In girum imus nocte et consumimur igni

In girum imus nocte et consumimur igni
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dimanche 29 octobre 2017

Wols - Portrait de Nina Engel (1932)
Le vide-grenier du dimanche. Un beau portrait, et une aquarelle et encre de Chine : deux oeuvres de l'artiste allemand multi-facettes Wols, pseudonyme d'Alfred Otto Wolfgang Schulze (1913-1951). 
Exilé à Paris dans les années 1930 pour fuir le nazisme, il y rencontre Fernand Léger, Calder, Giacometti, et la nébuleuse surréaliste. Il commence par pratiquer la photographie, où son goût pour le détail, le fragment et les jeux de texture lui donne déjà une voix singulière. Interné dans plusieurs camps durant la guerre, il survit dans des conditions précaires et se tourne alors vers la peinture et l’aquarelle.
Wols - L'inaccessible rocher (1940)

Son œuvre picturale, faite de signes nerveux, de matières organiques et d’écritures indéchiffrables, l’impose après 1945 comme l’une des figures fondatrices de l’art informel.
Jean-Paul Sartre voit en lui l’exemple d’une peinture de l’immédiateté, sans projet ni transcendance, juste une pure émanation de l’instant. Brève mais décisive, l’œuvre de Wols oscille entre chaos et poésie, désespoir existentiel et liberté de geste, et influencera durablement l’abstraction européenne d’après-guerre. "L'image, disait-il, peut avoir une relation avec la nature comme une fugue de Bach avec le Christ. Alors ce n'est pas une imitation, mais une création analogue."
Sa vie chaotique, marquée par l’errance et l’alcool, s’achève prématurément en 1951, après l’ingestion d’une viande avariée. Pour en savoir plus, c'est ICI.
RA1

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dimanche 22 octobre 2017

Lee Acaster - Breakthrough (2015)
Le vide-grenier du dimanche. Deux clichés de l’anglais Lee Acaster (b.1972), photographe amateur passionné - selon ses propres mots - par le paysage.
Je l’ai découvert avec une photographie de nuit de Londres, en noir et blanc : au centre, la silhouette du Tower Bridge sur le ruban argenté de la Tamise ; assez pour me donner envie d’en voir davantage. J’ai pourtant hésité avant d’en parler ici. La photographie « artistique » n’occupe qu’une place très modeste dans ce blog, consacré surtout à la photo documentaire, à la photographie de rue - en dehors bien sûr de la peinture. J’admire volontiers les très beaux portraits ou les paysages spectaculaires qui abondent dans les grands magazines de voyage ou de géographie : c’est splendide, mais il me manque quelque chose. Je suis souvent émerveillé, mais rarement touché… Ou peut-être si, mais d’une autre manière.
L.A. - Tempest (2015)

Dans les images de Lee Acaster, il me semble trouver autre chose..., au-delà du simple pittoresque. C’est bien sûr une impression subjective - il ne peut pas en être autrement - mais c’est ce sentiment qui a dicté mon choix de le présenter aujourd’hui. Entre réalisme et lyrisme, son regard introduit comme une gravité discrète, quelque chose de plus intérieur qui extrait ses paysages du seul registre décoratif.
In photography terms, I think I often see the landscape with a slightly darker view than some… I'm naturally drawn to those elements that have a sense of disquiet and tension about them, and often make them the subject of my images.
« Chaque paysage est un état d’âme », écrivait Amiel dans son Journal, édité tardivement en 1994.
JC1

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samedi 21 octobre 2017

   
Patricia Piccinini - The young family (2003)
 Une image et des mots. Pour les grecs anciens la Chimère est un animal fabuleux mi-chèvre mi-lion et dont la queue est un serpent. Sur l'ordre de Iobatès, de qui elle ravageait le royaume, elle sera mise à mort par Bellérophon chevauchant Pégase.

Par antonomase, elle désigne aujourd'hui un embryon hybride issu de souches animales et humaines, et fruit des recherches menées dans le monde médical dans le but de produire des organes propres à la transplantation. Des porcs ou des moutons pourront ainsi, par exemple, être porteurs de foies humains. Si nous n'en sommes pas encore aux créatures que rencontre le héros de HG Wells - Edward Pendrick - dans L'île du Docteur Moreau, ces travaux suscitent déjà de sérieuses inquiétudes au sein même de la communauté scientifique. Pourtant, les Instituts Nationaux de Santé nord-américains (NIH) ont décidé la levée des mesures prises en septembre 2015 qui visaient à interdire le financement de ces recherches par le gouvernement.
Bref..., après ces quelques digressions préliminaires que m'a d'abord inspirées cette image, voici les quelques lignes du mathématicien philosophe Gilles Châtelet, extraites de son pamphlet Vivre et penser comme des porcs (1999) auquel elle m'a fait penser.

L'heure allait bientôt sonner de remettre les pendules à l'heure! Il faudrait moins de trois ans pour dissiper le charme et assurer le triomphe des années 80, écoeurantes d'ennui, de cupidité et de bêtise, années des "révolutions conservatrices" néolibérales, années cyniques de Reagan ou de Thatcher... et de l'hypocrite trivialité de l'ère Mitterand, années de la contre-attaque planétaire des imbéciles ulcérés par l'arc-en-ciel de générosité et de liberté entrouvert pendant quinze ans. L'heure serait désormais celle de la Main invisible du marché, qui ne prend pas de gants pour affamer et broyer sans bruit, invincible parce que faisant pression partout et nulle part, mais qui pourtant, comme Dieu a besoin des hommes, avait besoin d'une voix. Elle était toute désignée.
La Contre-Réforme libérale, mercenaire zélé, allait offrir les services classiques de l'option réactionnaire, ceux d'une alchimie sociale capable de transformer en force politique ce qui finit toujours par exsuder des classes moyennes : crainte, envie et conformisme.

PF8
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dimanche 15 octobre 2017

D.G - Turquoise and velvet
(2017)
Le vide-grenier du dimanche. Deux oeuvres du peintre figuratif américain Daniel F. Gerhartz (b.1965), reconnu pour ses portraits et scènes intimistes, souvent baignés d’une lumière chaude et enveloppante. Natif de Kewaskum, dans le Wisconsin, formé à l’American Academy of Art de Chicago, il s’inscrit dans la tradition du réalisme romantique et du plein-air painting, tout en revendiquant l’héritage des grands maîtres du XIXᵉ siècle (Sargent, Sorolla, Zorn), mais aussi l'influence de nombreux impressionnistes américains et français.. Même si au bout du compte... soli Deo gloria ("à Dieu seul soit la gloire"), dit-il après JS Bach qui signait ainsi ses oeuvres....
D.G. - Clematis (2014)

My starting point when developing a painting is to consider the color harmony. [....] The success of my paintings hinges on the deliberate use of strong contrasts, a crucial factor that either elevates or diminishes the final outcome. I am deeply captivated by masterpieces examplifying this quality, such as those by renowned artists like Emile Friant from France.
Pour en savoir plus sur son travail et le connaître mieux, c'est ICI.
RP3

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dimanche 8 octobre 2017

S. Neshat - Women of Allah (1995)
Le vide-grenier du dimanche. Deux clichés de la photographe et vidéaste iranienne Shirin Neshat (b.1957), dont j'ai déjà présenté un cliché en juillet 2015.
Née en 1957 dans une famille aisée musulmane et partisane de la vision occidentaliste du Shah, elle a 22 ans lorsque éclate la révolution iranienne ; elle part alors en Californie où elle va étudier au Dominican College, puis à la University of California de Berkeley où elle obtient plusieurs diplômes dans des formations artistiques.
Shirin Neshat - Rapture (1999)

Elle part ensuite à New York pour y rejoindre une association, Storefront Art and Architecture, gérée par celui qui allait devenir son mari et au sein de laquelle elle va travailler pendant dix ans ; mais sa rencontre avec le milieu de l'art new yorkais est pour elle un échec.
Those ten years, I made practically no art, and the art I did make I was dissatisfied with and eventually destroyed.
En 1990, un an après la mort de Khomeiny, elle retourne dans son pays natal et éprouve un choc en découvrant le fossé qui sépare ce nouvel Iran de celui qu'elle a connu avant la révolution.
It was probably one of the most shocking experiences that I have ever had, confie-t-elle lors d'un entretien avec l'écrivaine et conservatrice d'art américaine Linda Weintraub. C'est de ce choc que va naître à partir de 1993 sa première oeuvre connue : Women of Allah.
PN3

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samedi 7 octobre 2017

Le papyrus de Rhind (British Museum)
Une image et des mots. La fragilité du papyrus fait qu'il reste peu de traces des connaissances mathématiques de la civilisation égyptienne, qui s'est étendue sur près de 4000 ans. C'est pour cette raison que le Papyrus de Rhind (1650 av. J.-C), du nom de l'avocat et égyptologue écossais Alexander Rhind qui l'acquit à Louxor en 1858, donne de précieuses indications sur l'étendue du savoir atteint par les Égyptiens en matière de calcul. Ce rouleau d'environ 6 mètres de long pour une largeur de 30 centimètres, écrit en hiératique, est conservé au British Museum. Désigné parfois sous le nom de Papyrus d'Ahmès, il contient 84 problèmes résolus d'arithmétique, d'algèbre, de géométrie et d'arpentage, et porte en exergue qu'il est "une étude approfondie de toutes les choses, un aperçu de tout ce qui existe, la connaissance de tous les secrets opaques". Pour en savoir plus, c'est ICI.
Et pour accompagner cette image, voici une fable proposée par Bertolt Brecht dans ses Histoires de Monsieur Keuner:

Trois jeunes gens arrivèrent chez un vieil arabe et lui dirent : "Notre père est mort. Il nous a laissé dix-sept chameaux et dans son testament a stipulé que l'aîné en recevrait la moitié, le cadet un tiers et le plus jeune un neuvième. À présent nous ne pouvons pas nous entendre sur le partage, à toi de prendre la décision!". L'Arabe réfléchit et dit: "À ce que je vois, pour pouvoir bien partager, il vous manque un chameau. Je n'ai moi-même qu'un seul et unique chameau, mais il est à votre disposition. Prenez-le et faites le partage, et ne me ramenez que ce qui restera".
Ils le remercièrent pour ce service d'ami, emmenèrent le chameau et partagèrent les dix-huit chameaux de sorte que l'aîné en reçut la moitié, ce qui fit neuf, le cadet un tiers, ce qui fit six, et le plus jeune un neuvième, ce qui fit deux. À leur étonnement, lorsqu'ils eurent mis de côté leurs chameaux il en restait un. Ils le ramenèrent, en renouvelant leurs remerciements, à leur vieil ami.
GF1
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dimanche 1 octobre 2017

Ralph Goings - Donuts (1995)

Le vide-grenier du dimanche. Deux oeuvres du peintre américain Ralph Goings (1928-2016), figure majeure de l'hyperréalisme - ou photoréalisme - américain. Son goût pour l’art naît pendant ses études secondaires, lorsqu’il découvre Rembrandt dans la bibliothèque municipale de Corning, la petite ville californienne où il grandit durant la Grande Dépression

R.G. - Lunch counter (1979)
Après son service militaire, il étudie au Hartnell College de Salinas, encouragé par l’aquarelliste Leon Kirkman Amyx, puis au California College of Arts & Crafts d’Oakland, aux côtés de Robert Bechtle, autre futur grand nom du photoréalisme.
Dans les années 1960, il fait un choix radical : tourner le dos à l’abstraction alors dominante. In 1963, I wanted to start painting again but I decided I wasn't going to do abstract pictures. It occured to me that I should go as far to the opposite as I could...
Le résultat..., une peinture froide, minutieuse, inspirée par la photographie et par les scènes les plus banales du quotidien américain : diners, camionnettes pick-up, fast-foods, intérieurs ordinaires baignés de lumière artificielle.
Proche de Richard Estes, Chuck Close ou Robert Bechtle, Ralph Goings participe dans les années 1970 à l’affirmation du photoréalisme, en marge des avant-gardes conceptuelles et minimalistes. Derrière la perfection glacée des surfaces, on peut lire une réflexion sur la standardisation de la vie moderne, mais aussi - peut-être - un hommage discret à la beauté prosaïque de l’Amérique ordinaire.

Peter Turnley Le vide-grenier du dimanche. Deux clichés du photographe américain Peter Turnley (b..1955). P.T. - La Tartine, Paris (2025)