In girum imus nocte et consumimur igni

In girum imus nocte et consumimur igni
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samedi 18 janvier 2025

R. Lalique - La femme ailée (1900)
Une image et des mots. Cette merveille Art nouveau du maître joaillier René Lalique porte le même nom qu'une nouvelle de Izumi Kyôka ; celle-ci raconte l'histoire d'un enfant qui vit avec sa mère près d'un pont.
Elle lui enseigne que les réactions humaines n'ont pas plus de valeur que celles des animaux...

"Ah, madame! Comme j'aimerais devenir un animal ! Il faut croire qu'ils sont tous des bêtes et que ce singe est l'un des leurs! Ils lui ont donné à manger, tandis qu'à moi, humain, ils n'ont pas prêté la moindre attention !" avait-il dit en jetant un regard courroucé autour de lui. Nul doute que ce vieil homme, lui, comprenait...
Non ! Il ne s'agissait pas pour lui de comprendre, il savait, sans avoir à le dire, que les hommes sont des animaux, m'expliquait ma mère.

dimanche 12 janvier 2025

S. Steinberg - Dancers
Le vide-grenier du dimanche. Deux oeuvres de l'illustrateur et dessinateur de presse Saul Steinberg (1914-1999), figure inclassable de l’art du XXe siècle. Célèbre notamment pour sa collaboration de plus de 50 ans avec The New Yorker, il y a redéfini les frontières entre humour graphique et art conceptuel. Né en Roumanie dans une famille juive, Steinberg a étudié la philosophie à Bucarest puis l’architecture en Italie, mais les lois antisémites de Mussolini le contraignent à l'exil ; il rejoint alors les États-Unis sans papiers, une expérience qui a profondément influencé son œuvre marquée par une réflexion constante sur l’identité, le déplacement et les frontières.

Saul Steinberg - Self portrait
Ses dessins emblématiques, comme la célèbre couverture View of the World from 9th Avenue (1976) - illustration satirique de la perception new-yorkaise du reste du monde -, sont immédiatement reconnaissables. Mais limiter Steinberg au rôle de dessinateur serait réduire considérablement la portée de son œuvre ; son style, à la fois minimaliste et riche de sens, mêle souvent des éléments de cartographie, de typographie et de narration visuelle pour commenter la condition humaine, les absurdités sociales et la complexité des identités culturelles. Proche de l’expressionnisme abstrait américain, et contemporain d’artistes comme Jackson Pollock et Willem de Kooning, il partageait leur quête de liberté formelle tout en restant inclassable : « Je ne suis pas entièrement dans le monde de l’art, ni dans le monde de la bande dessinée, ni dans celui des magazines, parce que le monde de l’art ne sait pas où me placer. »
Ses liens avec d’autres figures exilées comme Samuel Beckett, Alberto Giacometti et Eugène Ionesco ont enrichi son regard ironique et incisif sur le monde ; l'œuvre de Steinberg, "dessinateur de l'invisible", constitue un espace de réflexion plein d'humour et de profondeur sur la complexité des appartenances et la nature protéiforme de l’art.

dimanche 5 janvier 2025

Fred Lyon - San Francisco
Le vide-grenier du dimanche. Deux clichés du photographe américain Fred Lyon (1924-2022), "le Brassaï de San Francisco", dont l’œuvre incarne l’essence unique de la City of the Bay. Après un apprentissage précoce dans un studio-photo à l'âge de 14 ans, il étudie au prestigieux Art Center School de Los Angeles où il côtoie Ansel Adams (voir avril 2010, déc.2018, et mai 2019). D'un voyage à Yosemite avec le grand photographe paysagiste, et accompagné d'un groupe d'étudiants, il retient deux enseignements : une maxime du maître — "Il n’y a rien de pire qu’une image très nette d’un concept très flou" — et la certitude qu'il ne pourra jamais l'égaler dans le domaine du paysage. Mon sentiment était que je ne pourrais jamais apprendre tout ce qu’Ansel savait. Je ne pourrais jamais être plus qu’un Ansel Adams miniature si j’essayais d’être comme lui. Je n’allais jamais devenir photographe de paysage.

F.L. - Novelty shop (1949)
Fred Lyon choisit donc une voie radicalement opposée, intégrant des éléments urbains et humains dans ses clichés. Sa carrière, débutée dans les années 1940, explore les domaines du photojournalisme, de la mode, de l’architecture et de la publicité. Il capture avec maestria l’atmosphère brumeuse et cinématographique de San Francisco, immortalisant ses rues, ses ponts, ses scènes du quotidien dans des photographies noir et blanc empreintes de nostalgie. Celles-ci seront magnifiquement rassemblées dans son ouvrage San Francisco Noir (2020), disponible dans votre petite librairie indépendante. Ayant également servi comme photographe dans la marine américaine durant la Seconde Guerre mondiale, Lyon poursuivit ensuite une très honorable carrière en collaborant avec des magazines prestigieux comme Vogue et LIFE.
Par sa capacité à saisir l’âme d’une époque, et son profond attachement à sa ville natale qu’il considérait comme une source d’inspiration inépuisable, Fred Lyon est devenu l’un des grands chroniqueurs visuels de San Francisco.

samedi 4 janvier 2025

Antoine Roegiers - De l'autre côté (2024)
Une image et des mots. Une oeuvre d'Antoine Roegiers (b.1980) dont je viens de découvrir le travail à l'occasion de l'exposition que lui a consacrée du 30 octobre au 21 décembre la galerie Templon, à Paris.
Ce tableau m'a rappelé un passage de Traces (1959), de Ernst Bloch :

Un jour, dit-on, des paysans furent surpris aux champs par l'orage. Ils se mirent à l'abri dans une grange, mais la foudre, loin de s'éloigner, tournait en cercle autour de la cabane. Alors les paysans comprirent que la foudre visait l'un d'entre eux, et ils convinrent d'accrocher leurs chapeaux devant la porte. Celui dont le chapeau serait le premier arraché par l'orage devait être jeté dehors afin que les innocents ne périssent point pour le péché d'un seul. À peine les chapeaux furent-ils accrochés au-dehors qu'un coup de vent emporta le chapeau du paysan Li l'entraînant au loin à travers champs. Aussitôt les paysans jetèrent dehors le paysan Li ; et à l'instant même la foudre frappa la cabane, car Li était le seul juste.

dimanche 29 décembre 2024

I.K. - Vers Iganaki, Tsugaru-shi
(1960)
Le vide-grenier du dimanche. Deux clichés de Ichirō Kojima (1924-1964), un photographe japonais de l'après-guerre, connu pour ses représentations poétiques et mélancoliques de la vie rurale dans le nord du Japon, en particulier dans les régions de Tōhoku et d'Aomori.
Son œuvre, profondément ancrée dans la tradition et le paysage japonais, se distingue par une maîtrise exceptionnelle du noir et blanc, où la lumière, les ombres, et les textures produisent une atmosphère à la fois intemporelle et poignante.

I.K. - Vers le nord, depuis le nord
Kojima a su sublimer la simplicité et la dureté du quotidien, photographiant des pêcheurs, des agriculteurs, des scènes de neige et de mer, avec une sensibilité qui évoque autant l'introspection personnelle que l'attachement aux racines culturelles. 
Malgré une carrière brève, fauchée par sa mort prématurée à 39 ans, son travail, qui illustre la beauté austère et l'âme profonde des paysages et des gens du nord du Japon, continue d’être célébré comme une contribution essentielle à la photographie nippone.

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