In girum imus nocte et consumimur igni

In girum imus nocte et consumimur igni
eiπ + 1 = 0

dimanche 28 février 2021

 Le vide-grenier du dimanche.  Deux oeuvres de l'irlandaise naturalisée américaine Colleen Browning (1918-2003), figure majeure du mouvement réaliste à New York avant d'être précipitée dans l'oubli par l'avènement de l'expressionnisme abstrait de Jackson Pollock. Le titre complet du premier tableau est Kids playing jump-rope in the city.

Colleen Browning - Jump-rope
L'atmosphère y est irréelle. Des enfants jouent à la corde-à-sauter sous un ciel rougeoyant que traverse un vol de mouettes; les lessives flottent haut entre les pylônes, et il y a sur le flanc d'un immeuble l'une de ces fameuses issues de secours new-yorkaises rendues obligatoires par le Tenement House Act de 1867.

C. Browning - Holiday (1951)


Le second tableau est plus étrange encore. C'est pourtant une scène très banale observée par Colleen Browning depuis la fenêtre de l'appartement qu'elle occupe, à New York, avec son mari, l'écrivain britannique Geoffrey Wagner. Une enfant vêtue de rouge se tient immobile sur un large trottoir. Elle garde les mains croisées dans son dos, comme le font les surveillants d'internat et les grandes personnes qui réfléchissent intensément... Son regard est baissé sur le sol jonché d'une multitude de papiers froissés.

CB2

ICI

dimanche 21 février 2021

Kamil Vojnar - Kissing Mary's lips (2014)
Le vide-grenier du dimanche. Deux clichés du photographe américain Kamil Vojnar, né  à Prague en 1962 et aujourd'hui installé à St-Rémy-de-Provence, dans le sud de la France.   Je suis allé à la découverte de son travail il y a peu, ICI, après être tombé un peu par hasard sur cette oeuvre dont le titre me rappelait un vers d'une sublime chanson de Peter Gabriel. 

K.V. - White horse, Praha (2020)

L'univers de Kamil Vojnar est étrange. Très travaillées, les oeuvres semblent hors du temps, sans que le flou et le sépia soient assez pour l'expliquer. De ce monde onirique où il nous invite se dégage une sorte de mélancolie apaisée , comme une attente exempte de tension..

"Je cherche à exprimer ce que je vois dans mon esprit. Je ne sais pas où je vais, mais j'y arriverai."

PG8
ICI

samedi 20 février 2021

Francesco Stelluti - Melissographia
Une image et des mots. Melissographia, une gravure de Francesco Stelluti (Franciscus Stellutus), parue en 1625 dans le livre Apiarum de son ami Federico Cesi (fondateur de l'Académie des Lynx), dédicacée au pape Urbain VIII, Maffeo Barberini, "ami" de Galilée. Ceci est la première illustration entomologique faite à partir d'une observation au microscope.
Pour accompagner cette image, voici l'histoire de Perséphone et sa mère Déméter, déesse de la fertilité, telle que nous la rappellent les frères François et Pierre-Henri Tavoillot, respectivement apiculteur et prof de philo, dans leur ouvrage écrit à quatre mains, L'abeille (et le) philosophe, publié chez Odile Jacob.

F. S. - Melissographia
Perséphone était d'une beauté telle que le vilain Hadès, son oncle, l'enleva pour en faire son épouse. Alarmée par sa disparition soudaine, Déméter partit à la recherche de sa chère fille et ne la retrouvant pas décida de faire une sorte de "grève de la fertilité" tant qu'elle ne lui serait pas rendue. La terre alors se dessécha; les plantes cessèrent de croître; l'univers fut affamé. Apprenant que son frère Hadès détenait sa fille, Déméter porta l'affaire devant Zeus.
Celui-ci, bien embêté, ne voulant froisser ni son frère ni sa soeur, proposa un compromis.
Il décida que Perséphone resterait six mois aux Enfers avec son époux et rejoindrait sa mère les autres mois. Ainsi furent inventées les saisons: durant l'absence de sa fille à l'automne et en hiver, Déméter cesse tout travail; à son retour au printemps elle fait refleurir la terre.
De même les abeilles restent terrées dans la ruche pendant la mauvaise saison pour réapparaître aux beaux jours. Un culte en mémoire de cette histoire était célébré dans toute la Grèce antique lors de grandes fêtes appelées les Tesmophories.
Y participaient les femmes mariées qui étaient pour l'occasion appelées "melissai" (abeilles).
Un tel culte se déroulait également dans le temple d'Artémis d'Éphèse, l'une des sept merveilles du monde antique, toujours représentée accompagnée d'abeilles. Notons par ailleurs que la Pythie de Delphes était elle aussi appelée Mélissa. Par où l'on voit que l'abeille n'est pas seulement mythe (ou récit de l'origine), elle est aussi rite, c'est-à-dire le rappel régulier des règles de la mise en ordre primordiale
.
MA3
ICI

dimanche 14 février 2021

dimanche 7 février 2021

Allan Crite - Tire jumping (c.1940)

 Le vide-grenier du dimanche. Deux oeuvres du peintre afro-américain Allan Rohan Crite (1910-2007), reconnu pour ses peintures d'inspiration religieuse mais dont l'ambition était aussi de peindre la vie de la classe moyenne afro-américaine de Boston.                                                                     I've only done one piece of work in my whole life and I am still at it. I wanted to paint people of color as normal humans. I tell the story of man through black figures.                                                                      C'est dans la capitale du Massachusetts qu'il a vécu toute sa longue vie ; il y a étudié à l'École du musée des beaux-arts (School of the Museum of Fine Arts) dont il obtint le diplôme en 1936. La même année il était déjà exposé au MoMa de New York. 

Plus tard, en 1968, il obtient à Harvard  une licence en arts plastiques.

A.C. - School's out (1936)

Selon ses propres mots, il voulait montrer la vie du "real Negro", différent du "Harlem" ou "jazz Negro" créé par les Blancs, tel qu'il le voyait dans le quartier majoritairement noir de Roxbury.

Mon intention, à travers mes peintures et mes dessins de quartier, était de montrer les "black people" sous un jour ordinaire, des gens qui profitent des plaisirs habituels de la vie avec leur mélange à la fois de peines et de joies. J'étais un artiste-journaliste, qui témoignait de ce qu'il voyait.

MG1

ICI

samedi 6 février 2021

Frederick van Heerden - 14 girafes (2013)
Une image et des mots.
Pour ce qu'alors je désirai vaquer seulement à la recherche de la vérité, je pensai qu'il fallait que je fisse tout le contraire, et que je rejetasse comme absolument faux tout ce en quoi je pourrai imaginer le moindre doute, afin de voir s'il ne restait point après cela, quelque chose en ma créance qui fut entièrement indubitable. 
Ainsi à cause que nos sens nous trompent quelque fois, je voulus supposer qu'il n'y avait aucune autre chose qui fût telle qu'ils nous la font imaginer. 
Et parce qu'il y a des hommes qui se méprennent en raisonnant, même touchant les plus simples matières de géométrie, et y font des paralogismes, jugeant que j'étais sujet à faillir autant qu'aucun autre, je rejetai comme fausses toutes les raisons que j'avais prises auparavant comme démonstrations. 
Et enfin, considérant que toutes les mêmes pensées que nous avons étant éveillés, nous peuvent aussi venir quand nous dormons, sans qu'il n'y en ait aucune pour lors qui soit vraie, je me résolus de feindre que toutes les choses qui ne m'étaient jamais entrées dans l'esprit n'étaient non plus vraies que les illusions de mes songes. 
Descartes, Discours de méthode, IVe partie (1637).

Pourquoi ai-je pensé, en regardant ce beau cliché du photographe sud-africain Frederick van Heerden, à ce texte fondateur de Descartes qui marquera, avec la mise du monde à l'épreuve du doute, l'avènement de la philosophie moderne? Parce que comme vous, à la lecture du titre de cette photographie, j'ai tout de même compté les girafes.
Oui bien sûr... Ce besoin de vérifier n'a que peu à voir avec le doute philosophique, et d'avoir pensé à ce texte en recomptant des girafes n'est que le fruit d'une des ces associations d'idées que la psychanalyse nous dit, quand on leur lâche la bride, révélatrices de nos conflits inconscients.

Mais, aussitôt après, continue Descartes, je pris garde que, pendant que je voulais ainsi penser que tout était faux, il fallait nécessairement que moi qui le pensais fusse quelque chose. Ouf !

JP4 ICI