In girum imus nocte et consumimur igni

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samedi 17 janvier 2015

The Hoecker Album - Laughing at Auschwitz (1942)
Une image et des mots.
- Tout homme est disposé à faire des actions variées, et on ne peut exclure que le Mal, dans des conditions spéciales s'y développe. Mais par chance, vous et moi...
- Ah, moi je ne sais pas!
- De toute façon moi non plus je ne sais pas. Personne d'entre nous ne sait...
Gustaw Herling, Variations sur les ténèbres (1999).


À quelques jours de commémorer le 70ème anniversaire de la libération par l'Armée Rouge du camp d'Auschwitz, voici une image tirée d'un album-souvenir ayant appartenu à l'officier SS Karl Hoecker (au centre). Ces visages hilares sous l'averse sont ceux d'une partie du personnel du camp d'extermination qui s'amuse pendant une pause. Car cette photo n'a pas été prise avant l'holocauste, ni après..., mais pendant ; et elle porte la légende suivante : Regen aus heiteren Himmel (une pluie dans un ciel clair).
Ce qu'illustre ce cliché c'est le concept, développé par la philosophe Hannah Arendt, de la banalité du mal. Ces gens ne ressemblent pas à des monstres; ils ressemblent à des centaines de millions d'insouciants sympathiques qui constituent sous toutes les latitudes le ventre mou de l'humanité, tous ceux parmi nous qui disent "oh moi la politique.." ou bien encore "je ne fais qu'obéir aux ordres...", et qui sur un air d'accordéon s'amusent pendant que fument les cheminées des fours.
Ce gens aux visages rayonnants, et qui goûtent un moment de détente dans une journée monstrueuse, sont-ils nés inhumains ? Sont-ils, par le plus terrifiant des hasards, l'impossible réunion au même moment et au même endroit des pires psychopathes que la terre ait portés ? Non, sans doute. Ces visages sont ceux de gens ordinaires. Et si nous non plus "on ne fait pas de politique", si nous aussi "on ne fait qu'obéir aux ordres", ces visages peuvent être les nôtres.
Des idées de lectures? Eichmann à Jérusalem ; rapport sur la banalité du mal (1963), d'Hannah Arendt, ou encore Un si fragile vernis d'humanité ; banalité du bien, banalité du mal (2005), de Michel Terestchenko.