In girum imus nocte et consumimur igni

In girum imus nocte et consumimur igni
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dimanche 5 août 2012

Vladimir Lagrange - Demain matin (1969)
Le vide-grenier du dimanche. Deux clichés du russe Vladimir Lagrange (b.1939), témoin du dégel soviétique des années 60 aux années 90. Les figures de travailleurs héroïques sont remplacées par les visages de gens ordinaires qui jouent, qui travaillent, qui s'aiment...

V.L. - série So we lived (1960)





"L'esprit d'une époque s'incarne bien plus dans les gens que dans les images stéréotypées d'événements politiques", disait-il.
NC2
ICI

samedi 4 août 2012

James Guthrie - Schoolmates (1884)
Une image et des mots. Ce tableau, intitulé "Schoolmates" (1884) est de James Guthrie, membre des Glasgow Boys, un groupe plutôt informel de peintres écossais de la fin du 19e (ici). Comme chez George Clausen, déjà publié ici,  on retrouve dans sa manière de peindre le quotidien des paysans parmi lesquels il vivait l'influence de Jules Bastien-Lepage. La représentation de ces écoliers - nous dit le commentaire du Musée de Gent où il est conservé - "dégage une simplicité naturelle et reflète le fier orgueil avec lequel les enfants assument leur pauvreté."
Quel regard ces écoliers avaient-ils sur le savoir et sur le monde? Et quel monde sépare ce regard de celui que lui portent les enfants d'aujourd'hui? À la question rebattue du philosophe Hans Jonas: "Quelle planète allons-nous laisser à nos enfants?", on pourrait répondre par celle de Jaime Semprun: "À quels enfants allons-nous laisser le monde?". On apprend aujourd'hui qu'Internet, avec Google et Wikipedia, est devenu pour beaucoup une source majeure d'enseignement, et les réseaux sociaux la première source d'information. Inquiétant...

Les mots qui suivent sont d'Edgar Morin, extraits de son manifeste Enseigner à vivre, publié chez Actes Sud (2014).

"[.....] De plus l'enseignement public dans son ensemble se trouve pris à contre-pied par les médias et il ne sait souvent comment réagir [.....] à la culture de masse qui imprègne non seulement enfants et adolescents, mais la société dans son ensemble. De plus et surtout, Internet vient désormais apporter un gigantesque pêle-mêle culturel de savoirs, rumeurs, croyances en tous genres, sorte d'école sauvage contournant l'école officielle, où viennent s'informer et se former les nouvelles générations. [.....] Tout ce qu'a d'humaniste notre enseignement subit deux formidables pressions, l'une qui veut le coloniser à l'intérieur, celle de l'économie dite libérale et du technocratisme dominant, l'autre qui le corrode et l'amoindrit de l'extérieur, celle des médias et d'Internet."

Car au contraire du monde de James Guthrie, le monde connecté d'aujourd'hui, le "village global" de McLuhan,  permet à n'importe qui - plus ou moins éclairé et de surcroît pas toujours animé des meilleures intentions - de se faire entendre de dizaines, de centaines de ses congénères aussi peu éclairés que lui et prompts de ce fait à gober avec la foi du charbonnier les énormités les plus consternantes. C'est ainsi qu'un nombre grandissant de crétins en phase terminale colportent et répandent les théories du complot les plus folles (ici).
Tout croire et ne rien croire, disait à peu près Poincaré, sont deux attitudes également commodes et qui toutes deux dispensent de penser. Kant avant lui, résumant tout l'esprit des Lumières, nous exhortait: "Ose penser par toi-même" (le "sapere aude" emprunté à Horace). C'est sans doute, dans un monde où prospèrent la désinformation, la falsification, et le mensonge, avant toute autre chose à ce précepte qu'il faudrait subordonner tout enseignement et toute éducation.
CY1

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dimanche 29 juillet 2012

Ch.Sheeler - Ford, River Rouge (1927)

Le vide-grenier du dimanche. Deux oeuvres du peintre et photographe américain Charles Sheeler (1883-1965), un des fondateurs du mouvement précisionniste. La photographie fait partie d'une série de clichés commandés par le constructeur automobile Ford sur ses usines de Detroit; elle est une célébration de la puissance du progrès des débuts de l'ère industrielle.                                            J'ai observé - et admiré - un grand nombre d'oeuvres de Sheeler, et l'homme le plus souvent en est absent. Totalement absent même, quand son travail, son intervention, semblent effacés pour ne conserver et ne donner à voir que des formes épurées, quintessentielles. 

Ch.S. - American landscape (1931)

Quel est alors le sens de la présence sur cette toile d'un homoncule presque inaperçu ? Est-ce pour marquer la place infime qu'il occupera désormais dans le paysage américain ? Ou au contraire pour souligner le gigantisme des réalisations de cet être d'apparence insignifiante et la prouesse de ses accomplissements ?

samedi 28 juillet 2012

R. Adams - Santa Ana Wash, Redlands, California (1983)
Une image et des mots. L'image, c'est ce cliché du photographe américain Robert Adams, né en 1937 dans le New Jersey, et membre dans les années 70 du mouvement des "Nouveaux topographes".
Les mots sont du poète péruvien César Vallejo (1892-1938), extraits du recueil Poèmes humains.

Hasta el día en que vuelva...

Hasta el día en que vuelva, de esta piedra
nacerá mi talón definitivo,
con su juego de crímenes, su yedra,
su obstinación dramática, su olivo.

Hasta el día en que vuelva, prosiguiendo,
con franca rectitud de cojo amargo,
de pozo en pozo, mi periplo, entiendo
que el hombre ha de ser bueno, sin embargo.

Hasta el día en que vuelva y hasta que ande
el animal que soy, entre sus jueces,
nuestro bravo meñique será grande,
digno, infinito dedo entre los dedos.

***

Jusqu'au jour de mon retour, naîtra de cette pierre
l'empreinte définitive de mon talon,
avec son jeu de crimes, son lierre,
sa dramatique obstination, son olivier.

Jusqu'au jour de mon retour, je poursuivrai,
avec la franche rectitude d'un triste boiteux,
chute après chute mon périple pour comprendre
que l'homme doit être bon, envers et contre tout.

Jusqu'au jour de mon retour, jusqu'au jour où
l'animal que je suis ira trouver ses juges,
notre brave petit doigt sera grand,
digne, doigt infini entre tous les doigts.

Gilbert Garcin - Le moulin de l'oubli (1999) Une image et des mots. Où Beckett dialogue avec Tati... Une "photosophie" du p...