In girum imus nocte et consumimur igni

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dimanche 29 mars 2020

Émile Friant - Les amoureux (1888)
E.F. - Ombres portées
(1891)
Le vide-grenier du dimanche. Deux oeuvres du peintre et graveur nancéen Émile Friant (1863-1932).
Il est formé par Théodore Devilly à l'École municipale de dessin de Nancy, puis à l'École des Beaux-Arts de Paris, dans l'atelier d'Alexandre Cabanel, où il sera lui-même professeur à partir de 1906.
Portraitiste réputé jusqu'aux États-Unis où il réalise de nombreuses commandes, Émile Friant nous donne aussi à voir, de sa Lorraine natale, des scènes de la vie quotidienne pleines de réalisme et d'humanité, pour la composition desquelles il s'aidait parfois de la photographie. Il s'inscrit, à la suite de Jules Bastien-Lepage, dans le mouvement naturaliste.

samedi 4 août 2012

James Guthrie - Schoolmates (1884)
Une image et des mots. Ce tableau, intitulé "Schoolmates" (1884) est de James Guthrie, membre des Glasgow Boys, un groupe plutôt informel de peintres écossais de la fin du 19e (ici). Comme chez George Clausen, déjà publié ici,  on retrouve dans sa manière de peindre le quotidien des paysans parmi lesquels il vivait l'influence de Jules Bastien-Lepage. La représentation de ces écoliers - nous dit le commentaire du Musée de Gent où il est conservé - "dégage une simplicité naturelle et reflète le fier orgueil avec lequel les enfants assument leur pauvreté."
Quel regard ces écoliers avaient-ils sur le savoir et sur le monde? Et quel monde sépare ce regard de celui que lui portent les enfants d'aujourd'hui? À la question rebattue du philosophe Hans Jonas: "Quelle planète allons-nous laisser à nos enfants?", on pourrait répondre par celle de Jaime Semprun: "À quels enfants allons-nous laisser le monde?". On apprend aujourd'hui qu'Internet, avec Google et Wikipedia, est devenu pour beaucoup une source majeure d'enseignement, et les réseaux sociaux la première source d'information. Inquiétant...

Les mots qui suivent sont d'Edgar Morin, extraits de son manifeste Enseigner à vivre, publié chez Actes Sud (2014).

"[.....] De plus l'enseignement public dans son ensemble se trouve pris à contre-pied par les médias et il ne sait souvent comment réagir [.....] à la culture de masse qui imprègne non seulement enfants et adolescents, mais la société dans son ensemble. De plus et surtout, Internet vient désormais apporter un gigantesque pêle-mêle culturel de savoirs, rumeurs, croyances en tous genres, sorte d'école sauvage contournant l'école officielle, où viennent s'informer et se former les nouvelles générations. [.....] Tout ce qu'a d'humaniste notre enseignement subit deux formidables pressions, l'une qui veut le coloniser à l'intérieur, celle de l'économie dite libérale et du technocratisme dominant, l'autre qui le corrode et l'amoindrit de l'extérieur, celle des médias et d'Internet."

Car au contraire du monde de James Guthrie, le monde connecté d'aujourd'hui, le "village global" de McLuhan,  permet à n'importe qui - plus ou moins éclairé et de surcroît pas toujours animé des meilleures intentions - de se faire entendre de dizaines, de centaines de ses congénères aussi peu éclairés que lui et prompts de ce fait à gober avec la foi du charbonnier les énormités les plus consternantes. C'est ainsi qu'un nombre grandissant de crétins en phase terminale colportent et répandent les théories du complot les plus folles (ici).
Tout croire et ne rien croire, disait à peu près Poincaré, sont deux attitudes également commodes et qui toutes deux dispensent de penser. Kant avant lui, résumant tout l'esprit des Lumières, nous exhortait: "Ose penser par toi-même" (le "sapere aude" emprunté à Horace). C'est sans doute, dans un monde où prospèrent la désinformation, la falsification, et le mensonge, avant toute autre chose à ce précepte qu'il faudrait subordonner tout enseignement et toute éducation.

samedi 2 janvier 2010

George Clausen - Winter work (1883)
Une image et des mots. C'est le travail de Jules Bastien-Lepage qui a mené Sir George Clausen (1852-1944) à la peinture réaliste de la vie rurale. 
Cette toile, intitulée "Winter work" (1883), nous montre une famille de paysans en train d'équeuter les rutabagas destinés à affourrager les moutons. La Tate Gallery, qui conserve ce tableau, nous explique que Clausen privilégiait l'emploi de couleurs sobres et sombres pour traduire la lumière maussade et le froid de l'hiver, et rendre compte ainsi de la dureté du travail aux champs. Cette vision dénuée de romantisme de la vie paysanne était le plus souvent rejetée par les organisateurs des expositions annuelles de la Royal Academy.
Les mots pour accompagner cette illustration seront d'abord ces quelques lignes extraites du passionnant ouvrage de Marcel Mazoyer et Laurence Roudart, Histoire des agricultures du monde, du néolithique à la crise contemporaine:

"Compte tenu du rôle que devront jouer toutes les agricultures du monde dans la construction d'un avenir vivable pour l'humanité, il est inquiétant de constater à quel point l'opinion et les esprits éclairés de ce temps sont éloignés des réalités agricoles, et à quel point même ceux qui sont en charge de l'agriculture méconnaissent toute la richesse de l'héritage agraire de l'humanité."
Déjà en 1897, dans un discours à la Chambre des députés, Jean Jaurès disait ceci: "Voici que sur son champ passent non plus des forces naturelles, mais des forces économiques, des forces sociales, des forces humaines. [.....] De récolte en récolte, son labeur restant le même, le prix de son blé fléchit presque constamment. [.....] Dans les grandes plaines de l'Inde, de la Russie, de l'Ouest américain, d'autres hommes travaillent, à moins de frais, et toute cette production, brusquement rapprochée par la vitesse des grands navires, pèse constamment sur lui. Voilà donc que les peuples et les continents lointains surgissent maintenant de la brume, comme de dures et massives réalités, et c'est peut-être de la quantité de blé ensemencé par un fermier de l'Ouest américain, du salaire distribué aux pauvres journaliers de l'Inde, et encore des lois de douanes, d'impôt et de monnaie promulguées dans toutes les parties du monde que dépendra le prix de son blé, le prix de son travail, sa liberté peut-être et sa prospérité
."

Pour conclure, quelques mots de l'économiste John Maynard Keynes qui écrivait: "Le problème politique de l'humanité consiste à combiner trois choses: l'efficacité économique, la justice sociale, et la liberté politique." Élémentaire ...

Étudiantes afghanes en 1978 Le vide-grenier du dimanche. Au lendemain de la Journée internationale des femmes, voici quatre clichés d...