In girum imus nocte et consumimur igni

In girum imus nocte et consumimur igni
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dimanche 27 juillet 2014

A. d'Agata - Puerto San José, Guatemala (1998)
Le vide-grenier du dimanche. Deux clichés du français Antoine d'Agata (b.1961), photographe radical des marges de l’extrême et de la décrépitude, dont le travail explore avec une intensité bouleversante les zones d’ombre de l’existence humaine. Il quitte la France en 1983, et suit à New York l'enseignement de Larry Clark et Nan Goldin.

A. d'Agata - Mala noche
(1998)



Son travail documentaire, marqué par l’errance et la noirceur, porte un regard cru sur le monde de la drogue et de la prostitution, et est étroitement lié à son propre vécu.
Ce n'est pas comment le photographe regarde le monde qui est important ; c'est sa relation intime avec lui.
L’obscurité dans ses images ne se limite pas à l’absence de lumière : elle devient une métaphore puissante des recoins de l’âme humaine. Membre de Magnum Photos depuis 2004, Antoine d’Agata vient de publier un nouvel ouvrage intitulé Antibodies, dont les portraits évoquent les physionomies et silhouettes torturées de Francis Bacon.
PF4

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dimanche 20 juillet 2014

A. Guillou - Jeune fille du Finistère (n.d.)
Le vide-grenier du dimanche. Deux oeuvres du peintre Alfred Guillou (1844-1926), peintre breton dont le travail s’inscrit dans la tradition réaliste et naturaliste du XIXe siècle.
Né à Concarneau, il est très tôt attiré par les scènes de la vie maritime et paysanne qui animent sa région natale.
Formé à l’École des Beaux-Arts de Paris auprès d’Alexandre Cabanel, il y rencontre Jules Bastien-Lepage, figure majeure du naturalisme, une influence notable dans sa quête d’un réalisme empreint de simplicité et de sincérité. 

A.G. - Arrivée du pardon (1887)
Mais, déçu par le monde des arts de la capitale, Guillou revient s’installer à Concarneau, entraînant à sa suite de nombreux peintres parisiens, anglo-saxons, scandinaves… Certains y feront bâtir villas et ateliers, dans la ville close ou près des plages. C’est grâce à eux que, en 1905, les remparts de la ville seront classés, alors qu’on envisageait de les abattre.
Parmi ses sujets favoris, les scènes de port, les moments de la vie quotidienne et les traditions locales, comme ici cette Arrivée du pardon de Sainte-Anne de Fouesnant à Concarneau.
La peinture académique de Guillou ne lui a jamais permis d'atteindre une renommée internationale, mais comment rester insensible à l'humanité de son regard sur les gens ordinaires de sa région - les travailleurs de la mer - et sur leur culture ?

samedi 19 juillet 2014

Fritz Lang - You and me (1938)
Une image et des mots. L'image c'est cette capture d'écran d'une scène de You and me, un film de Fritz Lang de 1938 paru en français sous le titre de Casier judiciaire. Pour les mots, j'y associe ce poème de Benedetti (voir aussi le film d'Eliseo Subiela, El lado oscuro del corazón (1992).

Táctica y estrategía.

“Mi táctica es mirarte
aprender como sos
quererte como sos
mi táctica es hablarte y escucharte
construir con palabras
un puente indestructible

mi táctica es quedarme en tu recuerdo
no sé cómo
ni sé con qué pretexto
pero quedarme en vos
mi táctica es ser franco
y saber que sos franca
y que no nos vendamos simulacros
para que entre los dos
no haya telón
ni abismos
mi estrategia es en cambio
más profunda y más simple
mi estrategia es
que un día cualquiera
no sé cómo
ni sé con qué pretexto
por fin me necesites”.


***

Tactique et stratégie (traduction d'Olivier Favier)

Ma tactique est de te regarder
d’apprendre comme tu es
de t’aimer comme tu es
ma tactique est de te parler
de t’écouter
de construire avec les mots
un pont indestructible
ma tactique est de m’arrêter dans ton souvenir
je ne sais comment
et je ne sais sous quel prétexte
mais de rester en toi
ma tactique est d’être honnête
et de savoir que tu es honnête
et que nous ne nous vendons pas
des simulacres
afin qu’entre nous deux
il n’y ait ni rideau
ni abysses
ma stratégie
en revanche est
plus profonde et plus
simple
ma stratégie est
qu’un jour quelconque
je ne sais comment
et je ne sais sous quel prétexte
tu auras besoin de moi.
ML6
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dimanche 13 juillet 2014

Sofie Ribbing - Boys drawing (1884)
Le vide-grenier du dimanche. Deux oeuvres de Sofie Amalia Ribbing (1835-1894), peintre suédoise discrète mais singulière, dont la sensibilité mélancolique éclaire l’histoire de l’art nordique du XIXe siècle. Formée d’abord à Stockholm, puis à Düsseldorf auprès de Karl Sohn et enfin à Paris dans l'atelier de Jean-Baptiste-Ange Tissier, elle évolue dans des cercles artistiques cosmopolites sans se départir d'une forme de retenue qui semble faire écho à la gravité tranquille de ses sujets.

S.R. - Self-portrait (1880)
Loin des effusions romantiques et des éclats de la modernité, son approche mêle rigueur académique et émotion intime.
Ses portraits, souvent féminins, frappent par leur intériorité ; les regards, calmes et profonds, semblent apaisés, une lumière douce enveloppe les visages...
Le premier tableau en est une belle illustration ; conservé au musée de Göteborg, il est considéré, pour l'atmosphère que donne à la scène cette extrême douceur de la lumière, comme une oeuvre majeure de la peinture suédoise.

dimanche 6 juillet 2014

John Gutmann - Texas car (1937)

Le vide-grenier du dimanche. Deux clichés du peintre et photographe américain John Gutmann (905-1998). Natif de Breslau, alors en Allemagne et devenue aujourd'hui Wroclaw en Pologne, il étudie à l'Académie Nationale des Arts et Métiers, avant d'aller s'installer à Berlin en 1927.
Berlin était la plus grande ville du monde quand j'y vivais, à la fin des années 1920 et début des années 1930. C'était la ville la plus sophistiquée, la plus décadente, et elle attirait la plus puissante concentration de talents créatifs dans le monde. Cinéma, théâtre, arts, tout le monde y était...
(in San Francisco Examiner, 1989).

J.G. - Cup of coffee and cigarette
(1950)
Juif, et jugé "dégénéré", il ne peut plus exposer ses peintures dans l'Allemagne devenue nazie, et émigre en 1933 aux États-Unis pour s'installer à San Francisco où, presque par nécessité, il va désormais travailler comme photographe et photojournaliste (Time, Saturday Evening Post). Dès 1936, il enseigne au San Francisco State College où il va fonder le département de photographie.
Fasciné par la culture populaire, la rue, les signes et symboles urbains, Gutmann se tient à égale distance du documentaire pur et de la recherche formelle : ses images jouent souvent avec les cadrages audacieux, les perspectives inhabituelles, les détails insolites. On a dit de lui (le critique Kenneth Baker, San Francisco Chronicle, 1997) qu'il était un émissaire du modernisme européen, apportant un nouvel angle de vision sur la scène américaine.
I photographed the popular culture of the United States differently from American photographers. I saw the enormous vitality of the country. [....] I was seeing America with an outsider's eye - the automobiles, the speed, the freedom, the graffiti...

samedi 5 juillet 2014

Mitsuo Shiraïshi, Labyrinth
Une image et des mots. Né à Tokyo en 1969, le graveur Mitsuo Shiraïshi vit et travaille en France, à Mulhouse, depuis plus de 20 ans. Sa recherche de l'épure, c'est ainsi qu'il la justifie :
 "Quand il y a un objet, il y a une signification, une ampleur, qui rajoute une voie d'interprétation.
Ça parle trop! Le non-dit peut avoir davantage de sens. Comme en musique, ce ne sont pas toutes les notes qui sont importantes mais ce qui est entre les notes. Mais pour l'entendre, on a besoin de toutes les jouer."

Pour accompagner cette image, quelques mots de Samuel Beckett, extraits de L'innommable, publié en 1953 aux éditions de Minuit.
(...) il faut continuer, je ne peux pas continuer, il faut continuer, je vais donc continuer, il faut dire des mots, tant qu’il y en a, il faut les dire, jusqu’à ce qu’ils me trouvent, jusqu’à ce qu’ils me disent, étrange peine, étrange faute, il faut continuer, c’est peut-être déjà fait, ils m’ont peut-être déjà dit, ils m’ont peut-être porté jusqu’au seuil de mon histoire, devant la porte qui s’ouvre sur mon histoire, ça m’étonnerait, si elle s’ouvre, ça va être moi, ça va être le silence, là où je suis, je ne sais pas, je ne le saurai jamais, dans le silence on ne sait pas, il faut continuer, je ne peux pas continuer, je vais continuer.

NY4 ICI