In girum imus nocte et consumimur igni

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dimanche 29 décembre 2019

Ragnar Axelsson - Faces of the North

Le vide-grenier du dimanche. Deux clichés du photojournaliste islandais Ragnar 'Rax' Axelsson (b.1958), issus de sa série Faces of the North, qui s'est étendue sur près de vingt ans et a fait en 2004 l'objet d'une belle publication. Depuis presque quarante ans il photographie le Grand Nord, où il s’est fait le témoin attentif  de ceux qui vivent au bord du monde : chasseurs inuits au Groenland, fermiers perdus dans les campagnes islandaises, éleveurs de rennes en Sibérie.

Ragnar Axelsson - Faces of the North


Il vit avec ceux qu’il photographie, il est le témoin de leurs gestes simples, partage leurs silences, leurs trajets, leurs habitudes. Ses images, toujours en noir et blanc, ont quelque chose de brut, de silencieux et de suspendu ; elles tiennent autant du documentaire que de la poésie.
Ce que Rax construit, ses portraits habités, ses images du froid, de la solitude, mais aussi de la fierté tranquille de ces vies liées à la terre, à la glace, et aux bêtes, c’est une mémoire du monde arctique, au moment précis où celui-ci, lentement, bascule.
After accompanying Artic hunters for almost 40 years, witnessing the changes in Greenland's sea ice, and sensing friends' and hunters' worries about their future, one cannot look away.
There is no doubt in their minds that something is happening. When passing a house in Thule some thirty years ago, an old hunter said , "There is something wrong. It should not be like this. The big ice is sick."

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dimanche 22 décembre 2019

Q.v.B. - L'atelier du tailleur (1661)
Le vide-grenier du dimanche. Deux oeuvres du peintre du siècle d'or néerlandais Quirijn van Brekelenkam (1622-1668). Influencé par Gerrit Dou (voir VG du 10 novembre), son aîné et maître présumé, il se spécialise dans la scène de genre intimiste : petits intérieurs bourgeois, ateliers d’artisans, échoppes et scènes domestiques où tout semble baigner dans une lumière douce et feutrée. Sa peinture met souvent en scène des tailleurs, des médecins, des coiffeurs ou des marchands, qu’il traite avec une précision presque chirurgicale et une attention marquée pour les textures - étoffes, verreries, papiers, outils. 
Q.v.B. - Une famille au foyer (1665)






Membre de la guilde de Saint-Luc de Leyde, il sera l'un des représentants du courant des fijnschilders.
Mais il n'y a rien de spectaculaire dans son réalisme soigneusement composé, aucune allégorie grandiloquente, juste la beauté simple des gestes ordinaires et la dignité du quotidien.
Après s'être d'abord consacré à ses représentations de modestes artisans au travail - il proposera ainsi treize versions d'un tailleur dans son atelier -, Quirijn van Brekelenkam va aussi s'intéresser à d'autres sujets plus à la mode inspirés par le travail de Gabriel Metsu (sa Conversation sentimentale par exemple, qui rappelle La femme assise en compagnie d'un joueur de violon) et celui de Pieter de Hooch. Moins célèbre que certains de ses contemporains, il fait partie de ces peintres qui ont su, à travers de petits formats et des sujets simples, saisir toute l’âme d’une époque.

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dimanche 15 décembre 2019

Ian Dryden - Beckett à Paris (1985)
Le vide-grenier du dimanche. En ce jour du 30ème anniversaire de sa disparition, simplement deux de mes photos préférées de Samuel Beckett.

(A/U) Beckett à Ussy-sur-Marne (1952)









La première a été prise à la terrasse d'un café parisien, la seconde dans son jardin d'Ussy-sur-Marne. Est-il en train d'expliquer par le geste sa vision du monde à un exégète? Non, il aménage son jardin avec son frère Frank.
"Je perds la bataille avec les taupes, et les sangliers ont démoli la clôture. Je passe la plupart du temps à Ussy à tuer le temps avec la pelouse et du papier."
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samedi 14 décembre 2019

Alessandro Allori - Charybde et Scylla (1575)
Une image et des mots. Cette représentation du voyage d'Ulysse, quand six de ses compagnons sont dévorés dans le détroit de Messine par le monstre Scylla, est une des fresques du maniériste italien Alessandro Allori qui ornent les murs du Palazzo Salviati, au coeur historique de Florence.
Pour aller avec, voici quelques vers du poète soudanais Abdel Wahab Yousif...

You'll die at sea.
Your head rocked by the roaring waves,
your body swaying in the water
like a perforated boat.

In the prime of youth you'll go,
shy of your 30th birthday.
Departing early is not a bad idea;
but it surely is if you die alone
with no woman calling you to her embrace:
"Let me hold you to my breast,
I have plenty of room.
Let me wash the dirt of misery off your soul".

***

Tu mourras en mer.
La tête ballottée par les vagues rugissantes,
ton corps qui se balance dans l'eau.
comme un bateau crevé.

Tu partiras dans la fleur de ta jeunesse,
à peine la trentaine.
Partir tôt n'est pas une mauvaise idée,
mais c'en est une si tu meurs seul,
sans une femme qui t'ouvre ses bras :
" Laisse-moi te presser contre ma poitrine,
j'ai beaucoup de place.
Laisse-moi laver ton âme de la misère crasse ".

Abdel Wahab Yousif est mort noyé en Méditerranée au mois d'août dernier, avec 44 de ses compagnons de voyage, adultes et enfants. Il avait vingt-neuf ans.

dimanche 8 décembre 2019

Pierre Belhassen - New York (2012)
Le vide-grenier du dimanche. Deux clichés du français Pierre Belhassen (b.1978), déjà présenté ici le 29 mai 2016. Deux clichés pris à New York, où Pierre Belhassen a découvert la photographie, à l'occasion d'un premier voyage en 2005. Il en arpente les rues en restant attentif à la lumière, aux gestes fugaces, aux détails presque invisibles qui disent pourtant beaucoup. Sa photographie est une affaire de rythme, de sensation, de présence.

P.B. - série Color walk

C'est ici que tout a commencé, il y a une énergie unique qui circule dans cette ville. New York est définitivement un lieu de genèse pour moi.
Les influences que revendique Pierre Belhassen sont nombreuses : le cinéma de Kurosawa, la littérature de Chandler et Ellroy, la peinture de Bonnard et Bacon, la musique..., et bien sûr un grand nombre de photographes, de Robert Frank à Trent Parke, en passant par Saul Leiter ou encore Jonas Bendiksen (voir janvier 2008). Pierre Belhassen fait partie de ces photographes qui racontent le monde sans le commenter, préférant la suggestion à l’explication. Un regard libre, très personnel, porté sur les frémissements de la vie qui parfois nous échappent.

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samedi 7 décembre 2019

Villeglé - L'alphabet de la guerrilla (1983)

Une image et des mots. Pour l'image j'ai choisi une oeuvre de Villeglé: L'alphabet de la guerrilla (1983), et une formule des Mathématiques existentielles de Laurent Derobert.
Les mots sont de Babouillec : 

«Je suis Babouillec très déclarée sans parole. Seule enfermée dans l’alcôve systémique, nourricière souterraine de la lassitude du silence, j’ai cassé les limites muettes et mon cerveau a décodé votre parole symbolique : l’écriture». 

Et ailleurs...: 
«Vingt fois sur le métier je remets l'ouvrage d'être en vie dans une carapace pénétrée par le mystère de la fabrique de nos petites vies usées par ce combat stérile de l'appartenance. J'ai rebroussé chemin pour me raconter. 

Laurent Derobert - Mathématiques existentielles
J'appartiens à une espèce en voie d'apparition, dépourvue du sens social sécuritaire, bannissant les codes interrompant les accès aux mystères de la vie. Une espèce fantaisiste où règne un désordre tonitruant. Équipée de codes indéfinissables brouillant les radars des formats en tout genre, j'appartiens à cette espèce étrange qui ne rentre nulle part, qui ouvre la passerelle des impossibles en torturant les repères sociaux. J'observe sans relâche les codes d'appartenance et je défie les pièges à la pensée.» [.....] «Je suis arrivée dans ce jeu de quilles comme un boulet de canon, tête la première, pas de corps aligné, des neurones survoltés, une euphorie sensorielle sans limites. Les oreilles stand-by à la jacasserie humaine, les mains et les pieds sens dessus dessous, les yeux dans les yeux de moi-même.». 
Hélène Nicolas, dite "Babouillec", est autiste et ne parle pas; elle a publié Algorithme éponyme chez Rivages.

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dimanche 1 décembre 2019

Emeric Feher - Les chaises, Paris (1934)
Le vide-grenier du dimanche. Deux clichés du photographe français Émeric Feher (1904-1966) d'origine hongroise comme Brassaï ou Kertesz. Immigré en France dans les années 20, il est rapidement embauché chez Peugeot puis chez Citroën comme ouvrier-tourneur. Puis, en 1930, il va entrer comme électricien au studio typographique Deberny et Peignot où il rencontre Maurice Tabard puis Maurice Cloche qui l'encouragent et l'initient à la photographie.
E.F. - Solitude, Paris (1934)

Mais c'est surtout à partir de 1933, quand il rejoint le studio de René Zuber qu'il va vraiment s'investir dans une démarche personnelle, en s'attachant à documenter le simple quotidien de son pays d'adoption et des hommes qui y vivent et travaillent.
Feher est un photographe de la rue, de l’ombre et des lignes... Reliant le réalisme à l'humanisme, dira de lui l'historien de la photographie Pierre Borhan, Feher sait capter la pureté d'une ligne, la grâce d'une forme, et avec chaleur, avec même une certaine innocence, la saveur de la vie.
Son regard, à la fois graphique et poétique, se distingue par une attention particulière aux structures urbaines, aux reflets, aux jeux de lumière, aux silhouettes en mouvement.
Très influencé par le constructivisme et le Bauhaus, il affectionne les cadrages audacieux, les plongées, contre-plongées, et les compositions géométriques ; une modernité assumée, mais qui ne sacrifie jamais l’émotion.

C.D. F. - Femme à la fenêtre (1822) Le vide-grenier du dimanche. Deux oeuvres de l'allemand Caspar David Friedrich (1774-1840). Né sur l...