In girum imus nocte et consumimur igni

In girum imus nocte et consumimur igni
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samedi 18 février 2012

Pieter Brueghel - Jeux d'enfants (1560)
Une image et des mots. L'image est une peinture sur bois de Pieter Brueghel l'Ancien (c.1530-1569), conservée au Musée d'histoire de l'art de Vienne.
Chaque homme cache en lui un enfant qui veut jouer, disait Nietzsche.
J'ai pensé à cet extrait de Belle du Seigneur (1968), d'Albert Cohen.

Dans la salle des pas perdus, les ministres et les diplomates circulaient, gravement discutant, l'oeil compétent, convaincus de l'importance de leurs fugaces affaires de fourmilières tôt disparues, convaincus aussi de leur propre importance, avec profondeur échangeant d'inutiles vues, comiquement solennels et imposants, suivis de leurs hémorroïdes, soudain souriants et aimables. Gracieusetés commandées par des rapports de force, sourires postiches, cordialités et plis cruels aux commissures, ambitions enrobées de noblesse, calculs et manoeuvres, flatteries et méfiances, complicités et trames de ces agonisants de demain.

dimanche 12 février 2012

Steve McCurry - Afghan girl (1984)
Le vide-grenier du dimanche. Après la publication de juin 2011, voici deux nouveaux clichés du photo-journaliste américain Steve McCurry (b.1950) ; et pourquoi écarter, au motif qu'il est célébrissime, son portrait de Sharbat Gula ?
Connu sous le titre de l'Afghane aux yeux verts, c'est celui d'une fillette de 13 ans au regard intense, rencontrée dans un camp de réfugiés au début de l'invasion soviétique. Ses parents ont été tués, et ce que McCurry nous montre ici de la guerre, ce ne sont pas des géographies dévastées; juste sa marque sur les visages.

Steve McCurry - Bombay (1993)
Photography is a way of understanding the world.

Les photos de Steve McCurry révèlent la vraie couleur du monde. Elles sont tellement justes et belles qu'il est bien difficile de n'en choisir que deux pour donner à voir tout son talent et son humanité : une enfant dans une école de la vallée de l'Omo, en Éthiopie, une autre en Inde, blottie contre un mur pour se protéger, mais en vain, de la pluie, ou bien une autre encore qui porte sur elle le poids d'un monde qui n'est pas fait pour un enfant.
C'est finalement ce cliché d'une mère avec son enfant, sous le déluge de la mousson. Le dehors et le dedans, l'intempérie et le refuge, la misère et la boucle d'une ceinture de sécurité inemployée...
BS3
ICI

dimanche 5 février 2012

O. Redon - Cinq papillons (1912)

Le vide-grenier du dimanche. Deux oeuvres du peintre et graveur symboliste Odilon Redon (1840-1916). Il commence son parcours artistique par de brèves études aux Beaux-Arts de Bordeaux, insatisfait par le cadre formel de l'apprentissage académique.
C'est donc en autodidacte qu'il découvre l'estampe japonaise et les oeuvres de Gustave Doré et de Gustave Moreau.

O. Redon - La barque mystique (1890)
Redon a également été inspiré par l'étude de la littérature et de la philosophie, mais aussi par la science - notamment à travers sa rencontre et son amitié avec le botaniste Armand Claveau, puis la parution de "L'Origine des espèces" de Charles Darwin -, qui ont nourri les thèmes symbolistes et les univers fantastiques qu'il allait incorporer à ses oeuvres.
C'est tout cela, ajouté à son appartenance à une famille très croyante, la découverte des chants sacrés qui "lui révélaient un infini sans mélange, découvert comme un absolu réel, le contact avec l'au-delà", qui vont mener sa peinture "aux confins d'un monde imperceptible".

samedi 4 février 2012

(A/U)
Une image et des mots. "Il est tard, levez-vous. Dans la rue un refrain vous appelle et vous dit "Voici la vie réelle", écrit Robert Desnos dans un de ses poèmes (Le réveil, 1944).

Il y a suffisamment d'indices sur cette photographie dont j'ignore l'auteur pour nous permettre de déterminer si ce monsieur aux souliers bien cirés est un tapeur de vitre parisien ou un "knocker-upper" londonien.
Peu importe, car cet office depuis longtemps disparu était - ici et là-bas - le même : de la main ou du bout d'une perche, il s'agissait de taper de bon matin au carreau de qui avait la veille demandé à être réveillé.... ou de qui devait l'être pour prendre son tour à l'usine.
Le poème qui suit est de Roberto Juarroz, extrait de Poésie verticale.

Llamamos desde un lado de la puerta,
desde afuera hacia adentro.
Después llamamos desde el otro lado,
desde adentro hacia afuera.
Aguardamos entonces las respuestas
y no llega ninguna.
Tal vez cada respuesta esté esperando a la otra.

***
On frappe d'un côté de la porte,
du dehors vers dedans.
Puis on frappe de l'autre côté,
du dedans vers dehors.
On attend alors les réponses
et aucune n'arrive.
Il se peut que chaque réponse
attende l'autre.

dimanche 29 janvier 2012

Reg Smythe - Andy Capp
Le vide-grenier du dimanche. Comme chaque année depuis l'ouverture de ce blog, je profite du Festival international de la bande dessinée d'Angoulême pour évoquer deux héros de mon enfance et de mon adolescence. Aujourd'hui, tous les deux sont britanniques.

G. Campion - Battler Britton
Le premier, créé par Reg Smythe (1917-1998), je l'ai découvert je crois dans l'irremplaçable et irremplacé Charlie Mensuel, en même temps que Lil'Abner et bien d'autres... C'est Andy Capp, que Flo attend invariablement avec le rouleau à pâtisserie quand il rentre du pub..
Le second, bien plus glorieux, est un héros plus avouable :
Battler Britton était une création du dessinateur Geoff Campion et du scénariste Mike Butterworth, mais de nombreux dessinateurs européens ont collaboré à ses aventures. Parmi eux, un certain....... Hugo Pratt !

samedi 28 janvier 2012

F. de Knibbergen - Paysage de dunes (1665)
Une image et des mots. La peinture hollandaise est source de silence, disait Claudel.... 
J'ai pensé à ce beau paysage du hollandais François de Knibbergen (1596-1674) après avoir lu dans le n°165 de Poétique un bel article de Cyril Le Meur, intitulé Le silence du texte et dont voici un extrait.

Le silence dont je parle n'est pas l'antagonique de la parole ni de la "langue naturelle", mais l'envers radical de tout ce qui a fait bruit et spectacle dans la généalogie de l'humanité. Le silence corollaire des "choses utiles" de Bonaventure d'Argonne, le silence coextensif au travail social millénaire, dont on sait qu'il est parfaitement indit et inécrit... le silence des esclaves. 
Georges Bataille a dit fort bien que toute notre culture était issue non des faits d'armes, non des poèmes, des illuminations, des harangues, des transcriptions bénédictines ou des manières de cour, mais du labeur immémorial et quotidien des hommes et des femmes au travail, ce qui est dire, pendant des milliers d'années, des esclaves. La reproduction silencieuse de leur existence, au long de centaines de générations, a mobilisé toutes les ressources de l'esprit humain. 
En silence, ils ont résolu presque tous les problèmes posés à l'humanité. Comparé à leur silence, le bruit des salves, des trônes et des oraisons ne fut que pétarade stérile et babillage d'enfants. La civilisation humaine fut créée par une humanité effacée, disparue dans la pliure de l'Histoire ; nous sommes faits de ce formidable silence.