In girum imus nocte et consumimur igni

In girum imus nocte et consumimur igni
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dimanche 31 décembre 2017

G. Wåhlstrand - Langedrag (2004)
Le vide-grenier du dimanche. Deux oeuvres, des encres sur papier, de la suédoise Gunnel Wåhlstrand (b.1974), formée au Royal University College of Fine Arts, à Stockholm, dont elle sort diplômée en 2003.
Son travail touche à la mémoire, à l'identité...  Il est profondément ancré dans sa propre histoire personnelle. Son père s'est suicidé lorsqu'elle n'avait qu'un an, et elle n'a grandi qu'avec une boîte de photographies de sa part. Ces images sont devenues le point de départ de sa pratique artistique : elle les agrandit, les examine minutieusement et les réinterprète à travers sa technique du lavis, pour créer des portraits intimes et des paysages atmosphériques.

G. W. - New Year's day (2005)
"My work is about finding who we are and where we come from, and how we relate to the world around us.
I'm interested in the relationship between humans and nature, and how we interact with the natural world.
I'm also interested in the relationship between memory and space, and how the places we've been to and how the things we've experienced shape who we are."
Chacune des oeuvres de Gunnel Wåhlstrand, lente à naître et irréversible dans son exécution, invite le spectateur à une plongée intime dans la mémoire.

dimanche 24 décembre 2017

E. Jolin - Ryddarholmskyrkan (1931)
Le vide-grenier du dimanche. peintre singulier à la croisée de la modernité et d’un certain raffinement décoratif. D'abord formé à Stockholm à l'École d'Art Konstfack puis à celle de l'Association d'artistes, il s'installe ensuite à Paris où il va résider de 1908 à 1914 pour y suivre l'enseignement de l'Académie Matisse. Il garde de cette expérience une palette claire et des compositions simplifiées, mais il s’écarte vite des avant-gardes pour développer un style très personnel : lignes précises, couleurs lumineuses, atmosphères calmes et presque naïves.
Marqué par sa découverte de l’art oriental au musée Guimet, il associe délicatesse décorative et fraîcheur des couleurs dans des portraits élégants et de nombreuses vues de Stockholm.

EJ - Stockholm des hauteurs de Söder
  
(1938)
Extrêmement prolifique, Jolin a réalisé plus de mille œuvres ; son univers fascinant, empli de poésie et duquel émane le sentiment que le monde visible n’est qu’une partie d’une plus vaste réalité cachée, a gagné nombre de musées majeurs et de collections privées à travers le monde. Aujourd’hui encore, Einar Jolin est considéré comme l’un des peintres les plus emblématiques de la modernité suédoise du XXe siècle.

samedi 23 décembre 2017

Anonyme - Los Angeles (2016)

Une image et des mots. Un cliché anonyme pris à Los Angeles en 2016. Et pour aller avec, quelques vers d'Alfred de Vigny extraits des Destinées.

"Ne sens-tu pas le monde et tout le genre humain
Qui souffre avec ma chair et frémit dans ta main ?"
[.....]
S'il est vrai qu'au jardin sacré des Écritures,
Le Fils de l'homme ait dit ce qu'on voit rapporté ;
Muet, aveugle et sourd aux cris des créatures,
Si le Ciel nous laissa comme un monde avorté,
Le juste opposera le dédain à l'absence,
Et ne répondra plus que par un froid silence
Au silence éternel de la Divinité.

dimanche 17 décembre 2017

Mark Power - Cracovie (2006)
Le vide-grenier du dimanche. Deux clichés du photographe britannique Mark Power (b.1959), membre de l’agence Magnum.
À la frontière du documentaire et de l’interprétation artistique, Power s’attache à révéler la poésie cachée des espaces ordinaires, en particulier dans les zones en mutation sociale ou urbaine.
Son projet "26 Different Endings", publié dans un livre remarqué, explorait par exemple les périphéries de Londres..
M.P. - Cracovie (2009)

Les clichés présentés aujourd’hui appartiennent à The Sound of Two Songs, série réalisée en Pologne à partir de 2004, année de l’entrée du pays dans l’Union européenne. Commande de Magnum confiée à dix de ses photographes pour couvrir les dix nouveaux États membres, ce travail s’est prolongé jusqu’en 2010.« En tant que travail subjectif, disait Power, il ne s’agit pas d’un compte-rendu factuel de la Pologne contemporaine… mais je crois que cette série deviendra, avec le temps, un document important sur cette période fascinante de l’histoire de ce pays. » 
Aujourd’hui professeur à l’Université de Brighton, Mark Power est reconnu comme l’une des figures majeures de la photographie contemporaine britannique.

dimanche 10 décembre 2017

R. Casas - Portrait de femme

Le vide-grenier du dimanche. Deux oeuvres du peintre et affichiste Ramón Casas I Carbó (1866-1932), acteur majeur avec Santiago Rusiñol du modernisme catalan, ce courant de l'Art Nouveau soutenu par une bourgeoisie catalane cultivée soucieuse d'exprimer son identité, sa richesse et sa distinction. Issu d'une famille fortunée de Barcelone, il quitte l'école à l'âge de onze ans pour se former auprès du portraitiste Joan Vicenç à l'École de la Llotja. Très tôt, il publie déjà des dessins dans la revue L’Avenç qu’il contribue à fonder en 1881.

R.C. - La paresse (1898)
L’année suivante, il rejoint Paris pour étudier à l’académie de Carolus-Duran puis chez Henri Gervex, tout en exposant déjà à la Sala Parés de Barcelone. Rapidement admis à la Société des artistes français, il partage alors son temps entre Paris, Madrid et Barcelone, peignant aussi bien des portraits intimes que de vastes scènes de foule. Sa santé fragile le ramène quelques temps en Catalogne, où il se rapproche de Rusiñol avec qui il collabore étroitement.
De retour à Montmartre en 1890, au Moulin de la Galette, il fréquente Miquel Utrillo et d’autres artistes catalans, tout en développant un style à mi-chemin entre l’académisme et l’impressionnisme, qui deviendra bientôt sa signature moderniste. Exposé à Berlin, Madrid ou Chicago, il acquiert une notoriété européenne. En 1897, il finance avec Rusiñol, Utrillo et Pere Romeu le célèbre cabaret Els Quatre Gats, lieu de rencontre incontournable de l’avant-garde barcelonaise où Picasso exposera pour la première fois. Reconnu comme peintre de la haute société, Casas fut aussi un pionnier du graphisme moderniste : ses affiches et illustrations pour Codorníu ou Anís del Mono comptent parmi les images les plus iconiques du modernisme catalan. Son œuvre, entre élégance mondaine et modernité audacieuse, incarne l’esprit d’une époque où Barcelone cherchait à se hisser au rang des grandes capitales culturelles européennes.

MF1
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dimanche 3 décembre 2017

K.T. - Parc Maruyama, Kyoto
(1936)
Le vide-grenier du dimanche. Deux oeuvres du peintre japonais Koitsu Tsuchiya (1870-1949), représentant de l'école Shin-hanga.
Né dans une famille d’agriculteurs, il entre à quinze ans en apprentissage chez un graveur travaillant pour Kobayashi Kiyochika, maître de l'Ukiyo-e, , dont il sera l’élève près de vingt ans.

K.T. - Parc Hibiya, Tokyo (1933)
Après des débuts consacrés à des thèmes militaires - la première guerre sino-japonaise -, son œuvre s’oriente vers une vision plus personnelle : paysages et temples inspirés des racines traditionnelles de la culture japonaise. Reflets de lune, scintillement de la neige, lueurs de lampes ou brumes matinales confèrent à ses estampes une atmosphère à la fois réaliste et poétique. Aux côtés de Kawase Hasui (voir août 2012 et avril 2017), il est aujourd’hui reconnu comme l’un des grands maîtres de la “nouvelle gravure”.

samedi 2 décembre 2017

A. Star Reese - Jamaica & Zoe (2007)
Une image et des mots. Une photo tirée de The Urban Cave, une série documentaire entreprise en 2007 par la photographe américaine Andrea Star Reese, sur qui je reviendrai.

Pour accompagner ce cliché, quelques lignes de Julien Gracq, extraites de Liberté grande, publié chez Corti en 1946.
" ... c'est quand elle descend dans mes rêves par les cheminées calmes de décembre, s'assied près de mon lit et prend timidement ma main entre ses petits doigts pour le difficile passage à travers les paysages solennels de la nuit, et ses yeux transparents à toutes les comètes ouverts au-dessus de mes yeux jusqu'au matin."

dimanche 26 novembre 2017

Gustave Courbet - Mer calme (1869)
Le vide-grenier du dimanche. Deux oeuvres du peintre Gustave Courbet (1819-1877), chef de file du réalisme, qu'il a érigé en manifeste contre les valeurs d'une bourgeoisie et d'une aristocratie coupées du peuple. Né à Ornans dans une famille aisée, il rejette vite l’académisme pour peindre la vie ordinaire - paysans, ouvriers, paysages de Franche-Comté - avec une franchise radicale qui scandalise une époque où les Beaux-Arts privilégient les sujets historiques et mythologiques.

G.C. - La plage, coucher de soleil
(1867)
Autodidacte, indocile et attaché à son terroir, il il traite l’humble quotidien avec la même ampleur que les sujets d’histoire.
Avec Un enterrement à Ornans (1850), vaste fresque provinciale traitée à l’échelle d’un tableau d’histoire, Courbet affirme sa volonté de donner aux « humbles » la même dignité picturale que celle des rois et des héros. Sa provocation culmine avec L’Origine du monde (1866), œuvre longtemps cachée mais devenue emblématique de sa quête de vérité sans fard. Politiquement engagé, acteur de la Commune de Paris en 1871, il est emprisonné, accablé de dettes et s’exile en Suisse, où il peint jusqu’à sa mort en 1877. « Je n’ai jamais appartenu à aucune école, à aucune église, à aucune institution, à aucune académie, surtout à aucun régime, si ce n'est le régime de la liberté », écrivait-il. En refusant d’embellir ses sujets, Courbet a redéfini la mission de l’art et ouvert la voie à l’impressionnisme et au symbolisme.

dimanche 19 novembre 2017

J.M..- J. Hendrix & B. Jones backstage, Monterey Festival
(1967)
Le vide grenier du dimanche. 
À l'occasion de la parution aux États-Unis d'un ouvrage qui lui est consacré, et dont la couverture, magnifiquement sobre, arbore le beau symbole crée par Gerald Holtom, voici deux clichés de l'américain Jim Marshall (1936-2010), témoin privilégié de l'âge d'or du rock

J.M. - Peace (2017)
Autodidacte, il commence à photographier dès son adolescence à San Francisco et s’impose rapidement comme l’un des plus grands portraitistes de la scène musicale des années 1960 et 1970 ; le photographe du dernier concert des Beatles à Candlestick Park, de la guitare en feu de Hendrix, du doigt d'honneur de Johnny Cash à la prison de San Quentin, et celui du mythique - et malheureusement éphémère - San Francisco de Haight-Ashbury...

J.M. - Dylan Newport (1963)
Avec celui qu'a pris Lynn Goldsmith devant une vitrine de New York, ce portrait de Dylan où on le voit seul, presque de dos, dans les coulisses du festival folk de Newport, fait partie de mes préférés.                                                                                          How the fuck should I know (what I've captured) ? I was there.
I took some photographs.This is them. I don't know what it means. When I'm photographing people, I don't like to give any direction. There are no hair people fussing around, no make-up artists.
I react to my subject in their environment, and, if it's going well, I get so immersed in it that I become one with the camera.
Véritable chroniqueur visuel des révolutions culturelles et musicales américaines, Jim Marshall reste aujourd’hui une référence incontournable de la photographie documentaire et du photojournalisme musical.
JH1

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samedi 18 novembre 2017

Michal Lukasiewicz

Une image et des mots. L'image est un tableau de l'artiste polonais Michal Lukasiewicz (b.1974).
Les mots pour aller avec sont extraits du petit livre que vient de publier chez POL l'auteur et traducteur Frédéric Boyer : Là où le coeur attend (2017)

Je n'attendais plus rien. Ni rêve ni conquête.
[.....] Nous attendons trop sans savoir que nous sommes attendus nous-mêmes dans l'existence à ce point sombre d'où quelque chose peut commencer. J'ai retraduit mon malheur en traduisant les textes de Job, de saint Paul ou de Shakespeare. Et je commençais à croire qu'il n'y a d'espérance qu'à ce point-là d'essoufflement. J'ai interrogé la dérision du désespoir et l'indignité de notre monde contemporain qui voudrait exclure l'espérance de notre coeur et de nos communautés.
[.....] Ce que nous nommons désespoir n'est peut-être que cette impuissance à recevoir et à vivre la fragilité du monde, cette incapacité à imaginer la seule chose possible : un recommencement.

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dimanche 12 novembre 2017

E.G. - Edith, Danville, Virginia (1963)

Le vide-grenier du dimanche. Deux clichés du photographe américain Emmet Gowin (b.1941), élève de 1965 à 1967 d'Harry Callahan dont il fait sien le credo : la photographie est une prière.

E.G. - Edith, Chincoteague Island
(1966)
Natif de Danville, en Virginie, et formé à l’université de Richmond puis à Rhode Island School of Design, Gowin s'est d'abord fait remarquer par ses photographies intimistes de son environnement et de sa famille, en particulier de ses enfants et de sa femme Edith, dont voici deux beaux portraits.
"Je dois vous dire... Il y a des choses dans votre vie que vous serez seul à voir, des histoires que vous serez seul à entendre. Si vous ne les racontez pas ou ne les écrivez pas, si vous ne les photographiez pas, ces choses ne seront pas vues, ces choses ne seront pas entendues." Pour Gowin, le quotidien devient un terrain d’exploration poétique et spirituelle, et ce sont ces images domestiques, à la fois tendres et étranges, qui l’ont imposé comme une figure majeure de la photographie américaine contemporaine. À partir des années 1980, il élargit son champ en se consacrant au paysage et à l’environnement. Ses vues aériennes de carrières, de mines, de sites nucléaires ou de zones marquées par l’empreinte humaine interrogent la fragilité du monde naturel et la responsabilité écologique. Une œuvre cohérente, en somme : de la famille au paysage, un double regard sur ce qui nous relie au monde.

dimanche 5 novembre 2017

R. Rubin - Oliviers par la fenêtre
Le vide-grenier du dimanche. Deux oeuvres du peintre  Reuven Rubin (1893-1974), personnalité de premier plan de la peinture israélienne moderne. Né à Galați, en Roumanie, dans une famille juive hassidique, il rejoint en 1912 la Palestine ottomane, dans le sillage de la première aliyah (1881-1903), vaste mouvement d’immigration juive venu de Russie et de Roumanie. Installé à Jérusalem, il entre à l’école d’art Bezalel, mais déçu par son académisme, il la quitte rapidement pour poursuivre sa formation à l’École des Beaux-Arts de Paris. La guerre le ramène un temps en Roumanie, puis, en 1921, il gagne les États-Unis où Alfred Stieglitz (voir 6/11/2011) organise sa première exposition.

R.R. - Paysage de Galilée (1928)
Sa peinture, lumineuse et poétique, mêle influences européennes – postimpressionnisme, primitivisme de Rousseau – et inspiration locale. Paysages de Galilée baignés de clarté, portraits d’ouvriers, de musiciens ou de figures bibliques, scènes de villages arabes ou juifs : Rubin cherche à exprimer la diversité humaine et spirituelle de la terre d’Israël avec un regard d’innocence presque archaïque.
Par son style à la fois moderne et naïf, dominé par la lumière méditerranéenne, il contribue à fonder en Palestine le nouveau style Eretz Yisraël.
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samedi 4 novembre 2017

Tom Bob
Une image et des mots. Une oeuvre du street-artist américain Tom Bob, que j'ai récemment découvert et dont je ne sais pas encore grand chose mais dont on peut voir davantage ICI.
Depuis quelques mois, les passants découvrent dans les rues de New York ses détournements pleins d'humour et de poésie des matériels urbains les plus triviaux - bouches d'égout, compteurs électriques, tuyaux en tous genres.
De quelle nature est cette poésie ? Est-elle une transfiguration de la réalité pour en révéler la magnificence, telle que la traquait Francis Ponge dans Le parti pris des choses ?
Non sans doute, puisque le poète s'en tenait à la dire telle qu'elle est, quand le travail de Tom Bob est plutôt une mise à distance de cette réalité derrière des artifices qui en dissimulent la laideur. Mais peu importe... Les lignes qui suivent sont du poète et elles parlent des montres "dont le principe est fait de roues qui tournent à des très inégales vitesses, quoiqu'elles soient agies par un unique moteur."

dimanche 29 octobre 2017

Wols - Portrait de Nina Engel (1932)
Le vide-grenier du dimanche. Un beau portrait, et une aquarelle et encre de Chine : deux oeuvres de l'artiste allemand multi-facettes Wols, pseudonyme d'Alfred Otto Wolfgang Schulze (1913-1951). 
Exilé à Paris dans les années 1930 pour fuir le nazisme, il y rencontre Fernand Léger, Calder, Giacometti, et la nébuleuse surréaliste. Il commence par pratiquer la photographie, où son goût pour le détail, le fragment et les jeux de texture lui donne déjà une voix singulière. Interné dans plusieurs camps durant la guerre, il survit dans des conditions précaires et se tourne alors vers la peinture et l’aquarelle.
Wols - L'inaccessible rocher (1940)

Son œuvre picturale, faite de signes nerveux, de matières organiques et d’écritures indéchiffrables, l’impose après 1945 comme l’une des figures fondatrices de l’art informel.
Jean-Paul Sartre voit en lui l’exemple d’une peinture de l’immédiateté, sans projet ni transcendance, juste une pure émanation de l’instant. Brève mais décisive, l’œuvre de Wols oscille entre chaos et poésie, désespoir existentiel et liberté de geste, et influencera durablement l’abstraction européenne d’après-guerre. "L'image, disait-il, peut avoir une relation avec la nature comme une fugue de Bach avec le Christ. Alors ce n'est pas une imitation, mais une création analogue."
Sa vie chaotique, marquée par l’errance et l’alcool, s’achève prématurément en 1951, après l’ingestion d’une viande avariée. Pour en savoir plus, c'est ICI.
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dimanche 22 octobre 2017

Lee Acaster - Breakthrough (2015)
Le vide-grenier du dimanche. Deux clichés de l’anglais Lee Acaster (b.1972), photographe amateur passionné - selon ses propres mots - par le paysage.
Je l’ai découvert avec une photographie de nuit de Londres, en noir et blanc : au centre, la silhouette du Tower Bridge sur le ruban argenté de la Tamise ; assez pour me donner envie d’en voir davantage. J’ai pourtant hésité avant d’en parler ici. La photographie « artistique » n’occupe qu’une place très modeste dans ce blog, consacré surtout à la photo documentaire, à la photographie de rue - en dehors bien sûr de la peinture. J’admire volontiers les très beaux portraits ou les paysages spectaculaires qui abondent dans les grands magazines de voyage ou de géographie : c’est splendide, mais il me manque quelque chose. Je suis souvent émerveillé, mais rarement touché… Ou peut-être si, mais d’une autre manière.
L.A. - Tempest (2015)

Dans les images de Lee Acaster, il me semble trouver autre chose..., au-delà du simple pittoresque. C’est bien sûr une impression subjective - il ne peut pas en être autrement - mais c’est ce sentiment qui a dicté mon choix de le présenter aujourd’hui. Entre réalisme et lyrisme, son regard introduit comme une gravité discrète, quelque chose de plus intérieur qui extrait ses paysages du seul registre décoratif.
In photography terms, I think I often see the landscape with a slightly darker view than some… I'm naturally drawn to those elements that have a sense of disquiet and tension about them, and often make them the subject of my images.
« Chaque paysage est un état d’âme », écrivait Amiel dans son Journal, édité tardivement en 1994.
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samedi 21 octobre 2017

   
Patricia Piccinini - The young family (2003)
 Une image et des mots. Pour les grecs anciens la Chimère est un animal fabuleux mi-chèvre mi-lion et dont la queue est un serpent. Sur l'ordre de Iobatès, de qui elle ravageait le royaume, elle sera mise à mort par Bellérophon chevauchant Pégase.

Par antonomase, elle désigne aujourd'hui un embryon hybride issu de souches animales et humaines, et fruit des recherches menées dans le monde médical dans le but de produire des organes propres à la transplantation. Des porcs ou des moutons pourront ainsi, par exemple, être porteurs de foies humains. Si nous n'en sommes pas encore aux créatures que rencontre le héros de HG Wells - Edward Pendrick - dans L'île du Docteur Moreau, ces travaux suscitent déjà de sérieuses inquiétudes au sein même de la communauté scientifique. Pourtant, les Instituts Nationaux de Santé nord-américains (NIH) ont décidé la levée des mesures prises en septembre 2015 qui visaient à interdire le financement de ces recherches par le gouvernement.
Bref..., après ces quelques digressions préliminaires que m'a d'abord inspirées cette image, voici les quelques lignes du mathématicien philosophe Gilles Châtelet, extraites de son pamphlet Vivre et penser comme des porcs (1999) auquel elle m'a fait penser.

L'heure allait bientôt sonner de remettre les pendules à l'heure! Il faudrait moins de trois ans pour dissiper le charme et assurer le triomphe des années 80, écoeurantes d'ennui, de cupidité et de bêtise, années des "révolutions conservatrices" néolibérales, années cyniques de Reagan ou de Thatcher... et de l'hypocrite trivialité de l'ère Mitterand, années de la contre-attaque planétaire des imbéciles ulcérés par l'arc-en-ciel de générosité et de liberté entrouvert pendant quinze ans. L'heure serait désormais celle de la Main invisible du marché, qui ne prend pas de gants pour affamer et broyer sans bruit, invincible parce que faisant pression partout et nulle part, mais qui pourtant, comme Dieu a besoin des hommes, avait besoin d'une voix. Elle était toute désignée.
La Contre-Réforme libérale, mercenaire zélé, allait offrir les services classiques de l'option réactionnaire, ceux d'une alchimie sociale capable de transformer en force politique ce qui finit toujours par exsuder des classes moyennes : crainte, envie et conformisme.

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dimanche 15 octobre 2017

D.G - Turquoise and velvet
(2017)
Le vide-grenier du dimanche. Deux oeuvres du peintre figuratif américain Daniel F. Gerhartz (b.1965), reconnu pour ses portraits et scènes intimistes, souvent baignés d’une lumière chaude et enveloppante. Natif de Kewaskum, dans le Wisconsin, formé à l’American Academy of Art de Chicago, il s’inscrit dans la tradition du réalisme romantique et du plein-air painting, tout en revendiquant l’héritage des grands maîtres du XIXᵉ siècle (Sargent, Sorolla, Zorn), mais aussi l'influence de nombreux impressionnistes américains et français.. Même si au bout du compte... soli Deo gloria ("à Dieu seul soit la gloire"), dit-il après JS Bach qui signait ainsi ses oeuvres....
D.G. - Clematis (2014)

My starting point when developing a painting is to consider the color harmony. [....] The success of my paintings hinges on the deliberate use of strong contrasts, a crucial factor that either elevates or diminishes the final outcome. I am deeply captivated by masterpieces examplifying this quality, such as those by renowned artists like Emile Friant from France.
Pour en savoir plus sur son travail et le connaître mieux, c'est ICI.
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dimanche 8 octobre 2017

S. Neshat - Women of Allah (1995)
Le vide-grenier du dimanche. Deux clichés de la photographe et vidéaste iranienne Shirin Neshat (b.1957), dont j'ai déjà présenté un cliché en juillet 2015.
Née en 1957 dans une famille aisée musulmane et partisane de la vision occidentaliste du Shah, elle a 22 ans lorsque éclate la révolution iranienne ; elle part alors en Californie où elle va étudier au Dominican College, puis à la University of California de Berkeley où elle obtient plusieurs diplômes dans des formations artistiques.
Shirin Neshat - Rapture (1999)

Elle part ensuite à New York pour y rejoindre une association, Storefront Art and Architecture, gérée par celui qui allait devenir son mari et au sein de laquelle elle va travailler pendant dix ans ; mais sa rencontre avec le milieu de l'art new yorkais est pour elle un échec.
Those ten years, I made practically no art, and the art I did make I was dissatisfied with and eventually destroyed.
En 1990, un an après la mort de Khomeiny, elle retourne dans son pays natal et éprouve un choc en découvrant le fossé qui sépare ce nouvel Iran de celui qu'elle a connu avant la révolution.
It was probably one of the most shocking experiences that I have ever had, confie-t-elle lors d'un entretien avec l'écrivaine et conservatrice d'art américaine Linda Weintraub. C'est de ce choc que va naître à partir de 1993 sa première oeuvre connue : Women of Allah.
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samedi 7 octobre 2017

Le papyrus de Rhind (British Museum)
Une image et des mots. La fragilité du papyrus fait qu'il reste peu de traces des connaissances mathématiques de la civilisation égyptienne, qui s'est étendue sur près de 4000 ans. C'est pour cette raison que le Papyrus de Rhind (1650 av. J.-C), du nom de l'avocat et égyptologue écossais Alexander Rhind qui l'acquit à Louxor en 1858, donne de précieuses indications sur l'étendue du savoir atteint par les Égyptiens en matière de calcul. Ce rouleau d'environ 6 mètres de long pour une largeur de 30 centimètres, écrit en hiératique, est conservé au British Museum. Désigné parfois sous le nom de Papyrus d'Ahmès, il contient 84 problèmes résolus d'arithmétique, d'algèbre, de géométrie et d'arpentage, et porte en exergue qu'il est "une étude approfondie de toutes les choses, un aperçu de tout ce qui existe, la connaissance de tous les secrets opaques". Pour en savoir plus, c'est ICI.
Et pour accompagner cette image, voici une fable proposée par Bertolt Brecht dans ses Histoires de Monsieur Keuner:

Trois jeunes gens arrivèrent chez un vieil arabe et lui dirent : "Notre père est mort. Il nous a laissé dix-sept chameaux et dans son testament a stipulé que l'aîné en recevrait la moitié, le cadet un tiers et le plus jeune un neuvième. À présent nous ne pouvons pas nous entendre sur le partage, à toi de prendre la décision!". L'Arabe réfléchit et dit: "À ce que je vois, pour pouvoir bien partager, il vous manque un chameau. Je n'ai moi-même qu'un seul et unique chameau, mais il est à votre disposition. Prenez-le et faites le partage, et ne me ramenez que ce qui restera".
Ils le remercièrent pour ce service d'ami, emmenèrent le chameau et partagèrent les dix-huit chameaux de sorte que l'aîné en reçut la moitié, ce qui fit neuf, le cadet un tiers, ce qui fit six, et le plus jeune un neuvième, ce qui fit deux. À leur étonnement, lorsqu'ils eurent mis de côté leurs chameaux il en restait un. Ils le ramenèrent, en renouvelant leurs remerciements, à leur vieil ami.
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dimanche 1 octobre 2017

Ralph Goings - Donuts (1995)

Le vide-grenier du dimanche. Deux oeuvres du peintre américain Ralph Goings (1928-2016), figure majeure de l'hyperréalisme - ou photoréalisme - américain. Son goût pour l’art naît pendant ses études secondaires, lorsqu’il découvre Rembrandt dans la bibliothèque municipale de Corning, la petite ville californienne où il grandit durant la Grande Dépression

R.G. - Lunch counter (1979)
Après son service militaire, il étudie au Hartnell College de Salinas, encouragé par l’aquarelliste Leon Kirkman Amyx, puis au California College of Arts & Crafts d’Oakland, aux côtés de Robert Bechtle, autre futur grand nom du photoréalisme.
Dans les années 1960, il fait un choix radical : tourner le dos à l’abstraction alors dominante. In 1963, I wanted to start painting again but I decided I wasn't going to do abstract pictures. It occured to me that I should go as far to the opposite as I could...
Le résultat..., une peinture froide, minutieuse, inspirée par la photographie et par les scènes les plus banales du quotidien américain : diners, camionnettes pick-up, fast-foods, intérieurs ordinaires baignés de lumière artificielle.
Proche de Richard Estes, Chuck Close ou Robert Bechtle, Ralph Goings participe dans les années 1970 à l’affirmation du photoréalisme, en marge des avant-gardes conceptuelles et minimalistes. Derrière la perfection glacée des surfaces, on peut lire une réflexion sur la standardisation de la vie moderne, mais aussi - peut-être - un hommage discret à la beauté prosaïque de l’Amérique ordinaire.

dimanche 24 septembre 2017

E.S. - Roof, Yorkshire (1959)

Le vide-grenier du dimanche. Deux clichés du photographe anglais Edwin Smith (1912-1971), architecte de formation, peintre à ses débuts, mais surtout l’un des grands photographes britanniques du XXᵉ siècle. Parfois surnommé « le dernier des romantiques », il a parcouru l’Angleterre (et au-delà) pour en fixer les paysages, les villages, les églises, les ateliers, les intérieurs modestes… Son œuvre, toute en noir et blanc, se situe à la croisée du documentaire et de la poésie.
E.S. - Clothes line, Glencaple, Scotland
(1954)

Rien de spectaculaire, pas de mise en scène : seulement un œil attentif aux lieux et aux gens.
Sa photographie n’était pas tant une recherche esthétique qu’un art de voir ; voir ce qui disparaît, ce qui reste, ce qui fait la texture d’un pays et la mémoire d’une époque. Photography is a way of telling what you feel about what you see, disait-il. It is about finding out what can happen in the frame. When you put four edges around some facts, you change those facts.
Cette phrase, qui lui est attribuée, dit bien sa compréhension de la nature transformatrice de la photographie : donner un cadre à une scène, c’est déjà redéfinir la perception qu’on en a, transformer de simples faits en une vision qui touche à l’artistique.

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dimanche 17 septembre 2017

R.P. Bonington - Sunset in the Pays de Caux (1828)
Le vide-grenier du dimanche. Deux oeuvres du peintre anglais Richard Parkes Bonington (1802-1828).
Formé aux Beaux-Arts de Paris, où il entre en 1820 dans l'atelier du peintre néoclassique Antoine-Jean Gros, Richard Parkes Bonington a eu une influence majeure sur toute une génération de peintres romantiques français en leur révélant la sensibilité propre à la peinture anglaise - celle de Constable, Lawrence ou Turner, un quart de siècle plus tôt.

R.P.B. - Near Rouen (1887)

Delacroix, qu'il rencontre à Paris en 1818 et qui deviendra son ami, lui rendait hommage en ces termes :  « Il n’a laissé qu’un nom, mais ce nom est entouré de tout ce qui peut séduire dans l’art. »
Richard Parkes Bonington n'avait que 26 ans lorsqu'il est mort en 1828, emporté par la tuberculose, et c'est cette année-là qu'il a peint ce magnifique Sunset in the Pays de Caux.
C'est un tableau que j'aime beaucoup ; pour les falaises baignées de lumière, pour les reflets dans les flaques, et dans le lointain les haveneaux sur les épaules des pêcheurs à pied...

M.T. - Sasha Pivovarova (2006) Le vide-grenier. Deux clichés de Michael Thompson (b.1966), photographe américain réputé pour son travai...