans l’ombre ou le détail, raconte plus que ce qui s’impose d’emblée au regard.
Après avoir documenté l'atmosphère libertaire soixante-huitarde, il se tourne vers la photographie plus conceptuelle d'objets du quotidien urbain. Ce sera le cas, par exemple, avec sa série Constats : poteaux, panneaux publicitaires, rideaux métalliques, troncs d'arbres.....; c’est peut-être là que réside sa force : faire surgir une beauté muette des choses ordinaires, nous rappeler que le visible n’épuise jamais tout ce qu’il y a à voir.
Il s'adonne ensuite à la peinture et en 1992 fait don à l'État de tous ses négatifs et tirages, comme l'avait fait avant lui, en 1979, Jacques-Henri Lartigue.
Il revient à la photographie au début des années 2000 en se consacrant principalement aux paysages parisiens.
"Certaines photographies, je ne sais plus lesquelles mais je me souviens de la sensation, sont nées d'un brusque retournement. Comme si une présence, dans mon dos, m'appelait : c'était une photo."
WD1

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F. Bacon - Study of a figure in a landscape (1952) Une image et des mots. L'image, c'est une étude de Francis Bacon, déjà présenté ...