In girum imus nocte et consumimur igni

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dimanche 29 décembre 2019

Ragnar Axelsson - Faces of the North

Le vide-grenier du dimanche. Deux clichés du photojournaliste islandais Ragnar 'Rax' Axelsson (b.1958), dont l’œuvre, en noir et blanc presque exclusivement, est consacrée aux paysages de l’Arctique et aux communautés qui y vivent.
Depuis presque quarante ans il photographie le Grand Nord, où il s’est fait le témoin attentif de ceux qui vivent au bord du monde - chasseurs inuits au Groenland, fermiers perdus dans les campagnes islandaises, éleveurs de rennes en Sibérie - ainsi que des changements profonds qui affectent ces régions fragiles.

R.A. - Faces of the North
Il vit avec ceux qu’il photographie, il est le témoin de leurs gestes simples, partage leurs silences, leurs trajets, leurs habitudes. Ses images, toujours en noir et blanc, ont quelque chose de brut, de silencieux et de suspendu ; elles tiennent autant du documentaire que de la poésie.
Ce que Rax construit, ses portraits habités, ses images du froid, de la solitude, mais aussi de la fierté tranquille de ces vies liées à la terre, à la glace, et aux bêtes, c’est une mémoire du monde arctique, au moment précis où celui-ci, lentement, bascule.
After accompanying Artic hunters for almost 40 years, witnessing the changes in Greenland's sea ice, and sensing friends' and hunters' worries about their future, one cannot look away.
There is no doubt in their minds that something is happening. When passing a house in Thule some thirty years ago, an old hunter said , "There is something wrong. It should not be like this. The big ice is sick."

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dimanche 22 décembre 2019

Q.v.B. - L'atelier du tailleur (1661)
Le vide-grenier du dimanche. Deux oeuvres du peintre du siècle d'or néerlandais Quirijn van Brekelenkam (1622-1668). Influencé par Gerrit Dou (voir VG du 10 novembre), son aîné et maître présumé, il se spécialise dans la scène de genre intimiste : intérieurs modestes baignés d'une lumière douce et feutrée, ateliers, cuisines, échoppes, où s’affairent des artisans et des femmes occupées aux travaux domestiques.
Avec une précision presque chirurgicale et une grande délicatesse, Van Brekelenkam restitue le grain des étoffes, les reflets sur le cuivre, ou la lumière qui glisse sur une surface de bois. Membre de la guilde de Saint-Luc de Leyde, il sera l'un des représentants du courant des fijnschilders. Mais rien de spectaculaire dans ce réalisme soigneusement composé : aucune allégorie grandiloquente, juste la beauté simple des gestes ordinaires et la dignité du quotidien.

Q.v.B. - Une famille au foyer (1665)
Après ses premières séries consacrées aux artisans au travail - treize versions d’un tailleur dans son atelier -, Van Brekelenkam s’ouvre aussi à des sujets plus mondains, inspirés par Gabriel Metsu (sa Conversation sentimentale par exemple, qui rappelle La femme assise en compagnie d'un joueur de violon) ou par Pieter de Hooch.
Moins célèbre que ses contemporains, il reste pourtant l’un de ces peintres qui, par de petits formats et des sujets simples, ont su capter l’âme d’une époque et offrir un témoignage précieux sur la vie quotidienne dans la Hollande du XVIIᵉ siècle : un univers ordinaire et silencieux, où l’attention aux gestes les plus simples devient presque une forme de célébration.

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dimanche 15 décembre 2019

Ian Dryden - Beckett à Paris (1985)
Le vide-grenier du dimanche. En ce jour du 30ème anniversaire de sa disparition, voici simplement deux photos d'un de mes auteurs favoris.

(A/U) Beckett à Ussy-sur-Marne (1952)

La première a été prise par le photojournaliste écossais Ian Dryden à la terrasse d'un café parisien, la seconde dans son jardin d'Ussy-sur-Marne. Est-il en train d'expliquer par le geste sa vision du monde à un exégète? Non, il aménage son jardin avec l'aide de son frère Frank.
"Je perds la bataille avec les taupes, et les sangliers ont démoli la clôture. Je passe la plupart du temps à Ussy à tuer le temps avec la pelouse et du papier."
NC5

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samedi 14 décembre 2019

Alessandro Allori - Charybde et Scylla (1575)
Une image et des mots. Cette représentation du voyage d'Ulysse, quand six de ses compagnons sont dévorés dans le détroit de Messine par le monstre Scylla, est une des fresques du maniériste italien Alessandro Allori qui ornent les murs du Palazzo Salviati, au coeur historique de Florence.
Pour aller avec, voici quelques vers du poète soudanais Abdel Wahab Yousif...

You'll die at sea.
Your head rocked by the roaring waves,
your body swaying in the water
like a perforated boat.

In the prime of youth you'll go,
shy of your 30th birthday.
Departing early is not a bad idea;
but it surely is if you die alone
with no woman calling you to her embrace:
"Let me hold you to my breast,
I have plenty of room.
Let me wash the dirt of misery off your soul".

***

Tu mourras en mer.
La tête ballottée par les vagues rugissantes,
ton corps qui se balance dans l'eau.
comme un bateau crevé.

Tu partiras dans la fleur de ta jeunesse,
à peine la trentaine.
Partir tôt n'est pas une mauvaise idée,
mais c'en est une si tu meurs seul,
sans une femme qui t'ouvre ses bras :
" Laisse-moi te presser contre ma poitrine,
j'ai beaucoup de place.
Laisse-moi laver ton âme de la misère crasse ".

Abdel Wahab Yousif est mort noyé en Méditerranée au mois d'août dernier, avec 44 de ses compagnons de voyage, adultes et enfants. Il avait vingt-neuf ans.

dimanche 8 décembre 2019

Pierre Belhassen - New York (2012)
Le vide-grenier du dimanche. Deux clichés du français Pierre Belhassen (b.1978), déjà présenté ici le 29 mai 2016. Deux clichés pris à New York, où Pierre Belhassen a découvert la photographie, à l'occasion d'un premier voyage en 2005. Il en arpente les rues en restant attentif à la lumière, aux gestes fugaces, aux détails presque invisibles qui disent pourtant beaucoup. Sa photographie est une affaire de rythme, de sensation, de présence.

P.B. - série Color walk

C'est ici que tout a commencé, il y a une énergie unique qui circule dans cette ville. New York est définitivement un lieu de genèse pour moi.
Les influences que revendique Pierre Belhassen sont nombreuses : le cinéma de Kurosawa, la littérature de Chandler et Ellroy, la peinture de Bonnard et Bacon, la musique..., et bien sûr un grand nombre de photographes, de Robert Frank à Trent Parke, en passant par Saul Leiter ou encore Jonas Bendiksen (voir janvier 2008). Pierre Belhassen fait partie de ces photographes qui racontent le monde sans le commenter, préférant la suggestion à l’explication.
Un regard libre, très personnel, porté sur les frémissements de la vie qui parfois nous échappent.

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samedi 7 décembre 2019

Villeglé - L'alphabet de la guerrilla (1983)

Une image et des mots. Pour l'image j'ai choisi une oeuvre de Villeglé: L'alphabet de la guerrilla (1983), et une formule des Mathématiques existentielles de Laurent Derobert.
Les mots sont de Babouillec : 

«Je suis Babouillec très déclarée sans parole. Seule enfermée dans l’alcôve systémique, nourricière souterraine de la lassitude du silence, j’ai cassé les limites muettes et mon cerveau a décodé votre parole symbolique : l’écriture». 

Et ailleurs...: 
«Vingt fois sur le métier je remets l'ouvrage d'être en vie dans une carapace pénétrée par le mystère de la fabrique de nos petites vies usées par ce combat stérile de l'appartenance. J'ai rebroussé chemin pour me raconter. 

Laurent Derobert - Mathématiques existentielles
J'appartiens à une espèce en voie d'apparition, dépourvue du sens social sécuritaire, bannissant les codes interrompant les accès aux mystères de la vie. Une espèce fantaisiste où règne un désordre tonitruant. Équipée de codes indéfinissables brouillant les radars des formats en tout genre, j'appartiens à cette espèce étrange qui ne rentre nulle part, qui ouvre la passerelle des impossibles en torturant les repères sociaux. J'observe sans relâche les codes d'appartenance et je défie les pièges à la pensée.» [.....] «Je suis arrivée dans ce jeu de quilles comme un boulet de canon, tête la première, pas de corps aligné, des neurones survoltés, une euphorie sensorielle sans limites. Les oreilles stand-by à la jacasserie humaine, les mains et les pieds sens dessus dessous, les yeux dans les yeux de moi-même.». 
Hélène Nicolas, dite "Babouillec", est autiste et ne parle pas; elle a publié Algorithme éponyme chez Rivages.

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dimanche 1 décembre 2019

Emeric Feher - Les chaises, Paris (1934)
Le vide-grenier du dimanche. Deux clichés du photographe français Émeric Feher (1904-1966) d'origine hongroise comme Brassaï ou Kertesz. Immigré en France dans les années 20, il est rapidement embauché chez Peugeot puis chez Citroën comme ouvrier-tourneur. Puis, en 1930, il va entrer comme électricien au studio typographique Deberny et Peignot où il rencontre Maurice Tabard puis Maurice Cloche qui l'encouragent et l'initient à la photographie.

E.F. - Solitude, Paris (1934)
Mais c'est surtout à partir de 1933, quand il rejoint le studio de René Zuber qu'il va vraiment s'investir dans une démarche personnelle, en s'attachant à documenter le simple quotidien de son pays d'adoption et des hommes qui y vivent et travaillent.
Feher est un photographe de la rue, de l’ombre et des lignes...
Reliant le réalisme à l'humanisme, dira de lui l'historien de la photographie Pierre Borhan, Feher sait capter la pureté d'une ligne, la grâce d'une forme, et avec chaleur, avec même une certaine innocence, la saveur de la vie.
Son regard, à la fois graphique et poétique, se distingue par une attention particulière aux structures urbaines, aux reflets, aux jeux de lumière, aux silhouettes en mouvement.
Très influencé par le constructivisme et le Bauhaus, il affectionne les cadrages audacieux, les plongées, contre-plongées, et les compositions géométriques ; une modernité assumée, mais qui ne sacrifie jamais l’émotion.

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dimanche 24 novembre 2019

R.F. - The Americans
Le vide-grenier du dimanche. Deux clichés de Robert Frank (1924-2019), photographe et cinéaste suisse naturalisé américain, disparu au début de ce mois. Né à Zurich, il gagne très jeune les États-Unis et, sur les conseils de Walker Evans, sillonne le pays de 1955 à 1957 avec femme et enfants. De ce voyage naîtra The Americans (1958), livre mythique qui dresse un portrait sans fard de l’Amérique d’après-guerre : bars, autoroutes, juke-boxes, visages anonymes… Pas de spectaculaire, mais une suite d’images abruptes, parfois mélancoliques, qui révèlent les fractures sociales, raciales et culturelles d’un pays en mutation. Proche des artistes de la Beat Generation, il voulait, disait-il, « un documentaire contemporain dont l’impact visuel le dispenserait de commentaires ». 
Cette série de 84 clichés, publiée en France dès 1958, a bouleversé l’histoire de la photographie documentaire.

R.F. - The Americans
Frank s’écarte délibérément de l’esthétique conventionnelle qui domine alors la photographie : cadrages obliques, contrastes rugueux, flous assumés, comme si la spontanéité comptait plus que la perfection formelle. Cette approche directe, presque instinctive, fera école et inspirera toute une génération de photographes, notamment ceux de la street photography et du documentaire social.
"Of all the photographs in The Americans, I think there were only two or three photographs where I did talk to the person, but most of the time I was completely silent, walking through the landscape, through the city, and photographing and turning away. Well, that is my temperament, to be silent, just looking on..." 
Par la force de son regard, Robert Frank a montré que la photographie pouvait être à la fois un carnet de voyage, un témoignage critique et une confession intime.
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dimanche 17 novembre 2019

Mike Worrall - Pink shirt
Le vide-grenier du dimanche. Deux oeuvres du peintre anglais Mike Worrall (b.1942). Né à Matlock dans le Derbyshire, il a étudié à la Sheffield School of Art avant de s’installer en Australie à la fin des années 1970.
Le surréalisme, dans ses principes comme dans ses œuvres, ne m'a jamais beaucoup séduit... 
Mais si l'approche de Worrall a pu être qualifiée de
« surréaliste », il s’agit d’un surréalisme singulier, plus narratif que théorique, qui évoque parfois De Chirico ou Magritte, tout en restant profondément personnel.

M.W. - Killer blonde (2017)
Mais malgré ça...., de nombreux tableaux de Mike Worrall - la plupart à vrai dire - me laissent indifférent. 
Pas ces deux là. J'aime leur composition, et j'aime les histoires qu'ils me permettent de me raconter. Un homme élégant sur un monocycle - accessoire de cirque - dans une rue lugubre ; et une blonde fatale, dans une ville qui semble à l'abandon (mais le bar est bondé)... Est-elle descendue de cette splendide Hudson Hornet qui s'éloigne en laissant derrière elle un chat écrasé ?

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samedi 16 novembre 2019

John Schlesinger - Macadam cowboy (1969)
Une image et des mots. Jon Voight et Dustin Hoffman dans Macadam Cowboy (1969) de John Schlesinger.
J'ai pensé pour accompagner cette capture d'écran à ce poème de George-Emmanuel Clancier pour Guillevic.

"Alors vieux camarade,
Le vent du nord rigolait dur dans la forêt,
Les saisons somnolaient dans la grange
Où parfois le chien hiver aboyait.
Nous respirions sans toi le passé qui mijote
Autour des lits campagnards et de la table.
L'air, le pain de l'amitié on croirait les partager
Avec ce soupir du noroît et le quignon mâchonné devant le poêle.
C'est comme si le vif de nos jours
Bien calés au creux, au chaud du temps,
Demeurait là, plus fort que toi,
Vieux camarade, plus fort que nous."
RH4
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dimanche 10 novembre 2019

G. Dou - Femme au clavicorde (c.1665)
Le vide-grenier du dimanche. Deux oeuvres du néerlandais Gerrit Dou (1613-1675), peintre de Leyde, fils et élève d'un graveur sur verre. En 1628, à l'âge de 15 ans il devient l'élève de Rembrandt qui lui-même n'en a que 22. Mais là où son maître Rembrandt cherchait la profondeur psychologique et les grands effets de lumière, Dou préfère les atmosphères feutrées, les gestes quotidiens, les figures absorbées dans leurs tâches : ménagères, artisans, musiciens. Ses compositions, souvent cadrées par une fenêtre ou une arcade, ont quelque chose d’intime et de théâtral à la fois.

G.D. - Chien assoupi (1650)
Après le départ en 1631 de Rembrandt pour Amsterdam, Gerrit Dou reste dans sa ville natale de Leyde, déclinant même l'invitation que lui fait Charles II de s'installer en Angleterre.
Il y développe son propre style, fidèle à la technique minutieuse apprise de son maître, et se consacre à la réalisation d'oeuvres de petit format dont il perfectionne les détails à la loupe ; son chien assoupi, par exemple, ne mesure que 16,3 cm sur 21,6 cm, ce qui rend les détails encore plus remarquables.
Il va y fonder en 1648 l'école de Leyde, celle des fijnschilders (les "peintres fins") évoqués en octobre dernier avec Willem van Mieris et qui a prospéré jusqu'au XIXème siècle. Gerrit Dou a eu une influence considérable sur la peinture néerlandaise du siècle d'or, et il a formé plusieurs peintres de premier plan, dont Frans van Mieris l'Ancien et Gabriel Metsu.
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dimanche 3 novembre 2019

Y. Karsh - Winston Churchill (1941)
Le vide-grenier du dimanche. Deux clichés du photographe portraitiste canadien Yousuf Karsh (1908-2002), né en Arménie ottomane et réfugié au Canada à l’adolescence, où il deviendra l’un des portraitistes les plus célèbres du XXᵉ siècle.
Installé à Ottawa, il ouvre très tôt son studio et se forge une réputation qui va rapidement dépasser les frontières.
Y.K. - Martin Luther King
(1962)

Deux portraits, donc. D'abord celui de Winston Churchill, non seulement parce que c'est celui qui en 1941 a fait sa renommée, mais aussi parce que dans les plus de dix mille portraits qu'a réalisés Karsh, autant privilégier ceux de personnalités que j'admire.
Martin Luther King en fait lui aussi évidemment partie. Mais comment peut-on admirer à la fois un guerrier et un pacifiste ? Serait-ce que mon panthéon est décousu ? The answer, my friend, is blowing in the wind....

samedi 2 novembre 2019

Frederic Edwyn Church - River of light (1877)
Une image et des mots. L'américain Frederic Edwin Church (1826-1900) était une figure majeure de l'École de peintres paysagistes de l'Hudson River School, déjà évoquée ici avec Bierstadt en juillet 2008.
À deux reprises, celui qui fut surnommé le Michel-Ange du paysage part en Amérique du sud, inspiré par les récits d'Alexandre de Humboldt, auteur du Voyage en Amérique équinoxiale et à qui l'on doit notamment l'exploration du Brazo Casiquiare, ce cours d'eau qui relie les bassins hydrographiques de l'Orénoque et de l'Amazone.

Ce tableau, River of light (1877), fruit de ces voyages, est conservé à la National Gallery of Art de Washington qui présente ainsi le peintre :
"Comme son maître Thomas Cole, Church exprime en célébrant dans ses paysages les merveilles apparemment infinies de la nature un sens stupéfiant du sublime. L'artiste consacrait énormément de temps à l'étude scientifique, convaincu que la connaissance de l'optique, de la météorologie, de la botanique et de l'écologie apporterait beaucoup à son travail."

Pour aller avec, j'ai choisi les mots de Roberto Juarroz, extraits de sa Dixième poésie verticale.

Eras el portador de la aventura
el huéped de lo insólito,
Titular de los trajines del milagro,
depositario de las rúbricas del viento,
capitán del azul inesperado,
reinventor general de lo existente.

No importa que las costras de la vida
sometieran tu heráldico penacho.
No importa que tu enorme expectativa
se hundiera en los sarcófagos bruñidos.
No importa que tus manos siempre abiertas
te las hayan cerrado con usuras.
No importa que tus sueños para todos
se volvieran un sueño para nadie.

Basta sencillamente que hayas sido
lo que alguna vez fuiste :
un hueco de tos joven
en la cueva envejica del mundo.

***

Tu étais le porteur de l’aventure,
l’hôte de l’insolite,
maître des allées et venues du miracle,
dépositaire des rubriques du vent,
capitaine du bleu inespéré,
réinventeur général de l’existant.

Peu importe que les croûtes de la vie
aient soumis ton panache héraldique.
Peu importe que ton énorme attente
se soit enfouie dans les sarcophages polis.
Peu importe que tes mains toujours ouvertes
aient été fermées par l’usure.
Peu importe que tes rêves pour tous
ne soient devenus un rêve pour personne.

Il suffit simplement que tu aies été
ce qu’un jour tu fus :
une caverne de jeune toux
dans la grotte vieillie du monde.

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dimanche 27 octobre 2019

J. Ahn - Untitled

Le vide-grenier du dimanche. Deux oeuvres du peintre américain d'origine coréenne Jonathan Jungsuk Ahn (b.1977). Formé dès l’enfance à Boston par Nancy Angell-Rickenbacker – ancienne élève de Picasso et de Kokoschka, qui restera son mentor pendant dix ans –, il reçoit un enseignement exigeant : « Elle me donnait beaucoup de devoirs, par exemple en me confiant un livre de dessins de Michel-Ange et en me faisant les copier tous. Elle m’a aussi initié à une grande part de l’histoire de l’art, par les livres et en m’emmenant au Museum of Fine Arts de Boston pour me montrer des œuvres du grand portraitiste américain John Singer Sargent ou du maître français de l’académisme du XIXᵉ siècle, Jean-Léon Gérôme. »
J.A. - Seoul

Après le lycée, Ahn part à Paris pour étudier l’histoire de l’art à l’American University. La mort soudaine d’Angell-Rickenbacker en 1996 le détourne un temps de la peinture, mais il retrouve le goût de travailler au contact direct des chefs-d’œuvre, en copiant notamment Géricault et Monet dans les musées parisiens.
Installé à San Francisco en 2005, il poursuit sa formation à l’Academy of Art University auprès de Craig Nelson, Warren Chang, Baoping Chen, Zhaoming Wu et Tomutsu Takishima. Son œuvre explore principalement deux thèmes : des portraits – très souvent féminins – et des paysages urbains baignés de pluie, où l’asphalte luisant et les reflets lumineux deviennent la matière même du tableau. « Je veux que ça reste viscéral, capter l’atmosphère sans trop en dire. Traduire des émotions simples – anxiété, tristesse, attente – sans être trop explicite. »

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samedi 26 octobre 2019

Une image et des mots. Une photo anonyme pêchée sur le net, un néon grillé, quelques mots de Jacques Maritain à Joan Estelric..

"Une fois déchaîné le désastre, seulement demeurent des questions individuelles, qui dépendent de la position morale et de la perspective propre de chacun. et auxquelles il serait injuste de vouloir donner une réponse universelle.
En de tels moments, chacun va, dans la nuit, là où sa conscience le porte."
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dimanche 20 octobre 2019

Willem van Mieris - De rarekiek (1718)
Le vide-grenier du dimanche. Deux oeuvres du peintre néerlandais de l'âge d'or tardif Willem van Mieris (1662-1747), fils de Frans van Mieris l’Ancien et l'un des grands représentants des fijnschilders de Leyde. Il hérite du style minutieux et raffiné de son père, qu’il perpétue tout au long de sa carrière, tout en y ajoutant une touche plus théâtrale et décorative, typique de la fin du XVIIe siècle. Ses tableaux, souvent de petit format, montrent des intérieurs bourgeois, des figures élégamment vêtues, des scènes galantes ou mythologiques, le tout traité avec une finesse extrême dans le rendu des matières et des textures : soies, velours, métaux, porcelaines…

W.v.M. - Village avec des chevaux




C'est caractéristique du travail des fijnschilders de Leyde, ces peintres de l'âge d'or hollandais qui s'attachaient à reproduire la réalité avec une extrême minutie sur des supports de petit format. Gerrit Dou, maître du père de Willem et lui-même élève de Rembrandt, et Quiringh van Brekelenkam, deux autres figures majeures parmi ceux que l'on a appelé les peintres précieux de Leyde, feront probablement eux aussi l'objet d'une publication.
Membre influent de la guilde de Saint-Luc de Leyde, qu’il dirigera à plusieurs reprises, van Mieris jouit d’un certain prestige de son vivant, mais son style, parfois jugé trop ornemental ou maniériste, tombera peu à peu en désuétude face aux courants plus naturalistes du XVIIIe siècle. Aujourd’hui, on redécouvre son œuvre pour sa virtuosité technique et son témoignage précieux d’une société raffinée, à la veille de profonds bouleversements culturels.

dimanche 13 octobre 2019

Jack Delano - Utuado children (1942)
Le vide-grenier du dimanche. Deux clichés du photographe - et compositeur - américain d'origine russe Jack Delano (1914-1997), déjà présenté en mai 2012.
Formé comme illustrateur à la Pennsylvania Academy of Fine Arts et comme musicien à la Settlement Music School (toujours en Pennsylvanie), il est -  outre son travail au sein de la FSA -, célèbre pour avoir documenté l'activité ferroviaire aux États-Unis.
Il s'est installé définitivement à Puerto Rico à partir de 1946 et s'est attaché dans son travail de musicien à incorporer des éléments du folklore et de la poésie de son nouveau pays d'adoption.
J.D. - Pittsburgh, Pennsylvania (1940)





Il pensait, disait-il, pouvoir faire des portraits de travailleurs et de gens ordinaires avec la même compassion et le même souci de comprendre que ceux qu'avait témoignés Van Gogh à l'égard des paysans avec ses pinceaux et ses brosses.
"So far as I'm concerned the kind of photography I do is based on passionate concern for the the human condition. That is the basis of all the work that I do."
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dimanche 6 octobre 2019

Alessandro Tofanelli - The swamp house (2018)
Le vide-grenier du dimanche. Deux oeuvres de l'italien Alessandro Tofanelli (b.1959). Il a étudié à la Brera Art Academy, à Milan, où il a ensuite travaillé comme illustrateur pour plusieurs magazines et revues.
De ses paysages silencieux et intemporels, souvent baignés d'une lumière douce et irréelle et où la figure humaine est absente, se dégage un profond sentiment de tranquillité.

A.T. - Quel che sembra (2018)
Il est difficile d'imaginer, derrière la fenêtre éclairée de cette maison dans les marais, d'autre occupation que paisible.
Loin d’une simple transcription du réel, ses œuvres évoquent une certaine mélancolie, un dialogue entre la nature et la mémoire ; ce que peint Alessandro Tofanelli ce sont des lieux d'où s'observe le passage du temps, et où l'on se souvient de ce et de ceux que l'on veut ne pas oublier.
Parallèlement à la peinture, Tofanelli s’illustre dans la photographie et le cinéma, toujours avec cette même recherche d’équilibre entre réalité et contemplation. On retrouve dans ses films documentaires le même regard sensible sur le monde et les transformations du paysage : son deuxième long métrage, "Le secret des arbres", qu'il a terminé en 2012, a été récompensé du prix Monicelli de Viareggio Europacinema.
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samedi 5 octobre 2019

Bec Hudson - Still life
Une image et des mots. L'image, c'est une belle nature morte par la photographe australienne Bec Hudson.
Les mots sont extraits d'un petit livre aussi inclassable qu'attachant, recueil de recettes mais pas seulement, de la femme de lettres américaine M.F.K. Fisher (1908-1992), publié en 1941 : Biographie sentimentale de l'huître.

« Cicéron mangeait des huîtres pour nourrir son éloquence, et les anciens usaient de ce mollusque avec un esprit plein de sang-froid qui combinait de façon étonnante gastronomie et hygiène pure.
Bien avant le XVe siècle de notre ère, les hommes consommaient des huîtres et d’autres créatures marines pour stimuler leur intellect. Il faut savoir cependant, qu’après 1461, le roi Louis XI rendit obligatoire, en tous cas pour le groupe de grands hommes qu’il avait réuni autour de sa personne au cours de son règne fabuleux, l’ingestion quotidienne d’une quantité prescrite de cette commode source de phosphore.
Les professeurs – ainsi raisonnait le roi Louis – devaient être le plus intelligents possible, puisqu’ils le représentaient, lui, « le roi terrible » ; il veillait donc à n’être point déçu par eux. Une fois l’an, bon gré mal gré, ils se voyaient servir sur ordre du roi un dîner au cours duquel ils étaient tenus de manger des huîtres, et d’en manger en quantité prodigieuse. Cela pour les rendre infiniment brillants et, une fois ce résultat obtenu, pour qu’ils le restassent !
».

dimanche 29 septembre 2019

J. Constable - Wivenhoe Park, Essex (1816)

Le vide-grenier du dimanche. Deux autres toiles de John Constable (1776-1837), peintre des nuages, après celles du mois d'octobre 2013.
The landscape painter, disait Constable, must walk in the fields with a humble mind. No arrogant man was ever permitted to see Nature in all her beauty.

J. C. - The gleaners (1824)
J'aime beaucoup le premier tableau, conservé à la National Gallery de Washington, même si la taille des cygnes (ou celle des vaches, en tous cas des uns par rapport aux autres) m'a toujours laissé un peu perplexe. 
Il donne à voir le parc Wivenhoe, situé sur la Colne à Colchester, une jolie ville du comté de l'Essex qui soit dit en passant fut la première capitale romaine de la Britannia
Le second me plaît aussi beaucoup, bien sûr, et même peut-être davantage ; je pense toujours en le voyant au beau documentaire d'Agnès Varda, Les glaneurs et la glaneuse. Ce tableau est visible à la Tate de Londres.

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