In girum imus nocte et consumimur igni

In girum imus nocte et consumimur igni
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dimanche 29 juin 2025

R.C. - Tierra guajira (1999)
Le vide-grenier du dimanche. Deux clichés du photographe cubain Raúl Cañibano (b.1961), autodidacte et l’une des grandes voix de la photographie cubaine contemporaine. D’abord soudeur de métier, il découvre la photo en 1984 et se forme seul, en feuilletant des livres d’art à la Bibliothèque nationale. Influencé à la fois par Henri Cartier-Bresson, Sebastião Salgado et Salvador Dalí, il développe peu à peu un style qu’il décrit lui-même comme « un peu surréaliste ».

R.C. - Viñales (2017)
Son œuvre, à la fois documentaire et poétique, raconte Cuba sous toutes ses formes : la ville (Crónicas de la Ciudad), la campagne (Tierra Guajira), la foi, la vieillesse.
Dans Tierra Guajira, série entamée il y a plus de vingt ans et récompensée dès 1999, il rend hommage aux paysans cubains parmi lesquels il a grandi. « Mon intention était de documenter un mode de vie qui pourrait disparaître avec les années, et de capturer la noblesse, la familiarité et la bonté du paysan cubain », disait-il. Cañibano se définit volontiers comme un conteur : il se sert de la photographie pour raconter son pays et la grâce fragile de son quotidien.
Ce que j’aime particulièrement, c’est cette façon de mêler réalisme et mystère : ses scènes ordinaires paraissent toujours traversées par une sorte de poésie discrète, parfois presque mystique, qui rend hommage à la dignité des gens simples et à la lumière de son île.

BS8
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samedi 28 juin 2025

Alyssa Monks - Trust (2010)
Une image et des mots. Un tableau de l'artiste hyperréaliste américaine Alyssa Monks (b.1977), et quelques lignes de Gustave Flaubert, extraites de Madame Bovary (1857).

Elle monta l’escalier ; la porte de la chambre était ouverte. Le soleil passait entre les rideaux. Sur la table, elle vit sa lettre à Rodolphe, restée là, non scellée. Alors elle pensa qu’il ne viendrait pas.
Alors elle eut un attendrissement héroïque ; et, serrant ses bras sur sa poitrine, comme pour y retenir son cœur qui éclatait, elle se mit à pleurer abondamment. Elle se sentait perdue, engloutie, abandonnée de tous, et son âme s’enfonçait comme dans une mer immense d’amertume.

dimanche 22 juin 2025

Dain L. Tasker - Amazon lily
Le vide-grenier du dimanche. Deux radiographies florales du Dr. Dain L. Tasker (1872-1964), qui a magnifié l’alliance de la science et de l’art en dévoilant grâce à la radiographie la beauté intime des fleurs, l'expression - disait-il -, de la vie amoureuse des plantes. Chef radiologue au Wilshire Hospital de Los Angeles à une époque où la radiologie en était à ses balbutiements, il s’est lancé dans les années 1930 dans une exploration artistique unique, inspiré par une radiographie réalisée par un collègue.

Dain L. Tasker
Ses clichés, réalisés à partir de négatifs de rayons X, dévoilent la structure délicate et presque éthérée des pétales et des feuilles. Ces images spectrales, à l'esthétique minimaliste, révèlent toute la beauté fragile et le mystère organique des fleurs.
Encouragé par le photographe Will Connell, Tasker a exposé ses œuvres dans les salons prestigieux des Camera Pictorialists de Los Angeles et à l’Exposition internationale de San Francisco en 1939. Ses photographies, publiées dans des revues influentes comme U.S. Camera et Popular Photography, lui ont valu une reconnaissance tardive mais durable. Aujourd’hui, ses œuvres, parfois vendues à prix d’or, s’imposent comme des chefs-d’œuvre de poésie intemporelle qui célèbrent l’alliance subtile de la science et de l’art.

dimanche 15 juin 2025

Jay Senetchko - Phone (2011)
Le vide-grenier du dimanche. Deux oeuvres du canadien Jay Senetchko (b.1973), formé à l’Université de l’Alberta puis installé à Vancouver. Peintre figuratif, il puise dans la culture populaire, la mythologie et l’histoire de l’art pour construire des images d’une grande force narrative, où se croisent la mémoire collective et les mythes personnels.
Senetchko s’intéresse particulièrement à la façon dont les images - celles des médias, du cinéma, de la publicité - façonnent notre perception du monde et du passé. Son travail explore ce lien entre la mémoire et la fiction : il recompose des scènes familières, en apparence réalistes, mais traversées par une tension étrange, qui reste assez indéfinissable, comme une suspension du temps ou une certaine "distance" entre les personnages..
J.S. - The migrants (2013)

Ses compositions, d’une rigueur classique, mêlent des références au réalisme américain et à la peinture de la Renaissance. Mais derrière cette maîtrise technique se cache peut-être un questionnement plus intime : comment les histoires qu’on se raconte – individuellement ou collectivement – influencent-elles ce que l'on voit ? Ce que j’aime dans sa peinture, c’est ça, cette manière de brouiller les frontières ; un art narratif qui invite à interroger ce que l'on croit reconnaître.

dimanche 8 juin 2025

M.T. - Sasha Pivovarova (2006)
Le vide-grenier. Deux clichés de Michael Thompson (b.1966), photographe américain réputé pour son travail dans la mode, la publicité et le portrait. Assistant d'Irving Penn après avoir été formé au Brooke Institute of Photography, en Californie, il fait partie des grands noms de la photographie ayant collaboré aux prestigieux Harper's BazaarVogueVanity Fair...

M.T. - Joss Stone (2006)
Même si la photo de mode n’est pas vraiment mon genre de prédilection, voici deux portraits qui me plaisent beaucoup ; ils dépassent la "simple" justesse technique pour inviter à quelque chose de plus personnel, une tension discrète entre ce qui est mis en beauté et ce qui, derrière la pose, reste humain et intime.

samedi 7 juin 2025

F. Bacon - Study of a figure in a landscape (1952)

Une image et des mots. L'image, c'est une étude de Francis Bacon, déjà présenté en décembre 2012, et les mots quelques vers d'un poème extrait de Tristia, d'Ossip Mandelstam.

L'air grisâtre est bruissant et moite ;
on se sent bien et à l'abri dans la forêt.
Docile je vais porter une fois encore
la croix légère des promenades solitaires.

Et de nouveau, vers l'indifférente patrie,
le reproche, comme l'oiseau, monte en spirale.
Je participe à la vie ténébreuse, je suis innocent de ma solitude.

dimanche 1 juin 2025

Sebastião Salgado - Amazonas

Le vide-grenier du dimanche. Deux clichés de Sebastião Salgado (1944–2025), qui vient de nous quitter.
Trois publications lui avaient déjà été consacrées sur ce blog (en juin 2009, août 2013 et juillet 2016), mais je ne pouvais pas ne pas lui en consacrer une nouvelle ; d’autant que les deux premières étaient des IM, et que la dernière ne le présentait pas vraiment.

S.S. - Amazonas, palo de agua




Salgado, qui aimait à dire que « chaque image est le fruit d’une rencontre, d’un respect », est un photographe important pour moi. Pour la beauté de ses images, bien sûr. Pour ses qualités humaines, aussi. Mais surtout parce qu’il a consacré une part essentielle de son travail à une région qui m’est chère : celle que je montre ici.
D’abord formé à l’économie, à l’université de São Paulo puis à la Sorbonne, il se tourne vers la photographie au début des années 1970. Il commence comme photojournaliste chez Sygma, Gamma, puis Magnum, avant de développer de grands projets documentaires qui imposent une écriture immédiatement identifiable : noir et blanc profond, composition rigoureuse, lumière sculpturale ; au point que certains ont pu lui reprocher une esthétique trop « belle » pour les réalités qu’elle montre. Lui revendiquait une photographie engagée, tournée vers la dignité. Workers (1993), Exodes (2000), puis Genesis (2013) sont devenus des repères majeurs du documentaire contemporain. C’est par ce dernier que je me suis, tardivement, vraiment intéressé à son travail, à travers le magnifique ouvrage qui m’a été offert lors de sa publication.

Peter Turnley Le vide-grenier du dimanche. Deux clichés du photographe américain Peter Turnley (b..1955). P.T. - La Tartine, Paris (2025)