In girum imus nocte et consumimur igni

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dimanche 2 juin 2019

Constant Puyo - Sans titre (1903)
Le vide-grenier du dimanche. Deux clichés de Constant Puyo (1857-1933), figure marquante du pictorialisme français. Officier de carrière, il se passionne très tôt pour la photographie et devient l’un des artisans de ce courant qui, à la charnière des XIXᵉ et XXᵉ siècles, cherchait à donner à la photographie la légitimité d’un art à part entière. À contre-courant de la netteté documentaire qui s’imposera ensuite, Puyo revendique le flou, les atmosphères vaporeuses, l’harmonie des lignes et des tonalités. Ses images évoquent parfois des pastels ou des estampes, et semblent vouloir capter moins la réalité brute que sa transfiguration poétique.
C.P. - Sommeil (1897)

Ce qui me touche dans ces clichés, ce n’est pas tant l’exercice de style ou l’expérimentation technique (usage de lentilles spéciales, de procédés pigmentaires), que l’ambition assumée : faire de la photographie un art de suggestion, capable d’émouvoir autant qu’une toile.
Dans un monde déjà fasciné par la précision mécanique, Puyo rappelle que l’art, même photographique, peut être affaire de mystère et de sensibilité.

BC1

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samedi 1 juin 2019

Sorrowing Adam, ivoire, art byzantin 10-11e siècle
Une image et des mots. "Sorrowing Adam", plaque d'ivoire byzantine du 10ème-11ème siècle (7 x 8 x 0,8 cm), conservée au Walters Art Museum de Baltimore,

"…. Je peux reconnaître que la mer et le vent ne manqueront pas de me survivre et que l’éternité se soucie peu de moi.
Mais qui me demande de me soucier de l’éternité ? Ma vie n’est courte que si je la place sur le billot du temps.
[…..] tout ce qui m’arrive d’important et tout ce qui donne à ma vie son merveilleux contenu :
la rencontre avec un être aimé, une caresse sur la peau, une aide au moment critique, le spectacle du clair de lune, une promenade en mer à la voile, la joie que l’on donne à un enfant, le frisson devant la beauté, tout cela se déroule totalement en dehors du temps. Car peu importe que je rencontre la beauté l’espace d’une seconde ou l’espace de cent ans. Non seulement la félicité se situe en marge du temps mais elle nie toute relation entre celui-ci et la vie
."
Stig Dagerman, Notre besoin de consolation est impossible à rassasier (1952)

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dimanche 26 mai 2019

A.C. Johnston - Tilly Losch
Le vide-grenier du dimanche. Deux clichés du photographe américain Alfred Cheney Johnston (1885-1971), dont le nom reste associé aux Ziegfield Follies (voir le film de Minnelli, en 1946), ces spectacles de Broadway dont il sera le photographe officiel du milieu des années 10 jusqu'à la fin des années 20. 
Ses clichés - souvent réalisés en studio, dans une lumière savamment maîtrisée - oscillent entre glamour, élégance et audace. Johnston excelle dans l’art de composer des poses qui allient grâce théâtrale et sensualité suggérée. Ses portraits de danseuses en costume de scène, ou parfois dénudées, gardent aujourd’hui encore un parfum d’insolence feutrée : celui des Années folles.

A.C. J. - Drucilla Strain
(c.1929)
Ce que je trouve intéressant, c’est que ces images, tout en étant conçues comme outils de promotion du spectacle, ont dépassé leur contexte pour devenir de véritables icônes. On y lit à la fois l’esprit d’une époque, fascinée par la modernité, la beauté et le divertissement, et la recherche d’un style photographique qui flirte avec l’art.
Le premier de ces deux portraits est celui d'Ottilie (Tilly) Losch, qui deviendra comtesse de Carnarvon, et était l'une des danseuses des Ziegfield Follies, avant de tâter du cinéma et de la peinture :
"My role of ballerina comes first. Second is my work as a choreographer. My acting comes third, my painting fourth. I rate my role as Lady Carnarvon fifth in importance simply because I can't think of anything interesting to put after painting".
Drucilla Strain, le second portrait,  était elle aussi une des innombrables Ziegfield girls et actrices photographiées par Johnston.
MF2

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samedi 25 mai 2019

Guy Rose - Carmel shore (1919)
Une image et des mots. "Carmel shore" (1919) est une toile du peintre impressionniste américain Guy Rose (1867-1925), ami de Claude Monet. 
Je l'ai choisie pour illustrer ces vers de la poétesse américaine (d'origine anglaise) Denise Levertov (1923-1997):

The sea’s repeated gesture

Stroking its blue shore
throughout the night, patient, patient,
determined rhetoric that never
persuades, the rocks unwilling
to be pebbles, nights and days and
centuries passing before the pebbles
dwindle to join the sand, the sand itself
at last barring the sea’s way
into the land, an island
forming from the silt. Yet still
all this night and all
the nights of our life the sea
stoking its blue shore,
patient, patient.


Denise Levertov

***

Le geste répété de la mer

Caressant son rivage bleu
tout au long de la nuit, patiente, patiente,
rhétorique entêtée qui jamais
ne persuade, les rochers ne voulant pas
être galets, les nuits et les jours et
les siècles s’écoulant avant que les galets
ne soient réduits en sable, le sable
enfin barrant le chemin de la mer
à l’intérieur des terres, une île
se formant du limon. Néanmoins
cette nuit toute entière et toutes
les nuits de notre vie la mer
caressant son rivage bleu,
patiente, patiente.

WN2 ICI