In girum imus nocte et consumimur igni

In girum imus nocte et consumimur igni
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dimanche 11 mars 2018

P. Strand - Femme d'Alvaredo, Veracruz
(1933)
Le vide-grenier du dimanche. Deux clichés du photographe américain Paul Strand (1890-1976), qui a déjà fait l'objet d'une publication en juin 2008.Issu d’une famille modeste de quincaillers de New York, il est inscrit en 1904 par ses parents à l’Ethical Culture School, où il suit les cours de Lewis Hine. Celui-ci l’initie non seulement aux techniques photographiques mais aussi à une conception morale de l’image, envisagée comme outil d’éducation et de témoignage.
C’est lui qui l’emmène à la galerie 291 de Stieglitz, où Strand découvre les grands photographes (Hill, Cameron, Käsebier, White) et l’art moderne européen. À 17 ans, il sait déjà qu’il sera photographe. Après quelques années de pratique et de tâtonnements, Strand franchit en 1915 un cap décisif : ses photographies impressionnent Stieglitz, qui l’expose dès l’année suivante dans Camera Work.

P.S. - Filets, Michoacan (1933)
Fasciné par Picasso, Braque et Brancusi, Strand explore alors l’abstraction visuelle à travers des jeux d’ombres ou de clôtures. Mais très vite, il transpose ces principes de construction formelle dans une photographie débarrassée des artifices pictorialistes, une straight photography où la netteté, l’équilibre des formes et la clarté de la composition suffisent. Des images comme White Fence ou Wall Street - qui feront peut-être l'objet d'une future publication - en sont devenues emblématiques. Toute sa vie, Strand cherchera à capter ce qu’il appelait « le caractère essentiel d’un lieu et de sa population ».
Les deux photographies présentées ici ont été réalisées lors de son séjour au Mexique, entre 1932 et 1934, en même temps qu’Henri Cartier-Bresson. Comme le Français, Strand veut s’écarter du pictorialisme : il ne s’agit plus de concevoir la photo comme une œuvre d’art mais comme un objet documentaire, capable de révéler une vérité humaine. « It is easy to make a picture of someone and call it a portrait. The difficulty lies in making a picture that makes the viewer care about a stranger. »
Chez lui, l’esthétique va de pair avec l’éthique : « J’ai toujours voulu utiliser la photographie comme un instrument de recherche et de témoignage de la vie de mon époque. » De cette exigence découle une œuvre d’une grande justesse, qui allie rigueur formelle et conscience politique.

samedi 10 mars 2018

Czeslawa Kwoka
Une image et des mots. L'image c'est ces clichés de Czeslawa Kwoka, une enfant polonaise de 14 ans déportée et assassinée à Auschwitz, le 12 mars 1943, d'une injection de phénol dans le coeur. 
C'est une artiste brésilienne, Marina Amaral, qui les a colorisés et ils ont été publiés il y a de ça quelques jours sur le compte Twitter du Mémorial d'Auschwitz.

Les mots sont de l'évêque Patrick, futur saint patron de l'Irlande. Dans sa Lettre à Coroticus, suite aux massacres perpétrés par ses soldats parmi les chrétiens irlandais, il s'adresse aux apostats complices des bourreaux.

"Aussi je vous en supplie, saints et humbles de coeur, il n'est pas permis de flatter de tels hommes, ni de prendre avec eux nourriture ou boisson, et vous ne devez pas recevoir d'eux des aumônes jusqu'à ce qu'ils fassent pénitence suffisante à Dieu. [.....] Ce ne sont pas seulement ceux qui font le mal, mais même ceux qui consentent qui doivent être condamnés.".
GA1
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dimanche 4 mars 2018

H.de Landsberg- L'échelle des vertus
Le vide-grenier du dimanche. À quelques jours de la Journée internationale des droits des femmes, deux illustrations dues à Herrade de Landsberg (1130-1195), abbesse de l’abbaye de Hohenbourg, dans les Vosges. Poétesse et enlumineuse, elle est l’auteure du Hortus Deliciarum (Jardin des Délices), vaste encyclopédie manuscrite – la première entreprise par une femme en Occident -, d'où ces images sont extraites.
Moïse et la traversée de la Mer rouge

Commencé en 1159, alors qu’elle était encore simple sœur sous l’abbatiat de Relinde - qui l'initia à la culture des lettres et des beaux-arts - Herrade poursuivit son ouvrage après être devenue abbesse vers 1167, pour l’achever peu avant sa mort.
Conçu comme un guide spirituel et intellectuel destiné aux moniales, il rassemblait textes, poèmes, cantiques et plus de 300 images, associant représentations bibliques, allégories morales et diagrammes savants : un véritable compendium du savoir théologique, philosophique et scientifique du XIIᵉ siècle.
Si l’original fut détruit dans l’incendie de la bibliothèque de Strasbourg en 1870, une partie importante a été préservée grâce aux copies du XIXᵉ siècle. Par la liberté de son esprit, son sens de l’organisation du savoir et la force de ses images, Herrade de Landsberg incarne la place décisive que pouvaient occuper certaines abbesses dans la vie intellectuelle et artistique du Moyen Âge.

AP3
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samedi 3 mars 2018

Tish Murtha - Elswick kids (1978)
Une image et des mots. La photo est de la photographe anglaise Tish Murtha (1956-2013). Les mots sont de Patti Smith, extraits de "The long road" qui figure dans le recueil Présages d'innocence, publié en édition bilingue chez Christian Bourgois (mais je me suis autorisé à retoucher un peu la traduction).

We tramped in our black coats,
sweeping time, sweeping time,
sleeping in abandoned chimneys,
emerging to face the rain.
[.....]
We broke our mother's heart and became ourselves.
We proceeded to breathe and therefore to leave,
drunken, astonished, each of us a god.
[.....]
We saw the eyes of Ravel, ringed in blue, and blinking twice.
We sang arias of our own, bummers chanting dead blues
of hallowed ground and mortal shoes,
of forgotten infantries and distances never dreamed,
yet only as far as a human hill, turned for wooden soldiers
stationed in the folds of blankets, only as far as a sibling's hand,
as far as sleep, a father's command.

***

Nous traînions dans nos manteaux noirs,
balayant le temps, balayant le temps,
dormant dans des âtres abandonnés,
les quittant pour affronter la pluie.
[.....]
Nous brisâmes le coeur de nos mères et devînmes nous-mêmes.
Nous nous mîmes à respirer et prîmes le départ,
ivres, étonnés, chacun de nous un dieu.
[.....]
Nous vîmes les yeux de Ravel, cernés de bleu, clignant deux fois.
Entonnâmes des airs de notre cru, paumés psalmodiant de vieux blues
parlant de terre sacrée et de chaussures mortelles,
d'infanteries oubliées et de distances jamais rêvées,
pas plus loin pourtant qu'une colline humaine, retournâmes pour des soldats de bois
stationnés dans les plis de couvertures, pas plus loin qu'une main fraternelle,
pas plus loin que le sommeil, l'ordre d'un père.

DB1
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Ganjifa moghol Le vide-grenier du dimanche. Deux Ganjifas , ces cartes d’un jeu ancien, originaire de Perse, qui a pris toute sa richesse en...