In girum imus nocte et consumimur igni

In girum imus nocte et consumimur igni
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dimanche 27 décembre 2009

A. Neuman - Train de nuit

Le vide-grenier du dimanche. Deux oeuvres du peintre polonais Abraham Neuman (1873-1942).
Natif de Sierpc, il part à l'âge de 19 ans, en 1892, étudier la peinture à Varsovie puis à l'académie des Beaux-Arts de Cracovie.
En 1903 il est à Paris, pour y suivre les cours de l'Académie Julian, et voyage également dans toute l'Europe, puis en Palestine qu'il fut le premier peintre Juif polonais, en 1904, à visiter.

A.N. - Village sous la neige
Membre de l'Union des Artistes Polonais et de l'Association des peintres Juifs de Cracovie, il était ami avec Leon Wyczólkowski que je présenterai bientôt avec une oeuvre que j'aime beaucoup.
Il meurt exécuté en 1942 dans le ghetto de Cracovie, avec le poète Mordechaj Gebirtig et un groupe de personnes âgées, alors qu'ils se dirigeaient vers un transport qui amenait les Juifs au camp d'extermination de Belzec.

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dimanche 20 décembre 2009

Larry Sultan - Portrait of my father (1988)
Le vide-grenier du dimanche. Deux photographies de Larry Sultan (1946-2009) qui s'est éteint dimanche dernièr, le 13 décembre, à son domicile californien. Ces deux clichés sont issus d'une série que le photographe a réalisée sur sa famille, pendant la décennie 80, et qui a fait l'objet d'une publication en 1992 sous le titre Pictures of home.
"Je crée avec mes images une architecture de la mémoire."

L.S. - série Pictures of home




De quelle solitude, dans ses Pictures of home, Larry Sultan veut-il rendre compte ? Cette double solitude où sont tous les amants qu'évoquait Anna de Noailles ? Ou bien simplement la douce absence de regards dont parle Kundera ?

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samedi 19 décembre 2009

Louis Dalrymple - The fool and his money (1896)

Une image et des mots. L'illustration est du dessinateur de presse américain Louis Dalrymple (1866-1905), qui diffusait ses caricatures parfois osées dans Puck ou dans Judge, avant de devenir l'illustrateur en chef du Daily Graphic à New York, puis de finir sa vie dans un asile.
Pour aller avec, voici quelques lignes du roman de Dostoïevski, Les frères Karamazov (1880).

À l'heure actuelle, chacun s'efforce de goûter la plénitude de la vie en s'éloignant de ses semblables et en recherchant son bonheur individuel. [.....] L'homme amasse des biens dans la solitude et se réjouit de la puissance des biens qu'il croit acquérir, se disant que ses jours sont désormais assurés. Il s'habitue [.....] à ne compter que sur lui-même, ne croit plus à l'entraide, oublie, dans sa solitude, les vraies lois de l'humanité, et en vient finalement chaque jour à trembler pour son argent, dont la perte le priverait de tout.

dimanche 13 décembre 2009

Fulvio Roiter - Umbria (1954)
Le vide-grenier du dimanche. Deux clichés de l'italien Fulvio Roiter (b.1926), membre du cercle néo-réaliste La Gondola, "école" d'avant-garde depuis 1948 et vivier de grands noms de la photographie comme Luciano Scattola ou Gianni Berengo Gardin.
Le vénitien Roiter a consacré à sa ville un livre magnifique, Being Venice, un des livres de photographie les plus vendus dans le monde. 

F.R. - Zaterre, Venezia (1975)

Bien au delà de la Venise frivole des mascarades, il y donne à voir avec un esthétisme délicat une cité enfantine et vivante, parfois mélancolique, comme ici avec cette vue de Zaterre, les quais du quartier de Dorsoduro.
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dimanche 6 décembre 2009

Une illustration du Tacuinum sanitatis
Le vide-grenier du dimanche. Cette belle illustration de l'alimentation au Moyen-Âge, où l'on voit une femme qui étale la pâte sur une table en bois, est tirée du Tacuinum sanitatis, un ouvrage médiéval sur la santé inspiré du Taqwin al-sihhah, traité médical arabe écrit par le médecin irakien Ibn butlan (1001-1066).

Lady Fanshawe - Recette de la crème glacée
Le deuxième document est extrait du livre de recettes élaboré par Lady Ann Fanshawe (1625-1680), mémorialiste anglaise du 17e dont Cornelis van Ceulen a réalisé un joli portrait. Cet ouvrage, où figure pour la première fois en Europe la recette de la crème glacée, est conservé à l'université de Warwick, en Angleterre.

samedi 5 décembre 2009

F.H. - Quartier des Halles, Paris (1957)
Une image et des mots. Un cliché de Frank Horvat, pris dans le restaurant Le chien qui fume, quartier des Halles, à Paris en 1957.

« Et ce n’est qu’une sauvage et triste superstition qui interdit de prendre du plaisir.
Car, en quoi convient-il mieux d’apaiser la faim et la soif que de chasser la mélancolie? Tels sont mon argument et ma conviction.
Aucune divinité, ni personne d’autre que l’envieux ne prend plaisir à mon impuissance et à ma peine et ne nous tient pour vertu les larmes, les sanglots, la crainte, etc., qui sont signes d’une âme impuissante.
Au contraire, plus nous sommes affectés d’une plus grande joie, plus nous passons à une perfection plus grande, c’est-à-dire qu’il est d’autant plus nécessaire que nous participions de la nature divine.
C’est pourquoi, user des choses et y prendre plaisir autant qu’il se peut [.....] est d’un homme sage. C’est d’un homme sage, dis-je, de réconforter et de réparer ses forces grâce à une nourriture et des boissons agréables prises avec modération, et aussi grâce aux parfums, au charme des plantes verdoyantes, de la parure, de la musique, des jeux du gymnase, des spectacles, etc., dont chacun peut user sans faire tort à autrui
.[.....]
Spinoza, Éthique.

dimanche 29 novembre 2009

Ilkka Lammi - My castle (1999)
Le vide-grenier du dimanche. Deux oeuvres du peintre finlandais Ilkka Lammi (1976-2000) qui, après s'être essayé à la peinture de paysages, s'est tourné principalement vers la composition de portraits dans un environnement abstrait.

Ilkka Lammi - Pariisitar (2000)











Disparu au très jeune âge de 24 ans, il avait comme principaux modèles un autre finlandais, Akselli Gallen-Kallela, peintre et graveur du tournant du XXè siècle, et le suédois Anders Zorn. 
Cette matière imprécise où l'une se blottit et ce monde voilé sur lequel l'autre se penche, est-ce - comme le disait Magritte - l'apparence visible de la poésie lorsqu'elle est peinte ?
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dimanche 22 novembre 2009

M. Campeau - Sans titre n° 0154
Le vide-grenier du dimanche. Deux clichés du photographe canadien Michel Campeau (b.1948), membre fondateur à Montréal, en 1971, du Groupe d'action photographique (GAP) avec Serge Laurin et Roger Charbonneau.
Ils sont rejoints en 1972 par Claire Beaugrand-Champagne, Pierre Gaudard, et Gabor Szilasi, autour d'un même principe : saisir sur le vif, sans fard ni idéalisation, l'homme et son environnement, nourrir la photographie de la vie quotidienne de gens ordinaires.

M. Campeau - Sans titre n° 7987
Ces deux photographies font partie de sa série "Chambres noires", un documentaire réalisé de 2005 à 2009, d'abord au Canada puis autour du monde à la recherche de ces derniers vestiges en voie de disparition du monde de la photographie argentique.

samedi 21 novembre 2009

Käthe Kollwitz - Les survivants (1923)
Une image et des mots. L'image, c'est ce dessin par Käthe Kollwitz (1867-1945) d'une mère protégeant ses enfants.

E.Hillesum

Et pour l'accompagner, une simple phrase : "on voudrait être un baume versé sur tant de plaies". Il s'agit de la dernière ligne de Une vie bouleversée, le journal d'Etty Hillesum, gazée à Auschwitz le 30 novembre 1943. Michel Terestchenko lui consacre un chapitre dans son livre Un si fragile vernis d'humanité.
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dimanche 15 novembre 2009

Arman - Home sweet home (1960)
Le vide-grenier du dimanche. Deux créations d'Arman (1928-2005), dont les accumulations prétendent dénoncer à la fois la sacralisation et la surconsommation de l'objet manufacturé dans notre société..

Accumulation 60-64

L'art conceptuel est une forme d'expression à l'égard de laquelle je suis d'ordinaire plutôt circonspect... L'éternelle question "Qu'est-ce que l''art?", il la rend, comme d'ailleurs le reste de l'art contemporain, particulièrement épineuse; en effet,  si l'on confronte par exemple la "production" de Piero Manzoni à celle de ses compatriotes de la Renaissance, on est fondé à s'interroger sur la remarquable élasticité du mot "artiste".
Alors si à cette question on peut répondre que l'art c'est tout simplement ce qui rend la vie plus belle que l'art, c'est vrai que dans le cas de l'art conceptuel notre réponse pourrait souvent être reçue - et recevable - au premier degré.... À savoir qu'ici l'art ne rend pas la vie plus belle que l'art parce qu'il la sublime, parce qu'il la magnifie, mais simplement parce que ce qu'il propose est parfois (souvent?) tellement moche et ridicule que la vie - même dans ce qu'elle peut avoir de plus grotesque -, ne sera jamais aussi laide.
Mais bon...., disons que ces deux compositions d'Arman me plaisent assez pour figurer ici.
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dimanche 8 novembre 2009

(A/U)
Le vide-grenier du dimanche. Deux clichés pour cette date anniversaire de la chute du mur de la honte. Un soldat de la RDA ignore l'ordre de ne laisser passer personne pour aider un enfant à rejoindre les siens. On ne connait pas l'auteur de cette photo, prise en 1961.

Dan Budnik - Un salut par dessus le mur
(1961)

Le second cliché, d'une dame qui passée à l'Ouest fait des signes à sa famille, est de la même année. 
On le doit au photographe américain Dan Budnik (b.1933) qui a par ailleurs largement documenté la lutte des afro-américains contre la ségrégation (le Civil Rights Movement des années 60) et la vie des nations autochtones américaines.
PF1
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samedi 7 novembre 2009

William H. Margetson - Castles of sand (1898)
Une image et des mots. Le tableau est de l'anglais William Henry Margetson (1861-1940);  il me fait irrésistiblement penser, par sa mélancolie et sa même élégance désenchantée, à ce court poème de Guillevic :

Prenait du sable dans ses mains,
ne savait pas
à qui l’offrir.

Oui, cela se passait
au soleil couchant.
Oui, c’était au bord
de l’océan.

Qu’est-ce que ça change ?

Guillevic, Élégies (1979)
GP2

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dimanche 1 novembre 2009

Bob Kolbrener - Controlled Burn & Dodge (1999)
Le vide-grenier du dimanche. Deux clichés du photographe paysager américain Bob Kolbrener (b.1942), héritier du grand Ansel Adams qui fut son modèle, puis son mentor, et enfin son collègue. 

B.K. - Sierra Wave Cloud (1981)

Kolbrener disait avoir fait sienne l'assertion de Louis Pasteur pour qui la chance ne sourit qu'aux esprits préparés, mais on lui prête aussi cette amusante affirmation "If you buy a camera you're a photographer, if you buy a flute you own a flute", sur laquelle il y a certainement matière à débattre.

dimanche 25 octobre 2009

Brassaï - Colonne Morris (1932)
Le vide-grenier du dimanche. Deux clichés du photographe hongrois Gyula Halász (1899-1984), naturalisé français et plus connu sous le nom de Brassaï.
Il arrive à Paris en 1924, et il y apprend le français en lisant Proust.

Brassaï - Paris (1930s)
J'étais à la recherche de la poésie du brouillard qui transforme les choses, de la poésie de la nuit qui transforme la ville, de la poésie du temps qui transforme les êtres.
C'est là, dans le Paris artistique des années 20, qu'il se lie d'amitié avec Prévert, Léon-Paul Fargues, puis l'américain Henry Miller qui arrive de New York au début des années 30 et qui dira de Brassaï qu'il est l'oeil de Paris.
"On se demande parfois si la vie a un sens.. Et puis on rencontre des êtres qui lui en donnent un."

dimanche 18 octobre 2009

M.Utrillo - Passage Cottin, Montmartre (1922)

 Le vide-grenier du dimanche. Deux oeuvres de Maurice Utrillo (1883-1955), fils de la belle et sulfureuse Suzanne Valadon, et peintre montmartrois emblématique, représentatif de l'école de Paris. 

M.U - La maison de Mimi Pinson
Montmartre
(1912)

Vie de bohème et d'alcool, dont il paye les ardoises avec sa peinture pleine de poésie de la Butte. 
"Et alors! Tous les grands peintres ça picolait. Tous des poivres. Van Gogh, Utrillo, la peinture à l'eau c'était pas leur fort." disait René Fallet.
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samedi 17 octobre 2009

(A/U)
Une image et des mots. L'image, ou comment remettre les idées en place au 19e siècle (il s'agirait en fait du traitement de la migraine par vibrations).
Les mots sont un extrait de l'introduction au Guide de l’exposition universelle de 1869, rédigée par Victor Hugo depuis son exil à Guernesey.

"Au vingtième siècle, il y aura une nation extraordinaire. Cette nation sera grande, ce qui ne l’empêchera pas d’être libre.
Elle sera illustre, riche, pensante, pacifique, cordiale au reste de l’humanité. Elle aura la gravité douce d’une aînée. [.....] Elle considérera le gaspillage du sang humain comme inutile.
Elle aura la suprême justice de la bonté. Elle sera pudique et indignée devant les barbaries.
Aux fleuves frontières succéderont les fleuves artères. Couper un pont sera aussi impossible que couper une tête.
Sous l’influence de cette nation motrice, les incommensurables friches d’Amérique, d’Asie, d’Afrique et d’Australie seront offertes aux émigrations civilisantes; les huit cent mille boeufs, annuellement brûlés pour les peaux  dans l’Amérique du Sud, seront mangés; elle fera ce raisonnement que, s’il y a des boeufs d’un côté de l’Atlantique, il y a des bouches qui ont faim de l’autre côté. Sous son impulsion, la longue traînée des misérables envahira magnifiquement les grasses et riches solitudes inconnues; on ira aux Californies ou aux Tasmanies, non pour l’or, trompe-l’oeil et grossier appât d’aujourd’hui, mais pour la terre; les meurt-de-faim et les va-nu-pied, ces frères douloureux et vénérables de nos splendeurs myopes et de nos prospérités égoïstes, auront, en dépit de Malthus, leur table servie sous le même soleil; l’humanité essaimera hors de la cité-mère, devenue étroite, et couvrira de ses ruches les continents; les solutions probables des problèmes qui mûrissent, la locomotion aérienne pondérée et dirigée, le ciel peuplé d’air-navires, aideront à ces dispersions fécondes et verseront de toutes parts la vie sur ce vaste fourmillement des travailleurs; le globe sera la maison de l’homme, et rien n’en sera perdu [.....]; quiconque voudra aura sur un sol vierge un toit, un champ, un bien-être, une richesse, à la seule condition d’élargir à toute la terre l’idée patrie, et de se considérer comme citoyen et laboureur du monde; de sorte que la propriété, ce grand droit humain, cette suprême liberté, cette maîtrise de l’esprit sur la matière, cette souveraineté de l’homme interdite à la bête, loin d’être supprimée, sera démocratisée et universalisée. Il n’y aura plus de ligatures; ni péages aux ponts, ni octrois aux villes, ni douanes aux États, ni isthmes aux océans, ni préjugés aux âmes.
Les initiatives en éveil et en quête feront le même bruit d’ailes que les abeilles.
La nation centrale d’où ce mouvement rayonnera sur tous les continents sera parmi les autres sociétés ce qu’est la ferme modèle parmi les métairies.
Elle sera plus que nation, elle sera civilisation; elle sera mieux que civilisation, elle sera famille. Unité de langue, unité de monnaie, unité de mètre, unité de méridien, unité de code; la circulation fiduciaire à son plus haut degré; le papier-monnaie à coupon faisant un rentier de quiconque a vingt francs dans son gousset; une incalculable plus-value résultant de l’abolition des parasitismes ; plus d’oisiveté l’arme au bras; la gigantesque dépense des guérites supprimée; les quatre milliards que coûtent annuellement les armées permanentes laissés dans la poche des citoyens; les quatre millions de jeunes travailleurs qu’annule honorablement l’uniforme restitués au commerce, à l’agriculture et à l’industrie; partout le fer disparu sous la forme glaive et chaîne et reforgé sous la forme charrue ; la paix, déesse à huit mamelles, majestueusement assise au milieu des hommes; aucune exploitation, ni des petits par les gros, ni des gros par les petits; et partout la dignité de l’utilité de chacun sentie par tous; l’idée de domesticité purgée de l’idée de servitude; l’égalité sortant toute construite de l’instruction gratuite et obligatoire; l’égout remplacé par le drainage; le châtiment remplacé par l’enseignement; la prison transfigurée en école; l’ignorance, qui est la suprême indigence, abolie; l’homme qui ne sait pas lire aussi rare que l’aveugle-né; le "jus contra legem" compris; la politique résorbée par la science, la simplification des antagonismes produisant la simplification des événements eux-mêmes; le côté factice des faits s’éliminant; pour loi, l’incontestable, pour unique sénat, l’institut.
Le gouvernement restreint à cette vigilance considérable, la voirie, laquelle a deux nécessités, circulation et sécurité, l’État n’intervenant jamais que pour offrir gratuitement le patron et l’épure.
Concurrence absolue des à-peu-près en présence du type, marquant l’étiage du progrès. [.....]
L’émeute des intelligences vers l’aurore. L’impatience du bien gourmandant les lenteurs et les timidités.
Toute autre colère disparue. Un peuple fouillant les flancs de la nuit et opérant, au profit du genre humain, une immense extraction de clarté. Voilà quelle sera cette nation.
Cette nation aura pour capitale Paris, et ne s’appellera point la France; elle s’appellera l’Europe.
Elle s’appellera l’Europe au vingtième siècle, et, aux siècles suivants, plus transfigurée encore,
elle s’appellera l’Humanité.
L’Humanité, nation définitive, est dès à présent entrevue par les penseurs, ces contemplateurs des pénombres; mais ce à quoi assiste le dix-neuvième siècle, c’est à la formation de l’Europe.
Vision majestueuse. Il y a dans l’embryogénie des peuples, comme dans celle des êtres, une heure sublime de transparence.
Le mystère consent à se laisser regarder. Au moment où nous sommes, une gestation auguste est visible dans les flancs de la civilisation. L’Europe, une, y germe. [.....]
Le continent fraternel, tel est l’avenir. Qu’on en prenne son parti, cet immense bonheur est inévitable
."

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dimanche 11 octobre 2009

Albert H. Collings - The studio mirror
Le vide-grenier du dimanche. Du peintre et aquarelliste anglais Albert Henry Collings (1868-1947) j'ai choisi ces deux oeuvres dont le miroir constitue le trait d'union. Les deux tableaux sont des huiles sur toile, et le premier est, de toutes les oeuvres que je connais de cet artiste versé dans le portrait, celle que je préfère.

    A.C. - A reflection (1919)
Je remarque qu'aucune de ces deux jeunes filles ne tient dans sa main une bougie.
C'est, dit-on et selon une tradition ancienne, ce que devaient faire les jeunes files célibataires sur les douze coups de minuit, pour découvrir dans le miroir tenu devant elles le visage de leur futur mari.

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dimanche 4 octobre 2009

Irving Penn - Single poppie (1968)
Le vide-grenier du dimanche. Deux oeuvres du photographe américain Irving Penn (1917-2009), qui vient de s'éteindre à New York et qui était considéré comme l'un des plus grands photographes de studio, dans le domaine de la mode comme dans celui du portrait.

Irving Penn - Cigarette n°52
(1972)
Ici, ce sont deux natures mortes que j'ai choisi de présenter, un genre auquel il s'est intéressé dès les années 40, faisant en 1943 la couverture de Vogue avec l'une de ses compositions.
L'une est issu de sa série Flowers, l'autre de sa série Cigarettes, cette dernière sublimée par ses tirages platine-palladium, un procédé par contact mis au point au XIXème siècle et qui consiste à exposer le négatif sur un papier enduit d'une couche de platine et de sels de fer (add.2017 : ICI).
Over the years I must have spent thousands of hours silently brushing on the liquid coatings, preparing each sheet in anticipation of reaching the perfect print.

samedi 3 octobre 2009

Une image et des mots. Picasso a réalisé en 1966 cette planche de 10 aquatintes - que j'aime beaucoup -, pour illustrer un poème de Pierre Reverdy qui est intitulé "Sable mouvant" (1959) et que j'aime beaucoup moins.
Aussi ai-je choisi pour accompagner cette image les mots plus à mon goût d'Aldous Huxley et qui sont tirés de son roman "Île" (1962).

"Tout est sombre parce que vous cherchez trop passionnément, dit Susila. Sombre parce que vous voulez que ce soit clair. Songez à ce que vous me disiez lorsque j'étais enfant. Délicatement, petite, délicatement! Vous devez apprendre à tout faire avec délicatesse. Penser avec délicatesse, agir avec délicatesse, sentir avec délicatesse. Oui, sentir avec délicatesse, même si vous sentez profondément. Laissez venir les choses avec délicatesse et traitez les avec délicatesse. [.....] Débarrassez-vous donc de vos bagages et élancez-vous. Vous êtes au milieu de sables mouvants, qui enserrent vos pieds, qui essaient de vous attirer dans la peur, dans la pitié égoïste et dans le désespoir. C'est pourquoi il faut avancer avec délicatesse."

dimanche 27 septembre 2009

Albrecht Dürer - Étude (c.1508)
Le vide-grenier du dimanche. Deux oeuvres du dessinateur, peintre, graveur, et savant humaniste allemand Albrecht Dürer (1471-1528). 
C'est l'incarnation de l'homme de la Renaissance, avide de connaissances nouvelles dans tous les domaines, ceux des arts et ceux des sciences. 
Il quitte l'école à 12 ans, et, d'abord apprenti en orfèvrerie auprès de son père, grand admirateur de van Eyck, il suit ensuite l'enseignement à Nuremberg du très réputé peintre et graveur Michael Wolgemut. 

A.D. - Autoportrait (1500)
Après trois ans encore d'apprentissage il part et voyage par toute l'Europe; il n'a alors que 18 ans. Grâce à lui, à ses voyages, à sa curiosité, toute l'Europe du nord va profiter des leçons de la Renaissance italienne.
"Un grand artiste comme lui serait digne de ne jamais mourir", dira de lui le grand humaniste Érasme.
Ici, j'ai choisi une étude de la main gauche d'un apôtre pour le retable Heller, et un autoportrait.
"Ce qu'est la beauté, je l'ignore", disait-il.

dimanche 20 septembre 2009

William Klein - Broadway & 46th Street (1959)
Le vide-grenier du dimanche. Deux clichés du photographe, cinéaste, et plasticien américain William Klein (b.1928), qui au sortir de la Sorbonne où il est venu poursuivre des études de sociologie commencées aux États-Unis, a d'abord étudié la peinture avec Fernand Léger.
Il se tourne ensuite vers la photographie et ces deux clichés illustrent chacun une des deux facettes de son travail, la photo de mode et la photo de rue, même si la seconde vue est en réalité un screen shot de son film du même nom.

W. Klein - Broadway by light (1958)



William Klein, qui en 1955 a rejoint Richard Avedon et Henri Clarke comme photographe attitré du magazine Vogue, bouleverse les conventions de la photo de mode. 
Des studios où elle était jusqu'alors cantonnée, il la fait descendre dans la rue; les modèles s'y mêlent à la foule des passants. "I came from the outside. The rules of photography didn't interest me."

samedi 19 septembre 2009

Gabriel Pacheco

Une image et des mots. Une splendide illustration pour le Livre de la Jungle du mexicain Gabriel Pacheco (b.1973).
Et pour aller avec, un extrait de la chanson Bare necessities ("Il en faut peu pour être heureux"), chantée par Baloo l'ours épicurien - celui qui ne se contente pas de peu ne sera jamais content de rien, disait Épicure - dans le chef d'oeuvre qu'à son tour Disney a fait du chef d'oeuvre de Kipling.

Look for the bare necessities
The simple bare necessities
Forget about your worries and your strife
I mean the bare necessities
Old Mother Nature's recipes
That brings the bare necessities of life.
[.....]
And don't spend your time lookin' around
For something you want that can't be found
When you find out you can live without it
And go along not thinkin' about it
I'll tell you something true

The bare necessities of life will come to you.

dimanche 13 septembre 2009

W. Ronis - Retour des prisonniers, gare de l'Est
(1945)
Le vide-grenier du dimanche. Deux oeuvres du photographe Willy Ronis (1910-2009) qui s'est éteint hier à l'âge de 99 ans. Il était avec Édouard Boubat, Robert Doisneau, Sabine Weiss et quelques autres un des géants de ce que l'on appelle la photographie humaniste.
Mon choix n'a pas été facile et j'ai longuement hésité, tant j'aime le travail de celui qui voulait simplement capter la beauté ordinaire du monde.

W.Ronis - Nu provençal (1949)

Mais voici les deux images que j'ai retenues ici et pour aujourd'hui ce seront mes préférées.
De son Nu provençal, Willy Ronis dit que c'est sa photo fétiche. Il est avec sa femme dans leur maison de Gordes, dans le Vaucluse; l'été est torride. Willy bricole au grenier et se rend compte qu'il lui manque un outil. Descendant l'escalier de pierre pour aller le chercher, il voit Marie-Anne qui se rafraîchit à une cuvette d'eau prise à la fontaine. "Reste comme tu es!" lui crie-t-il. 
Il remonte quelques marches pour prendre son Rolleiflex, et fait quatre prises desquelles il choisira la seconde. "Le miracle existe, dit-il, je l'ai rencontré".
Et voici ce qu'à son tour en dit Philippe Sollers, dans son ouvrage, "Nues", consacré au travail de Ronis.
"La composition est magistrale, elle dit la vraie joie de vivre dont notre époque est si piteusement et si tragiquement dépourvue. [.....] Tout vit, tout vibre doucement et veut être vu. Le corps nu est la résultante de cette magie matérielle. La lumière est là pour dire l'harmonie indestructible de l'ensemble (soleil sur les épaules, bénédiction du temps). On est tellement loin de l'imagerie exhibitionniste et grimaçante d'aujourd'hui qu'on se demande si ce conte de fée a pu exister. Ronis parle de "miracle". Il a raison, c'en est un que seul celui qui en a vécu un semblable peut comprendre."