In girum imus nocte et consumimur igni

In girum imus nocte et consumimur igni
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dimanche 9 mars 2014

T.M. - Tehuantepec, Mexique (1929)
Le vide-grenier du dimanche. Au lendemain de la Journée internationale des droits de la femme, deux clichés de la photographe et militante italienne Tina Modotti (1896-1942), dont le travail et la vie ont été constamment liés à son engagement pour la justice sociale et les causes politiques.
Née à Udine dans une famille modeste, elle connait l'usine à 12 ans ; c'est son oncle qui l'initie à la photographie, et son père à la politique.
En 1913, elle le rejoint aux États-Unis où celui-ci avait émigré cinq ans plus tôt pour y retrouver son frère.
En Californie, la belle Tina Modotti trouve un emploi de mannequin de cabine, rencontre son mari le peintre et poète Roubaix de l'Abrie Richey et entreprend une petite carrière d'actrice, d'abord au théâtre, puis à Hollywood où elle obtient le premier rôle dans deux films muets.
T.M. - Mains d'ouvrier, Mexique (1927)

En 1921, elle rencontre à Los Angeles Edward Weston (voir janvier 2012 et février 2014), un des cofondateurs du Groupe f/64, dont elle devient le modèle, la maîtresse, et finalement l'assistante. Viendront ensuite ses premiers voyages au Mexique, en pleine effervescence post-révolutionnaire, où elle s'installe avec Weston et où elle va faire la connaissance des muralistes, comme Diego Rivera et José Clemente Orozco.
C'est là que va s'affirmer un engagement politique qui ne faiblira jamais et au service duquel elle va mettre son art. Avec le Secours rouge international, elle sera en Espagne lors de la guerre civile, en Pologne, en Hongrie, ou encore en Autriche lors du soulèvement contre la dictature de Dolfuss.
Tina Modotti, hermana, no duermes, no no duermes :
tal vez tu corazón oye crecer la rosa de ayer,
la última rosa, la nueva rosa.
Descanca dulcemente, hermana.
Pablo Neruda.

dimanche 2 mars 2014

A. Kobzdej - Patience (1956)
Le vide-grenier du dimanche. Deux oeuvres du peintre polonais Aleksander Kobzdej (1920-1972). Il entreprend en 1939 des études d’architecture à Lviv, les poursuit à l’Institut polytechnique de Gdansk, avant de rejoindre finalement l’Académie des Beaux-Arts de Cracovie. Ses débuts, encore proches du post-impressionnisme, laissent bientôt place, dans les années 1950, à une adhésion au  réalisme socialiste dont il se montrera un digne représentant, avec notamment son oeuvre la plus iconique, Podaj cegle (Passe-moi une brique, 1949).

A.K. - Fabricants de briques (1953)
Il s’en détache ensuite pour explorer des voies plus personnelles, vers l'abstraction et la peinture matiériste. Pour cette publication, je reste à sa facette figurative avec deux toiles qui me plaisent particulièrement : notamment Pasjans (1956), une scène apaisée et intime que sa délicatesse distingue de ses œuvres engagées ou abstraites.

samedi 1 mars 2014

Pitman's shorthand manual (1927)
Une image et des mots. L'illustration est tirée de l'édition de 1927 du manuel de sténographie Pitman. 
Ce système phonétique d'écriture pour la langue anglaise a été présenté pour la première fois par Isaac Pitman en 1837. Les symboles n'y représentent pas des lettres mais des sons.
Les mots sont un extrait du petit livre publié en 2010 par le psychanalyste François Gantheret, La nostalgie du présent.

Il ne faisait [...] que retrouver le plus commun et le plus terrifiant de la condition humaine, l'imposture inhérente au fait d'être dans un monde de signes et signe soi-même, dans un monde qui double le monde "réel" comme la carte inventée par le génie de Borgés, celle qui, à l'échelle 1/1, recouvre point pour point, dans sa facticité, le pays qu'elle représente. C'est dans la fortuite déchirure de la carte que peut apparaître le sol, que le pied nu peut sentir la fraîcheur de l'herbe ou la brûlure du sable et qu'il se sait lui-même nu et sensible et participant sensuellement de ce monde duquel le sépare le langage.

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dimanche 23 février 2014

H. Rutherford - Rainy day in Hyde
Le vide-grenier du dimanche. Deux oeuvres du peintre anglais Harry Rutherford (1903-1985), l'un des maîtres de la Northern School de L.S. Lowrydont l'oeuvre porte témoignage des mutations post-industrielles de l'Angleterre du nord-ouest.
H.R. - Sunday afternoon (1926)

Natif de Denton, une bourgade du Grand Manchester, il étudie à la Hyde School of Art, puis à la Manchester School of Art où L.S. Lowry et lui ont comme professeur le peintre impressionniste français Pierre Adolphe Valette.
En 1925, il s'inscrit aux classes d'art de Walter Sickert, qui va le considérer comme son héritier et dont il restera un disciple toute sa vie. Rutherford appartient à cette génération discrète mais tenace, attachée à traduire le quotidien sans emphase, avec un œil juste et sensible. Peintre du Nord industriel, il s'attache aux gestes simples, aux ambiances de rue, aux lumières pâles et aux silhouettes anonymes. Un réalisme pudique, sans pathos, mais pas sans émotion.

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samedi 22 février 2014

Une image et des mots.

Ma chère Mélinée, ma petite orpheline bien aimée,

Dans quelques heures je ne serai plus de ce monde. Nous allons être fusillés cet après-midi à 15 heures.
Cela m'arrive comme un accident dans ma vie, je n'y crois pas mais pourtant je sais que je ne te verrai plus jamais.
Que puis-je t'écrire? Tout est confus en moi et bien clair en même temps.

Je m'étais engagé dans l'Armée de Libération en soldat volontaire et je meurs à deux doigts de la Victoire et du but. Bonheur à ceux qui vont nous survivre et goûter la douceur de la Liberté et de la Paix de demain. Je suis sûr que le peuple français et tous les combattants de la Liberté sauront honorer notre mémoire dignement.
Au moment de mourir, je proclame que je n'ai aucune haine contre le peuple allemand et contre qui que ce soit, chacun aura ce qu'il méritera comme châtiment et comme récompense.

Le peuple allemand et tous les autres peuples vivront en paix et en fraternité après la guerre qui ne durera plus longtemps. Bonheur à tous..., j'ai un regret profond de ne t'avoir pas rendue heureuse, j'aurais bien voulu avoir un enfant de toi, comme tu le voulais toujours. Je te prie donc de te marier après la guerre, sans faute, et d'avoir un enfant pour mon bonheur, et pour accomplir ma dernière volonté, marie-toi avec quelqu'un qui puisse te rendre heureuse.
Tous mes biens et toutes mes affaires je les lègue à toi, à ta soeur et à mes neveux.
Après la guerre tu pourras faire valoir ton droit de pension de guerre en tant que ma femme, car je meurs en soldat régulier de l'armée française de la libération.


Les hommes du Groupe Manouchian
Avec l'aide des amis qui voudront bien m'honorer, tu feras éditer mes poèmes et mes écrits qui valent d'être lus.
Tu apporteras si possible mes souvenirs à mes parents en Arménie. Je mourrai avec mes 23 camarades tout à l'heure avec le courage et la sérénité d'un homme qui a la conscience bien tranquille, car personnellement, je n'ai fait de mal à personne et si je l'ai fait, je l'ai fait sans haine.
Aujourd'hui il y a du soleil. C'est en regardant le soleil et la belle nature que j'ai tant aimée que je dirai adieu à la vie et à vous tous, ma bien chère femme et mes bien chers amis.
Je pardonne à tous ceux qui m'ont fait du mal ou qui ont voulu me faire du mal sauf à celui qui nous a trahis pour racheter sa peau et ceux qui nous ont vendus.
Je t'embrasse bien fort ainsi que ta soeur et tous les amis qui me connaissent de loin ou de près. Je vous serre tous sur mon coeur. Adieu. Ton ami, ton camarade, ton mari.

                                                                                                                   Manouchian Michel
                                                                                                                   (21 février 1944)

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