In girum imus nocte et consumimur igni

In girum imus nocte et consumimur igni
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dimanche 26 février 2012

Isaak Brodsky - Dnieprostroi (1932)
Le vide-grenier du dimanche. Deux oeuvres du russe Isaak Brodsky (1883-1939), éminent représentant de ce courant vertueux que l'on appelle le réalisme socialiste soviétique.
Je ne vois pas, au contraire de Lénine, l'art comme une simple petite vis dans la belle mécanique de la révolution, et donc je ne suis pas particulièrement friand des peintures héroïco-martiales de l'art de propagande...
Mais ici, point d allégorie à la mâchoire carrée, point de contre-plongée sur de sculpturaux prolétaires qui brandissent des clés à molette. Au contraire c'est une vue en plongée que nous propose Brodsky, sur le chantier du Dieprostroi qui était alors le plus grand barrage du monde, ... Et l'on n'y voit pas la métaphore attendue d'une multitude de bâtisseurs industrieux au pied de colossales murailles, juste une poignée d'ouvriers raisonnablement affairés; l'un même est assis, et un autre à ses côtés - jambes nonchalamment écartées - a les mains sur les hanches..
Le parti-pris du peintre, donc, me plaît assez, et sa réalisation, sur le plan strictement esthétique, davantage encore... : l'emploi des couleurs, l'équilibre de leurs belles nuances sur la toile, avec cette géométrie d'ombre et de lumière, et ces belles diagonales, le câble d'une grue dont on ne voit que l'ombre... J'aime beaucoup ce tableau.

I. B - Parole IV, Lénine à Putilov (1929)
Le second, tout aussi conventionnel dans son sujet et moins original dans sa composition, me plaît aussi ...
Le titre complet de ce tableau est "Parole IV. Lénine lors d'un rassemblement des travailleurs de l'usine de Putilov en mai 1917." Lénine, donc, de retour d'exil, qui exhorte le peuple à renverser le gouvernement provisoire mis en place après l'abdication du tsar Nicolas II.
J'admire ici la virtuosité du peintre dans le rendu des vestes fatiguées, les avant-bras maculés, ces dizaines et dizaines de postures et d'attitudes formidablement vivantes, cette façon particulière qu'a chacun des trois fumeurs de tenir sa cigarette... Il n'y a qu'une femme dans cette foule, et - de profil - un sosie de Lénine. Où est Charlie ?

dimanche 19 février 2012

John Topham - Mary Anne Smith (c.1930)
Le vide-grenier du dimanche. Deux oeuvres du photographe documentaire anglais John Topham (1908-1992), photographe "de la vie ordinaire de gens ordinaires, et des petites choses de la vie telles qu'elles sont réellement".

J.T. - Un ouvrier sur une cheminée
Dartford
(1938)
Mary Anne Smith exerçait dans l'est de Londres le métier de "knocker up", un office né avec l'Angleterre industrielle et qui consistait le matin à taper au carreau de l'ouvrier pour le sortir du lit.
La plupart des "knocker-uppers" employaient un longue perche qui leur permettait d'atteindre les fenêtres de l'étage (voir la publication du 4 dernier).
Mary Anne, elle, se servait d'une sarbacane à petits pois ; ils sont dans sa poche.

samedi 18 février 2012

Pieter Brueghel - Jeux d'enfants (1560)
Une image et des mots. L'image est une peinture sur bois de Pieter Brueghel l'Ancien (c.1530-1569), conservée au Musée d'histoire de l'art de Vienne.
Chaque homme cache en lui un enfant qui veut jouer, disait Nietzsche.
J'ai pensé à cet extrait de Belle du Seigneur (1968), d'Albert Cohen.

Dans la salle des pas perdus, les ministres et les diplomates circulaient, gravement discutant, l'oeil compétent, convaincus de l'importance de leurs fugaces affaires de fourmilières tôt disparues, convaincus aussi de leur propre importance, avec profondeur échangeant d'inutiles vues, comiquement solennels et imposants, suivis de leurs hémorroïdes, soudain souriants et aimables. Gracieusetés commandées par des rapports de force, sourires postiches, cordialités et plis cruels aux commissures, ambitions enrobées de noblesse, calculs et manoeuvres, flatteries et méfiances, complicités et trames de ces agonisants de demain.

dimanche 12 février 2012

Steve McCurry - Afghan girl (1984)
Le vide-grenier du dimanche. Après la publication de juin 2011, voici deux nouveaux clichés du photo-journaliste américain Steve McCurry (b.1950) ; et pourquoi écarter, au motif qu'il est célébrissime, son portrait de Sharbat Gula ?
Connu sous le titre de l'Afghane aux yeux verts, c'est celui d'une fillette de 13 ans au regard intense, rencontrée dans un camp de réfugiés au début de l'invasion soviétique. Ses parents ont été tués, et ce que McCurry nous montre ici de la guerre, ce ne sont pas des géographies dévastées; juste sa marque sur les visages.

Steve McCurry - Bombay (1993)
Photography is a way of understanding the world.

Les photos de Steve McCurry révèlent la vraie couleur du monde. Elles sont tellement justes et belles qu'il est bien difficile de n'en choisir que deux pour donner à voir tout son talent et son humanité : une enfant dans une école de la vallée de l'Omo, en Éthiopie, une autre en Inde, blottie contre un mur pour se protéger, mais en vain, de la pluie, ou bien une autre encore qui porte sur elle le poids d'un monde qui n'est pas fait pour un enfant.
C'est finalement ce cliché d'une mère avec son enfant, sous le déluge de la mousson. Le dehors et le dedans, l'intempérie et le refuge, la misère et la boucle d'une ceinture de sécurité inemployée...
BS3
ICI

dimanche 5 février 2012

O. Redon - Cinq papillons (1912)

Le vide-grenier du dimanche. Deux oeuvres du peintre et graveur symboliste Odilon Redon (1840-1916). Il commence son parcours artistique par de brèves études aux Beaux-Arts de Bordeaux, insatisfait par le cadre formel de l'apprentissage académique.
C'est donc en autodidacte qu'il découvre l'estampe japonaise et les oeuvres de Gustave Doré et de Gustave Moreau.

O. Redon - La barque mystique (1890)
Redon a également été inspiré par l'étude de la littérature et de la philosophie, mais aussi par la science - notamment à travers sa rencontre et son amitié avec le botaniste Armand Claveau, puis la parution de "L'Origine des espèces" de Charles Darwin -, qui ont nourri les thèmes symbolistes et les univers fantastiques qu'il allait incorporer à ses oeuvres.
C'est tout cela, ajouté à son appartenance à une famille très croyante, la découverte des chants sacrés qui "lui révélaient un infini sans mélange, découvert comme un absolu réel, le contact avec l'au-delà", qui vont mener sa peinture "aux confins d'un monde imperceptible".

samedi 4 février 2012

(A/U)
Une image et des mots. "Il est tard, levez-vous. Dans la rue un refrain vous appelle et vous dit "Voici la vie réelle", écrit Robert Desnos dans un de ses poèmes (Le réveil, 1944).

Il y a suffisamment d'indices sur cette photographie dont j'ignore l'auteur pour nous permettre de déterminer si ce monsieur aux souliers bien cirés est un tapeur de vitre parisien ou un "knocker-upper" londonien.
Peu importe, car cet office depuis longtemps disparu était - ici et là-bas - le même : de la main ou du bout d'une perche, il s'agissait de taper de bon matin au carreau de qui avait la veille demandé à être réveillé.... ou de qui devait l'être pour prendre son tour à l'usine.
Le poème qui suit est de Roberto Juarroz, extrait de Poésie verticale.

Llamamos desde un lado de la puerta,
desde afuera hacia adentro.
Después llamamos desde el otro lado,
desde adentro hacia afuera.
Aguardamos entonces las respuestas
y no llega ninguna.
Tal vez cada respuesta esté esperando a la otra.

***
On frappe d'un côté de la porte,
du dehors vers dedans.
Puis on frappe de l'autre côté,
du dedans vers dehors.
On attend alors les réponses
et aucune n'arrive.
Il se peut que chaque réponse
attende l'autre.