Dans ses mémoires, publiées au Mercure de France, Louise de Prusse rapporte que lors d'une rencontre avec le roi de Prusse, l'Empereur examina le pantalon de son interlocuteur et lui demanda:
"Êtes-vous tous les jours obligé de boutonner tous ces boutons ? Est-ce que vous commencez par le haut ou par le bas ?"
On peut juger la remarque futile, inintéressant de la savoir et donc inutile de la rapporter. Mais tout de même......, que Bonaparte interpelle ainsi un souverain sur l'incommodité de sa braguette en dit long au contraire sur la personnalité de Bonaparte, et sur la domination absolue qu'il exerçait sur ses contemporains, qui qu'ils fussent...
Glissons donc du futile à l'inutile, à quoi, disait Bergson, nous devons savoir attacher du prix.... Les mots qui suivent sont l'incipit du très utile traité d'Abraham Flexner, De l'utilité du savoir inutile (1939).
N'est-il pas curieux que, dans un monde pétri de haines insensées qui menacent la civilisation elle-même, des hommes et des femmes de tout âge, s'arrachant en partie ou totalement au furieux tumulte de la vie quotidienne, choisissent de cultiver la beauté, d'accroître le savoir, de soigner les maladies et d'apaiser les souffrances, comme si, au même moment, des fanatiques ne se vouaient pas au contraire à répandre la douleur, la laideur et la souffrance ? Le monde a toujours été un lieu de misère et de confusion : or les poètes, les artistes et les scientifiques ignorent les facteurs qui auraient sur eux, s'ils n'y prenaient garde, un effet paralysant. D'un point de vue pratique, la vie intellectuelle et spirituelles est, en surface, une forme d'activité inutile que les hommes apprécient parce qu'ils y trouvent plus de satisfactions qu'ils n'en peuvent obtenir ailleurs. On se demandera ici dans quelle mesure la poursuite de ces satisfactions inutiles s'avère en réalité, contre toute attente, la source dont procède une utilité insoupçonnée.
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