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CH2 |
In girum imus nocte et consumimur igni

eiπ + 1 = 0
mercredi 9 avril 2025
dimanche 6 avril 2025
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K. Struss - Woman and branch (1912) |
Le vide-grenier du dimanche. Deux clichés du photographe américain Karl Struss (1886-1981). Natif de New York, il se forme d’abord à la photographie au sein de la Columbia University, tout en travaillant dans l’atelier familial de fabrication de chapeaux. Très tôt, il se passionne pour la lumière, les textures, les effets atmosphériques. Il est parmi les premiers aux États-Unis à expérimenter les procédés autochromes, une technique de photographie couleur encore balbutiante à l’époque.
Ses premières œuvres, influencées par le pictorialisme, se caractérisent par une esthétique douce, presque impressionniste, à mi-chemin entre la peinture et la photo.
En 1910, ses images sont exposées par Alfred Stieglitz (voir nov. 2011) au sein de la célèbre galerie 291, aux côtés d’Edward Steichen (voir mars 2010) et Clarence White (qu'il faudra que je présente aussi), un signe de reconnaissance précoce et rare pour un si jeune photographe.
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K.S. - Brooklyn Bridge, NY (1913) |
Mais Struss ne s’arrête pas là. Fasciné par les possibilités narratives de l’image en mouvement, il se tourne vers le cinéma et s’installe à Hollywood en 1919. Il devient rapidement un directeur de la photographie recherché, qui va collaborer avec les plus grands réalisateurs de l’époque.
Sa carrière décolle véritablement avec "L'Aurore" (1927), chef-d'œuvre de F.W. Murnau - un de mes films préférés -, pour lequel il reçoit l’un des tout premiers Oscars de la meilleure photographie. Ce film est magnifique et reste une référence absolue pour son usage novateur de la lumière, des superpositions et des mouvements de caméra.
Par la suite, et tout au long de sa carrière, Struss va collaborer avec des réalisateurs majeurs comme Cecil B. DeMille ou Charlie Chaplin (L'Émigrant, Le Dictateur). Son approche, marquée par son passé de photographe - composition soignée, clairs-obscurs subtils -, va participer à l’élaboration du style visuel du cinéma hollywoodien classique.
samedi 5 avril 2025
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O.S. - Nature morte (2015) |
Une image et des mots. " L’escargot est naturellement héroïque, disait Alexandre Vialatte, car il ne recule jamais. » Pourtant, pour accompagner ce détail d’une nature morte d’Olga Smirnova (Nature morte aux raisins et à l’escargot, 2015), j’ai préféré une figure bien moins flatteuse : celle imaginée par Hans-Christian Andersen dans son conte Le rosier et l’escargot.
Le jardin était entouré de noisetiers. Au milieu, fleurissait un rosier, et sous lui vivait un escargot.
— Attendez que mon temps arrive ! disait l’escargot. Je ferai des choses bien plus grandioses que de fleurir, ou donner des noisettes, ou donner du lait comme les vaches et les moutons.
— Quand les ferez-vous ? demanda le rosier.
— Je prends mon temps. Attendre est plus excitant.
[…]
Un an plus tard, l’escargot était toujours là. Le rosier, lui, avait produit des fleurs fraîches, emportées par le vent ou cueillies.
— Rien n’a changé, dit l’escargot. Toujours des roses. Vous n’évoluez pas.
— Je ne peux pas faire autrement. Je sens une force de la terre et du ciel. Alors je fleuris. C’est ma vie.
— Vous avez eu la vie facile, dit l’escargot. Moi, j’ai une pensée plus profonde. Le monde ne m’intéresse pas, je me suffis.
— Mais nous ne devrions pas donner le meilleur de nous-mêmes ? Moi, je donne mes roses. Et vous, que donnez-vous ?
— Je crache sur le monde ! Je n’ai besoin que de moi.
Et l’escargot rentra dans sa coquille et la referma.
— C’est triste, dit le rosier. J’ai vu une femme garder une rose dans son missel, une autre fut portée par une jeune fille. Un enfant en a embrassé une. Cela m’a rendu heureux. Voilà ma vie.
[…]
Les années passèrent. L’escargot et le rosier devinrent poussière. Mais de nouveaux rosiers fleurirent. Et de nouveaux escargots grandirent à leurs pieds.
Ils rentraient dans leur coquille… car le monde ne les concernait pas. Allons-nous relire cette histoire une nouvelle fois ? Elle ne sera pas différente.
Dans ce conte, Andersen oppose deux figures : l’escargot, replié sur lui-même, convaincu de sa supériorité et trop « profond » pour agir, et le rosier, modeste mais généreux, qui offre ses fleurs sans rien attendre. L’escargot devient la métaphore d’un individualisme stérile, qui refuse de se mêler au monde au nom d’un idéal jamais réalisé. À l’inverse, le rosier incarne la fécondité de ceux qui, sans se poser en donneurs de leçons, apportent de la beauté et de la joie au monde - parfois à leur insu. Le conte dénonce avec légèreté l’illusion d’un dépassement de soi - ou même tout simplement d'une importance de soi -, qui, à force de mépriser les choses simples, finit par ne rien produire.
dimanche 30 mars 2025
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M.W. - Something died here (1947) |
Le vide-grenier du dimanche. Deux clichés de Minor White, déjà présenté le 11 août 2013.
Votre essence propre, en vous depuis la naissance, est votre qualité intérieure. Cela est ce que vous savez de vous-même.
Quand vous vous approchez de quelque chose pour le photographier, soyez d'abord profondément calme avec vous-même, jusqu'à ce que l'objet affirme votre propre présence.
Lecteur de Gurdjieff, féru d'astrologie et de bouddhisme zen, Minor White inscrit son travail dans une quête à la fois esthétique et spirituelle que l'on pourrait rapprocher de ce qu'explorait Alfred Stieglitz avec Equivalents, son étonnante série d'études de nuages entreprise pendant près de dix ans à partir de 1922.
samedi 29 mars 2025
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John Brack - Collins St., 5 pm |
Une image et des mots. Une oeuvre du peintre australien John Brack (1920-1999), membre du groupe des Antipodeans.
Pour l'accompagner, un extrait de "Psychologie des foules" (1895), de Gustave le Bon (1841-1931).
Les civilisations n'ont été créées et guidées jusqu'ici que par une petite aristocratie intellectuelle, jamais par les foules. Les foules n'ont de puissance que pour détruire. Leur domination représente toujours une phase de barbarie. Une civilisation implique des règles fixes, une discipline, le passage de l'instinctif au rationnel, la prévoyance de l'avenir, un degré élevé de culture, conditions que les foules, abandonnées à elles-mêmes, se sont toujours montrées absolument incapables de réaliser.
Par leur puissance uniquement destructive, elles agissent comme ces microbes qui activent la dissolution des corps débilités ou des cadavres. Quand l'édifice d'une civilisation est vermoulu, ce sont toujours les foules qui en amènent l'écroulement. C'est alors qu’apparaît leur principal rôle, et que, pour un instant, la philosophie du nombre semble la seule philosophie de l'histoire.
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