In girum imus nocte et consumimur igni

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samedi 5 juin 2010

Georges Rinhart
Une image et des mots. En découvrant cette belle photographie (c.1925) de George Rinhart, je me suis souvenu d'un poème de Georges Perros qui m'avait déconcerté par sa tonalité et par sa forme mais qui pourtant - ou peut-être aussi pour cette raison - m'avait durablement marqué.
En voici un extrait:

"Elle se croyait en bateau
C’est vrai nous allions en Égypte
Elle s’ennuyait et un soir
après avoir pris frais marin
me dit Ah tu n’es pas un homme
Elle me tutoyait soudain
parce qu’au bord de sa cabine
elle me proposait d’entrer
d’un air à en avoir plusieurs
et que je refusai L’envie
d’être seul me bouleversant
comme il arrive très souvent
chez les natures dans mon genre
Puis je n’aimais pas son mari
acteur comme elle était actrice
et n’avais nul désir d’aller
où cet homme trouvait prétexte à jouir
Bien sûr je me tus
sur les raisons de mon refus
et préférai la décevoir
sur ce bateau par un grand soir
où nous nous croyions sur la mer
alors qu’en fait l’amour n’a pas
de lieu privilégié pour naître…
[…..]
Enfin ce fut Alexandrie
le moins du monde ma patrie
assiette plate au ras des flots
si contraire à toi l’Angleterre
comme une gorge en mal d’angine
raide en sa toute autorité
Et l’immense terre d’Afrique
nous prit dans son odeur de bouc
bakchich monsieur et la misère
de tous ces gosses mains tendues
vers les nôtres occidentales
Au Caire elle revit les siens
et moi les miens dire personne
serait peu tant les comédiens
avec lesquels je travaillais
à dire deux mots dans Molière
m’étaient étrangers Je partis
visiter Louxor et les Rois
Elle tint à m’accompagner
aucun de ses amis n’ayant
goût pour ces très hautes merveilles
Ce fut notre dernier voyage
Je la laissai reprendre corps
elle avait du tempérament
mais je n’aime pas qu’on me presse
Toute femme est un aliment
d’abord à sentir caresser
avant l’avalement des restes
Il m’arrive de la revoir
dans les journaux car elle joue
toujours Phèdre et Bérénice
Tant mieux pour elle et salut bien
."