In girum imus nocte et consumimur igni

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samedi 2 août 2025

Béla Tarr - Damnation (1988)
Une image et des mots. L'image c'est cette capture d'écran d'une scène de Damnation, du cinéaste hongrois Béla Tarr.
Pour aller avec, j'ai pensé à un extrait de la dernière page de Matinales (1956), de Jacques Chardonne.

"La mélancolique possession de la matière ne m'a point gêné; je n'en ai pas voulu, justement. J'en ai retenu l'inexplicable; l'amour, quelquefois, et avec méfiance; la beauté, toujours; les "plaisirs" quand ils sont l'ombre du bonheur; "l'art pour l'art", au sens profond, qui n'est pas sur le plan strictement terrestre, du moins qui est un peu dégagé de la substance humaine la plus éphémère, et qui devient grossier dans la mesure où il s'y insère davantage; en somme, les signes étranges d'un monde qui n'est pas proprement humain.
De ce monde invisible, je me suis approché à reculons, refusant toutes les interprétations comme sacrilèges. Je me sens plus humble encore, plus ouvert à tout le possible, plus confiant dans le doute, à mesure que vient l'heure de l'oubli; et si le Dieu qui m'a créé doit me recevoir, je lui rendrai sa créature telle qu'il l'a faite, l'esprit aveugle et que je n'ai pu changer."

dimanche 27 juillet 2025

Tom Wood - Merseyside (78-82)
Le vide-grenier du dimanche. Deux œuvres du photographe irlandais Tom Wood (b.1951). Formé à la peinture conceptuelle à Leicester Polytechnic mais autodidacte en photographie, Wood a développé un style instinctif et sans règles, documentant la vie quotidienne de Liverpool et du Merseyside entre 1978 et 2001 - dans les rues, les pubs et clubs, les marchés, les lieux de travail ou les stades - ainsi que les paysages de l’ouest de l’Irlande et du nord du Pays de Galles.

T.W. - All zones off peak (1998)
Son approche est à la fois directe et empreinte de respect : il photographie des inconnus mêlés à des voisins, amis ou membres de sa famille, avec une attention rare aux gestes, aux visages et aux relations humaines. Le critique Sean O’Hagan le décrit comme « un coloriste pionnier » dont le travail allie « spontanéité et intimité » sans jamais tomber dans le voyeurisme.
Martin Parr souligne de son côté : « Ses portraits sont forts, mais subtils et discrets. Tom a photographié des familles entières, des groupes de travailleurs, des couples et des individus, toujours avec un sens de dignité et de respect. »
Parmi ses séries emblématiques, Looking for Love (1989) saisit la vie nocturne d’un pub disco à New Brighton au début des années 1980, tandis que All Zones Off Peak (1998) rassemble près de vingt ans d’images prises depuis les bus de Liverpool - une traversée sensible de la ville à hauteur d’homme. Le travail de Tom Wood révèle la beauté fragile et persistante du quotidien, cet espace mouvant où se tissent les liens et les solitudes.

samedi 26 juillet 2025

Frances Featherstone - Far far away
Une image et des mots. Le paradis, disait Bachelard, est une immense bibliothèque. Pour aller avec cette toile de l'artiste britannique Frances Featherstone, voici un extrait du réjouissant pamphlet de Voltaire De l'horrible danger de la lecture (1765).
Par la voix feinte d’un décret ottoman, Voltaire tourne en dérision la phobie de l’imprimerie et de la diffusion des idées : il montre comment le pouvoir sacralise l’ignorance pour préserver ses privilèges.
L’extrait suivant (points 1–4) illustre parfaitement sa satire : arguments absurdes et pseudo‑juridiques dénoncent la peur des progrès que le livre peut susciter.

1. Cette facilité de communiquer ses pensées tend évidemment à dissiper l’ignorance, qui est la gardienne et la sauvegarde des États bien policés.
2. Il est à craindre que, parmi les livres apportés d'Occident, il ne s'en trouve quelques-uns sur l’agriculture et sur les moyens de perfectionner les arts mécaniques, lesquels ouvrages pourraient à la longue, ce qu'à Dieu ne plaise, réveiller le génie de nos cultivateurs et de nos manufacturiers, exciter leur industrie, augmenter leurs richesses, et leur inspirer un jour quelque élévation d'âme, quelque amour du bien public, sentiments absolument opposés à la saine doctrine.
3. Il arriverait à la fin que nous aurions des livres d'histoire dégagés du merveilleux qui entretient la nation dans une heureuse stupidité. On aurait dans ces livres l’imprudence de rendre justice aux bonnes et aux mauvaises actions, et de recommander l’équité et l’amour de la patrie, ce qui est visiblement contraire aux droits de notre place.
4. Il se pourrait, dans la suite des temps, que les misérables philosophes, sous le prétexte spécieux, mais punissable, d'éclairer les hommes et de les rendre meilleurs, viendraient nous enseigner des vertus dangereuses dont le peuple ne doit jamais avoir de connaissance.
LH1

ICI

dimanche 20 juillet 2025

Jindřich Štreit - Krizov (1980)
Le vide-grenier du dimanche. Deux clichés de Jindřich Štreit (b.1946), né en Moravie et qui a fait de la campagne tchèque son premier territoire, celui d’un monde paysan que le régime communiste prétendait glorifier mais qu’il a su montrer dans sa vérité nue : foi, travail, solitude. Condamné en 1982 pour avoir “diffamé la République” - il avait osé photographier les icônes du pouvoir accrochées dans des lieux absurdes -, il a connu la prison avant de revenir, plus libre encore, à son regard de témoin.

J.S. - Slovaquie (1988)
Depuis, cet infatigable pédagogue du réel a photographié les Roms, les malades, les détenus, les toxicomanes, les sans-abri - toujours sans pathos, avec ce mélange rare de fraternité et de rigueur. “Les actions réalisées dans le silence de l’intimité sont de la plus grande importance”, dit-il. C'est ce que sont ses images : des actes silencieux qui redonnent aux invisibles la lumière du jour. Dans le gris du monde, Jindřich Štreit saisit le souffle moral de la photographie documentaire.

dimanche 13 juillet 2025

Wilhelm Menzler
Le vide-grenier du dimanche. Deux oeuvres du peintre allemand Wilhelm Menzler (1846-1926), né à Kassel et formé à l’Académie des Beaux-Arts de Munich, où il passa la majeure partie de sa carrière. Menzler appartient à cette génération de peintres qui, à la fin du XIXᵉ siècle, s’attachaient à représenter la nature et la vie quotidienne avec un réalisme soigné et délicat.
W. Menzler - Le printemps

Il s’est particulièrement distingué par ses portraits féminins et ses scènes de plein air, souvent baignées d’une lumière douce, dorée,  qui donne à ses tableaux un charme simple et apaisant.
Ce que j’aime chez lui, c’est cette manière de peindre sans effets : des gestes calmes, des visages absorbés, un goût évident pour les tissus, les fleurs, les jeux de lumière. Rien d’appuyé ni de démonstratif, mais un regard attentif, simple et bienveillant, posé sur le monde.

Phil Greenwood - Leaf fall (1979) Le vide-grenier du dimanche. Deux oeuvres du graveur et aquafortiste gallois Philip Greenwood (b.1943). I...