In girum imus nocte et consumimur igni

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dimanche 9 février 2020

Franz Kafka - Le penseur (1913)

Le vide-grenier du dimanche. L'art, disait Kafka (1883-1924), est comme la prière, une main tendue dans l'obscurité, qui veut saisir une part de grâce pour se muer en une main qui donne. Voici deux de ses oeuvres. Elles font partie de ces dessins - il les appelait "gribouillages" -, qu'il a réalisés entre 1091 et 1907 et qui ont été exhumés l'an dernier des coffres d'une banque zurichoise.

Kafka - Sans titre
Dans une de ses conversations avec Gustav Janouch, traduites et publiées chez Maurice Nadeau en 1998, qui s'étonnait de la réticence de Kafka à montrer ses dessins, ce dernier lui répondit ceci :
Ces dessins ne sont pas aussi innocents qu’ils en ont l’air. Ils sont les vestiges d’une ancienne passion profondément enracinée. C’est pourquoi j’ai essayé de te les cacher… Ce n’est pas sur le papier. La passion est en moi. J’ai toujours voulu savoir dessiner. Je voulais voir, et retenir ce que je voyais. C’était ma passion.

samedi 5 mars 2011

E. J. Gregory - Boulter's lock (1898)
Une image et des mots. L'image c'est ce tableau d'Edward John Gregory (1850-1909), intitulé  Boulter's lock.
Cette écluse située sur la Tamise, dans le Berkshire, était au 19ème siècle et jusqu'au début du 20ème un site très prisé des amateurs de canotage, particulièrement lors des dimanches ensoleillés après Royal Ascot.
Les mots sont issus du journal de Kafka ...

"Il se souvient d'une image qui représentait un dimanche d'été sur la Tamise. Toute la largeur du fleuve était occupée sur une bonne distance par des barques qui attendaient l'ouverture d'une écluse.
Il y avait dans toutes les barques de joyeux jeunes gens aux vêtements clairs et légers, ils étaient presque couchés, abandonnés sans contrainte à l'air tiède et à la fraîcheur de l'eau. Grâce à ce qu'ils avaient en commun, leur sociabilité ne se limitait pas à chaque barque isolée, les joyeux propos et les rires se communiquaient d'une barque à l'autre
".

samedi 6 février 2010

Une image et des mots. J'ai découvert par hasard ce petit film d'animation, ici, qui bien sûr, et malgré une tonalité sans doute plus proche de Kafka que de Borges, évoque immédiatement les aberrations spatiales d'Escher.
À quelle connaissance de l'espace et de l'objet notre perception nous permet-elle d'accéder ? Nous savons que ces moines ne gravissent ni ne descendent cet escalier impossible, inspiré du triangle paradoxal de Penrose, ici, mais peut-on le "voir" ?

Escher - Ascending and descending
(lithographie 1960)
Peu importe; c'est à l'infini, et à l'idée de l'éternel retour, qu'Escher nous confronte.

« Le temps peut-il être enclos dans le mouvement nécessaire d’une liaison logique? » s’interrogeait le philosophe mathématicien - et marxiste - Pierre Raymond (in La résistible fatalité de l'histoire)

Pour aller plus loin dans la réflexion à laquelle invite le travail du graveur hollandais, un livre de Douglas Hofstadter ici.
Plus qu'une mise en relation des mathématiques, des arts, et de la musique, il s'agit ici d'étudier dans quels mécanismes neurologiques cachés la cognition trouve son origine.

Et, pour découvrir l'oeuvre d'Escher, c'est ici.


Et si un jour ou une nuit, un démon se glissait furtivement dans ta plus solitaire solitude et te disait : ” Cette vie, telle que tu la vis et l’a vécue, il te faudra la vivre encore une fois et encore d’innombrables fois; et elle ne comportera rien de nouveau, au contraire, chaque douleur et chaque plaisir et chaque pensée et soupir et tout ce qu’il y a dans ta vie d’indiciblement petit et grand doit pour toi revenir, et tout suivant la même succession et le même enchaînement – et également cette araignée et ce clair de lune entre les arbres, et également cet instant et moi-même. Un éternel sablier de l’existence est sans cesse renversé, et toi avec lui, poussière des poussières !
Friedrich Nietzsche, Le Gai Savoir

"Nous reviendrons avec le cours des choses réversibles, avec la marche errante des saisons, avec les astres se mouvant sur leurs routes usuelles [...]
[...] et les signes qu'aux murs retrace l'ombre remuée des feuilles en tous lieux, nous les avions déjà tracés."
Saint-John Perse, Vents