In girum imus nocte et consumimur igni

In girum imus nocte et consumimur igni
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dimanche 26 février 2023

L.M. - Pêcheurs en hiver

Le vide-grenier du dimanche. Deux oeuvres du peintre allemand Ludwig Munthe (1841-1896). Né en Norvège, Munthe étudie d’abord à Bergen sous la direction de Franz Schiertz, avant de s’installer à Düsseldorf, où il devient l’élève du paysagiste Albert Flamm à la Kunstakademie ; c'est à cette École de Düsseldorf, haut lieu du paysage romantique européen du XIXᵉ siècle, qu’il est généralement rattaché.
L.M. - Paysage d'hiver (1863)

Peintre avant tout de paysages animés de petites figures (le staffage), Munthe accordait souvent aux personnages un rôle secondaire, simples présences humaines dans l’immensité de la nature. C’est peut-être pour cela que j’aime particulièrement cette toile représentant des pêcheurs au rivage, où l’équilibre entre l’homme et le paysage paraît, pour une fois, plus intime et plus touchant.

GH1
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dimanche 19 février 2023

K. Sluvan - Lettonie (2002)

Le vide-grenier du dimanche. Deux clichés du photographe franco-slovène Klavdij Sluban (b.1963). Né à Paris, il passe son enfance dans un petit village slovène avant de revenir en France pour ses études. Titulaire d’une maîtrise de littérature anglo-américaine, il séjourne un an en Italie grâce à une bourse d’agrégation.
Il se passionne pour la photographie dès l’adolescence, qu’il apprend en autodidacte, avant d’effectuer un stage de tirage noir et blanc chez Georges Fèvre, le tireur de Cartier-Bresson, Koudelka, Doisneau et Lartigue.
Installé quelque temps avec sa famille dans la campagne slovène, il traduit de la poésie avant de devoir repartir à cause de la guerre en Yougoslavie et de la sécession de la Slovénie. De retour en France, il décide de se consacrer entièrement à la photographie.
K. Sluvan - Ukraine (1998)

Cherchant à comprendre ce qui se passe dans son pays d’origine, il repart vers les zones de combat - sans y prendre de clichés :
« Je voulais comprendre, mais je n’ai pas compris pourquoi un homme saisit un fusil et court tuer son voisin. Parce que c’était ça, la guerre en Yougoslavie, déclarée un beau jour, par une belle matinée ensoleillée. Voilà. Je n’étais pas reporter de guerre. Il y avait certaines photographies que je pouvais faire, et d’autres que je ne pouvais pas. » (in La nouvelle chambre claire). Photographe indépendant, sac au dos, sans agence ni production, Sluban voyage seul - à l’exception d’un périple dans les Balkans avec François Maspéro -, privilégiant l’expérience à la recherche du sensationnel :
« Ce qui est important pour moi dans la photo, c’est la trace qu’elle laisse en moi. »
En 1995, il anime un atelier au Centre des jeunes détenus de Fleury-Mérogis et invite Henri Cartier-Bresson à l’exposition du travail réalisé ; celui-ci viendra à plusieurs reprises encourager les participants. Cette expérience marque le début d’un long engagement : Sluban mènera par la suite des ateliers photo pour jeunes détenus dans de nombreux pays de l’ex-URSS et en Serbie, mais aussi en Irlande, au Guatemala et au Salvador auprès des gangs de maras.

TN3
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samedi 18 février 2023

Anonyme Souabe
Portrait de femme de la famille Hofer (c.1470)
Une image et des mots. Que fait cette mouche, née de la décomposition et créature de Belzébuth, prince des démons, sur la coiffe de cette belle dame ?
On la retrouve sur le Portrait d'un Chartreux, de Petrus Christus.

Maybe there is a beast, maybe it's only us...
Je pense au terrible roman de William Golding, Lord of the Flies (1954), traduit en français sous le titre Sa Majesté des Mouches.

- Oui, c'était comme ça au début, répliqua Ralph, avant que les choses... Il s'interrompit.
- Au début, on s'entendait.
L'officier l'encouragea du menton.
- Oui, je comprends. La belle aventure. Des Robinsons...
Ralph fixa sur lui des yeux vides. Il se remémora dans un éclair le charme étrange qui avait autrefois baigné cette plage. Mais l'île n'était plus qu'un amas de bois mort, calciné. [...] Les larmes lui jaillirent des yeux et des sanglots le secouèrent. [.....] Ralph pleurait sur la fin de l'innocence, la noirceur du coeur humain...

dimanche 12 février 2023

J-P. B. - Jesus and Mary, Dublin (2019)

Le vide-grenier du dimanche. Deux clichés du photographe américain Joseph-Philippe Bevillard (b.1964). Né à Boston, il vit en Irlande depuis 2000.
Il se met à la photographie en 1984, à l’âge de vingt ans, puis étudie l’art pendant deux ans au Rochester Institute of Technology de New York, avant de poursuivre sa formation à l’Art Institute de Boston à partir de 1990.

J-P.B. - Biddy, Tipperary (2020)
Parmi ses influences, Bevillard cite Diane Arbus, Richard Avedon, Brassaï, August Sander ou encore Paul Strand. Comme eux, il s’intéresse aux gens 
« pas comme les autres » : les fêtards, les exclus, les marginaux, les gens de la rue. Au début des années 2000, il s’installe en Irlande, où il entreprend de documenter la vie des gens du voyage - les Tinkers, ou Mincéirs - avec la volonté de produire ce qu’il appelle des « images honnêtes ».
Les photographies de Bevillard frappent par leur authenticité et leur humanité : il parvient à capturer la dignité, les émotions et la réalité quotidienne de ses sujets sans aucun artifice, tout en révélant leur singularité et leur résilience. Il a passé des années à gagner la confiance de cette communauté souvent stigmatisée, réalisant ainsi des portraits d’une rare intimité.
"Je crois qu'un bon portrait doit être en mesure de montrer ce qu'une personne a été, ce qu'elle est, et ce qu'elle sera".

AS1

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dimanche 5 février 2023

P.J. - Le charmeur de serpents (1887)
Le vide-grenier du dimanche. Deux oeuvres de Paja Jovanovic (1859-1957), figure majeure - avec Uros Predic - du réalisme et de la période académique serbe, et auteur d'une œuvre qui a profondément marqué l'histoire de l'art dans les Balkans.
Formé à l'Académie des beaux-arts de Vienne, il est influencé par le réalisme académique européen et par l'orientalisme, ce mouvement artistique qui idéalisait et exotisait les scènes de l’Orient, en vogue au XIXe siècle.
P.J. - La proposition

C'est un genre que j'ai toujours regardé avec un mélange de fascination et de réserve. D’un côté, cette esthétique souvent très appuyée, presque décorative et parfois même un peu kitsch, me laisse plutôt dubitatif ; elle évoque pour moi ces bibelots d’un exotisme un peu daté, voire de mauvais goût...
Mais d’un autre, impossible de ne pas être happé par ces visions d’ailleurs, par cette évocation d’un monde de voyages et de découvertes, à une époque où le mot “tourisme” n’existait pas encore. Ces toiles font rêver à un Orient fantasmé - celui des routes lointaines, des couleurs et des mystères, celui de Salammbô, des Lettres persanes et des Mille et une nuits - un Orient de papier, peut-être, mais qui continue d’attiser le désir de départ.
On ignore à quelle date fut réalisée la deuxième de ces toiles, qui fait partie d'une collection privée. Aux fleurs apparemment jetées au sol, on peut penser que la jeune femme d'abord assise à côté de son soupirant s'est brusquement levée. S'est-il montré trop entreprenant ?
Pour les femmes, vulnérables au murmure de l'âme, l'art de la séduction est fait de délicatesse, disait Romain Gary.

samedi 4 février 2023

Ken Schles - Untitled

Une image et des mots. La photo est de Ken Schles, dont j'ai déjà présenté deux clichés en octobre 2010.
Les mots sont de la poétesse argentine Alejandra Pizarnik (1936-1972).

Sólo la sed
el silencio
ningún encuentro.
Cuídate de mí amor mío
cuídate de la silenciosa en el desierto
de la viajera con el vaso vacío
y de la sombra de su sombra.

***
Rien que la soif
le silence
aucune rencontre.
Méfie-toi de moi mon amour
méfie-toi de la silencieuse dans le désert
de la voyageuse au verre vide
et de l'ombre de son ombre.

Peter Turnley Le vide-grenier du dimanche. Deux clichés du photographe américain Peter Turnley (b..1955). P.T. - La Tartine, Paris (2025)