In girum imus nocte et consumimur igni

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samedi 7 avril 2012

Jack London - People of the abyss
Une image et des mots. En 1902, à l’époque où l’empire britannique règne sur le monde, quand la puissante Angleterre victorienne est comme le dit Karl Marx « the wonder of the world », l’écrivain américain Jack London (celui de Croc-blanc, de L’appel de la forêt) s’immerge incognito dans les quartiers misérables de l’East End londonien pour y partager l'existence de ses 500.000 sans-abri.
Un an plus tard, en 1903, il publie People of the abyss (paru en France sous le titre Le peuple d'en-bas ou Le peuple de l'abîme). Ce cliché en est tiré.

Les mots qui suivent ne sont pas extraits de ce livre, mais de celui de George Orwell, Down and out in Paris and London, paru trente ans plus tard en 1933 et traduit en français sous le titre Dans la dèche à Paris et à Londres. Orwell y évoque les "Rowton Houses", des établissements d’accueil propres et confortables nés en 1892 à l’initiative du politicien et philanthrope Lord Rowton, et qui allaient remplacer les sordides « doss-houses » et autres « charity refuges » photographiés par Jack London et où se réfugiaient les miséreux quand ils ne dormaient pas sur les berges de la Tamise.

« As a last hope Paddy suggested trying a Rowton House; by the rules they would not let us in before seven, but we might slip in unnoticed. We walked up to the magnificent doorway (the Rowton Houses really are magnificent), and very casually, trying to look like regular lodgers, began to stroll in. Instantly a man lounging in the doorway, a sharp-faced fellow, evidently in some position of authority, barred the way.
« You men sleep ‘ere last night? »
« No »
« Then –off » 
We obeyed, and stood two more hours on the street corner. It was unpleasant, but it taught me no to use the expression ‘street corner loafer’, so I gained something from it. »

***

« En désespoir de cause Paddy suggéra de nous rabattre sur un Rowton House : le règlement interdisait toute entrée avant sept heures, mais nous pourrions peut-être nous y faufiler en douce.
Nous nous approchâmes du magnifique portail (les Rowton Houses sont vraiment de splendides édifices) et d’un air très dégagé, affectant l’allure de vieux habitués, entreprîmes de nous introduire dans la place.
Aussitôt, un individu qui jusqu’ici paraissait bayer aux corneilles, un homme au visage sévère,
manifestement investi d’une certaine autorité, s’interposa pour nous barrer le passage.
« V’s avez dormi ici hier soir ? »
« Non »
« Alors ouste ! »
Nous obéîmes et fîmes pendant deux heures encore le pied de grue au coin de la rue.
Ce fut un sale moment à passer, mais j’appris du moins à user avec plus de discernement de l’expression « glander dans les rues », et j’en ai donc tiré quelque chose."
GL6

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dimanche 1 avril 2012

N. Rockwell - Road block (1949)
Le vide-grenier du dimanche. Deux œuvres de Norman Rockwell (1894-1978), illustrateur emblématique de la culture américaine, dont le style narratif, l’humanisme et l’humour bienveillant ont marqué l’imaginaire collectif pendant plus de cinquante ans.
Né à New York, formé à la National Academy of Design puis à la Art Students League, Rockwell devient célèbre très jeune grâce à ses couvertures pour le Saturday Evening Post, dont il devient l’illustrateur principal pendant près d’un demi-siècle.
Ses peintures donnent à voir des scènes du quotidien : repas en famille, banlieues paisibles, fêtes populaires et petits événements des villes de province, mais aussi des luttes sociales et les mutations politiques de son époque.
« The commonplaces of America are to me the richest subjects in art. »

N. R. - April fool girl (1948)

Parmi ses œuvres les plus célèbres, Four Freedoms (1943), inspirée du discours sur l'état de l'Union prononcé le 6 janvier 1941 par Roosevelt, et Rosie the Riveter (1943), icône féminine de l’effort de guerre.
Engagé pour les droits civiques, il aborde aussi les inégalités raciales dans des œuvres fortes comme The Problem We All Live With (1964), qui représente une fillette afro-américaine escortée à l’école par des Marshalls fédéraux, en pleine déségrégation dans le Sud.
Norman Rockwell a profondément marqué l’imaginaire américain par ses représentations à la fois chaleureuses, nostalgiques et engagées de l'Amérique du XXe siècle ; elles ont fait de lui l’un des artistes les plus reconnus et aimés de notre époque.

dimanche 25 mars 2012

Beata Bieniak - Untitled (2009)
Le vide-grenier du dimanche. Deux œuvres de l’artiste autodidacte Beata Bieniak, née en 1966 dans la petite ville polonaise de Poddębice, où elle vit encore aujourd’hui. Elle a construit une pratique photographique personnelle, souvent en noir et blanc, qui associe portraits, autoportraits, éléments naturels et objets du quotidien.
B.B. - Stationary traveler
(2011)

Son travail explore le corps, le passage du temps et la mémoire, avec une approche introspective et métaphorique qui évoque la fragilité de l’existence, l’effacement, la trace...
Parmi ses influences, Beata Bienak cite son compatriote Dariusz Klimczak, ainsi que Dali, de Chirico et Magritte, dont on retrouve l’empreinte dans Stationary Traveler. Son attachement à la musique, à la poésie et à la peinture se reflète dans l’atmosphère paisible, parfois doucement surréaliste, de ses photomontages.
GA1

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dimanche 18 mars 2012

H.O.Tanner - Christ walking on the water
(c.1907)
Le vide-grenier du dimanche. Deux œuvres du peintre américain Henry Ossawa Tanner (1859–1937), figure majeure de l’art afro-américain et premier artiste noir à connaître une reconnaissance internationale à la fin du XIXe siècle.
Fils d’un évêque méthodiste et d’une ancienne esclave, il grandit à Philadelphie et étudie à la Pennsylvania Academy of the Fine Arts sous la direction de Thomas Eakins et de William Merritt Chase - deux artistes qui feront tôt ou tard l'objet d'une publication.
H.T. - The Annunciation (1898)

Confronté au racisme tenace qui règne aux États-Unis, Tanner s’installe à Paris en 1891. Il rejoint les cercles artistiques de Montparnasse et poursuit sa formation à l’académie Julian, auprès du portraitiste et orientaliste Benjamin Constant. Il s’y lie aussi d’amitié avec le peintre américain Eanger Irving Couse.
Installé durablement en France, Tanner expose régulièrement au Salon et reçoit plusieurs distinctions. Qu’il peigne des récits bibliques ou des scènes de genre intimistes, son œuvre laisse toujours transparaître une quête intérieure, nourrie par la foi, la lumière et le silence.
Art is to me an expression of the soul, not a profession. I believe in the power of art, in its mystery and its magic, in its eloquence and its message, and in its ability to transform human spirit and human life.
Cette oeuvre a ouvert la voie à des générations d’artistes afro-américains.

samedi 17 mars 2012

Terence Davies - Of time and the city (2008)
Une image et des mots. L'image est tirée du film Of time and the city, le documentaire qu'a consacré le réalisateur Terence Davies à sa ville, Liverpool.
Les mots sont extraits du petit essai publié par Pierre Bergounioux chez Fata Morgana, avec des illustrations de Joël Leick : Les restes du monde (2010).

La face du monde a été bouleversée, voilà deux siècles, par les initiatives conjointes d'entrepreneurs anglo-saxons protestants et d'intellectuels français radicaux. Les uns ont inventé l'économie en vue du profit, introduit le calcul des chances pacifiques de gain pécuniaire dans l'activité productive, les autres institué l'égalité formelle assortie à l'exploitation rationnelle du travail salarié. La révolution industrielle pouvait commencer.
[.....]
L'activité sacrilège qui a éventré la terre pour en extraire le combustible et les minerais, lancé vers les cieux les hauts fourneaux et les cheminées, oppose à la destruction, à l'oubli, la même ténacité qu'elle a mise à asservir l'étendue, la matière. Trente ans après le démantèlement de la sidérurgie, le paysage se souvient. Le souvenir occupe le terrain, se confond avec lui parce que, à la différence des champs, du frêle habitat paysans, des temps agraires, la révolution industrielle a mordu profondément dans la chair du monde, opposé à la nature une culture matérielle qui lui empruntait sa roideur, sa puissance, ses permanences, [.....] De là ces aires fantomatiques, ces édifices blêmes, lavés de leur suie et de leur crasse par les pluies, rendus au vide et au silence mais non au néant.

Ganjifa moghol Le vide-grenier du dimanche. Deux Ganjifas , ces cartes d’un jeu ancien, originaire de Perse, qui a pris toute sa richesse en...