In girum imus nocte et consumimur igni

In girum imus nocte et consumimur igni
eiπ + 1 = 0

dimanche 26 octobre 2025

M. Denis - La cuisinière (1893)
Le vide-grenier du dimanche. Deux oeuvres de Maurice Denis (1870-1943). Peintre, graveur et théoricien, Denis occupe une place à part dans l’art français de la fin du XIXᵉ siècle. Né à Granville, il découvre sa vocation devant Fra Angelico au Louvre : la révélation d’un art à la fois mystique et construit, qui guidera toute sa vie sa quête d’unité entre foi, beauté et rigueur formelle. Élève de l’École des beaux-arts et de l’Académie Julian, il fonde avec Vuillard, Roussel et Sérusier le groupe des Nabis, dont il devient le théoricien. De là sa phrase célèbre : « Se rappeler qu’un tableau, avant d’être un cheval de bataille ou une femme nue, est essentiellement une surface plane recouverte de couleurs en un certain ordre assemblées. » Cette maxime résume sa vision : une peinture consciente d’elle-même, mais animée d’un élan intérieur.
M.D. - La digue rouge à Loctudy
(1894)

Sous l’influence de Gauguin et de Puvis de Chavannes, il développe un style décoratif et lumineux où les figures féminines - souvent inspirées de sa femme Marthe - évoluent dans des paysages idéalisés, baignés d’une lumière douce et harmonieuse. Ses scènes, à mi-chemin entre symbolisme et classicisme, racontent moins qu’elles n’évoquent un état d’âme, un monde où - pour celui qui affirmait que “l’art reste une foi” - le visible devient signe de l’invisible. Installé au Prieuré à Saint-Germain-en-Laye, il y fonde en 1919 les Ateliers d’art sacré avec George Desvallières. Peintre du spirituel autant que du quotidien, Maurice Denis incarne l’idée d’une modernité fidèle au réel, qu’il éclaire par la foi et la couleur.

samedi 25 octobre 2025

Une image et des mots. Pour aller avec ce cliché dont je ne connais pas l'auteur...

dimanche 19 octobre 2025

John Mayer - Lost in time (2024)
Le vide-grenier du dimanche. Deux oeuvres du peintre sud-africain John Meyer (b.1942), chef de file du réalisme contemporain en Afrique du Sud.
Né à Bloemfontein, formé à Johannesburg, il a d’abord travaillé dans la publicité avant de se consacrer entièrement à la peinture.
Sur son site, il écrit : “History, film and art are my great passions… I work alone, searching for the details, anything that may help me build an understanding of the work.”
J.M. - CG Hulle (2009)

Cette exigence se sent dans ses toiles : le soin du détail, la construction précise de la lumière, le temps passé à chercher ce qui rendra l’image juste. Admirateur de Velázquez et de Degas - et certains critiques le voient dans sa manière d’unir la rigueur du dessin à une sensibilité plus intime -, presque cinématographique, John Meyer est connu pour ses grandes séries thématiques - sur la guerre des Boers, la vie de Nelson Mandela, les migrations, ou encore The Planet Series - mais aussi pour ses portraits et ses paysages.

dimanche 12 octobre 2025

F. S. - Fisher girl, North Yorkshire (1890s)
Le vide-grenier du dimanche. Deux clichés du photographe anglais Francis Meadow “Frank” Sutcliffe (1853–1941), figure marquante de la photographie britannique de la fin du XIXᵉ siècle, et témoin privilégié de la vie dans la ville côtière de Whitby, dans le Yorkshire. Issu d’une famille d’artistes - son père, Thomas Sutcliffe, était peintre -, il découvre très jeune l’univers des images et de la lumière. Après la mort de son père, il doit subvenir aux besoins de sa famille et devient portraitiste, d’abord à Tunbridge Wells, puis à Whitby où il s’établit définitivement. C’est là qu’il réalise la majeure partie de son œuvre : une chronique visuelle de la vie quotidienne dans une petite ville maritime à la fin de l’époque victorienne.
F.M. Sutcliffe

Ses photographies de pêcheurs, d’enfants, de familles et de paysages du littoral sont aujourd’hui considérées comme un témoignage unique de cette époque.
Sutcliffe est resté fidèle à une ambition : montrer la dignité du monde ordinaire avec un sens aigu de la composition et de la lumière naturelle. Même lorsqu’il se disait contraint de "gagner sa vie avec les touristes", il trouvait dans les visages de ses voisins, dans les ruelles ou sur la plage, une poésie simple et directe. Membre fondateur du Linked Ring Brotherhood, qui défendait la photographie comme art à part entière, Sutcliffe a également beaucoup écrit sur son métier et dirigé, jusqu’à sa mort, le musée de Whitby.
Ce que j’aime dans ses images, c’est leur humanité tranquille ; ses photos semblent respirer la mer, la lumière, et la vie.

dimanche 5 octobre 2025

Ganjifa moghol
Le vide-grenier du dimanche. Deux Ganjifas, ces cartes d’un jeu ancien, originaire de Perse, qui a pris toute sa richesse en Inde à partir du XVIᵉ siècle, surtout sous les Moghols. Ces cartes ne sont pas simplement des cartes à jouer : elles sont peintes à la main, parfois sur des matériaux précieux : ivoire, écaille de tortue, bois, carton ou pâte de papier, selon le rang social et la fortune. Chaque jeu compte plusieurs enseignes (ou « suits »), numérotées de 1 à 10, plus deux cartes de cour : le roi (ou rajah) et le vizir/ministre. Dans les versions les plus élaborées comme le Dashavatara Ganjifa, on peut trouver 10 à 16 enseignes, avec des thèmes tirés de la mythologie, des avatars de Vishnou, des constellations...

Ganjifa moghol
La fabrication est méticuleuse. On prépare des supports (papier cartonné, bois ou même vieux saris), on peint à la main avec des pinceaux fins (parfois en poils d’animal), on utilise des pigments naturels (pierre broyée, insectes, feuilles, noirs de fumée), et souvent, on applique des couches de laque ou de vernis pour protéger et faire briller les couleurs. Avec le temps, le Ganjifa a décliné sous l’effet de la concurrence des cartes imprimées modernes, de la perte des artisans traditionnels, des nouveaux matériaux, voire du désintérêt pour les règles du jeu classique. Mais il connaît aujourd’hui un renouveau dans certaines régions comme Sawantwadi, Bishnupur, Odisha ou le Karnataka - non tant comme jeu populaire que comme objet d’art et de collection.
Ce que j’aime dans le Ganjifa, c’est qu’il résume en miniature ce que j’admire dans les arts traditionnels : le soin, le récit, la matière. Une carte de ce jeu, même délaissée comme outil, reste un petit tableau, un fragment d’histoire - mythe, astrologie, légende ou simple visuel raffiné.
Elle laisse deviner un monde ancien, où chaque image compte, chaque couleur, chaque trait.
Et je trouve ça émouvant : c’est un objet trivial - une carte à jouer - et en même temps empli de poésie. Triviales dans leur usage, mais précieuses par leur exécution, ces cartes rappellent combien, dans la culture indienne, le quotidien peut se mêler naturellement au spirituel et au merveilleux.

samedi 4 octobre 2025

C.Ebbets - Lunch atop a skyscraper (1932)

Une image et des mots. Pour aller avec ce cliché célébrissime, attribué à Charles Ebbets, voici quelques mots de Roger Caillois, un extrait de L'incertitude qui vient des rêves (1956).

J'ai cédé à un souci personnel constant, presque exclusif, invincible [.....]. Je veux parler d'un attrait ininterrompu pour les forces d'instinct, de vertige, du goût d'en définir la nature, d'en démonter autant que possible la sorcellerie, d'en apprécier exactement les pouvoirs ; de la décision, enfin, de maintenir sur eux, contre eux, la primauté de l'intelligence, de la volonté, parce que, de ces facultés seules naît pour l'homme une chance de liberté et de création.

Peter Turnley Le vide-grenier du dimanche. Deux clichés du photographe américain Peter Turnley (b..1955). P.T. - La Tartine, Paris (2025)