In girum imus nocte et consumimur igni

In girum imus nocte et consumimur igni
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dimanche 30 juin 2019

A. Carte - Marins regardant la mer
(1923)

Le vide-grenier du dimanche. Deux oeuvres du belge Antoine Carte (1886-1954), déjà présenté en septembre 2012. Fils d’un maître ébéniste, il grandit entouré du bois, des outils, et du respect du travail bien fait ; cette rigueur artisanale, elle va imprégner toute son oeuvre.
Il entre à l’Académie de Mons en 1897, où il suit les cours en soirée tout en travaillant comme apprenti chez un peintre-décorateur. Là, il se lie d’amitié avec Louis Buisseret (dont j’aime beaucoup les portraits), qui l’encourage à exposer ses œuvres et restera un compagnon de route. Plus tard, à l’Académie de Bruxelles, Carte découvre le symbolisme, lit Verhaeren, et se laisse gagner par une atmosphère poétique, entre allégorie et mysticisme.

A. Carte - Le pain (1921)
Entre 1910 et 1913, une bourse le conduit à Paris. Il y croise l’effervescence de l’avant-garde et s’intéresse aux décors de scène, notamment ceux des Ballets Russes, mais il reste fidèle à une peinture claire, attentive aux gestes simples, tournée vers les hommes et leur vie ordinaire.
Après la Grande Guerre, son travail trouve un écho plus large. Il illustre des textes littéraires, expose en Belgique et aux États-Unis, gagne une reconnaissance internationale. En 1928, avec Buisseret et Léon Eeckman, il fonde le groupe Nervia, pour défendre un art figuratif, accessible, souvent symboliste : une réponse wallonne au tumulte expressionniste flamand. Antoine Carte a laissé une oeuvre à la dois ambitieuse et proche des hommes, traversée par la spiritualité, la sensibilité sociale et la vie de tous les jours. Le Pain, ci-dessus, en est une belle illustration : la dignité simple des gestes quotidiens élevée à la hauteur d’un sujet universel.

ML8

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dimanche 23 juin 2019

B. Abbott - New York at night (1932)
Le vide-grenier du dimanche. Deux oeuvres de la photographe américaine Berenice Abbott (1898-1991).
Comme beaucoup d’artistes et d’intellectuels de son époque, elle s’installe à Paris au début des années 1920, alors que le surréalisme y domine la scène artistique.
Là, grâce à Man Ray qui la prend sous son aile, elle rencontre Eugène Atget (voir nov.2011) et se passionne pour son œuvre. En 1928, elle acquiert une partie du fonds du maître, qu’elle expose à Paris puis à New York, où elle s’installe définitivement en 1929.
Dès lors, Abbott joue un rôle décisif dans la conservation, la promotion et la diffusion du travail d’Atget.

B.A. - Herald Square, NYC (1936)
Aux États-Unis elle est choisie par l'administration américaine pour collaborer au projet documentaire de la Work Progress Administration sur la ville de New York, alors plongée comme tout le pays dans la Grande Dépression, la pire crise économique du XXème siècle.
De cette commande naît sa série la plus célèbre, Changing New York, composée de 305 clichés, une fresque photographique où les gratte-ciel naissants côtoient les quartiers populaires, les enseignes lumineuses, les foules, les ponts et les docks.  Abbott y note : « Le tempo de la ville n’est pas celui de l’éternité, ni celui du temps, mais celui de l’éphémère. C’est pour cette raison qu’un tel enregistrement revêt une importance particulière, tant documentaire qu’artistique. »
Ces deux images font partie de ce travail à la croisée du documentaire et de l’art sur la modernité en train de s’inventer : l’histoire en images d’une ville en mutation, entre effervescence et solitude.
BM1

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samedi 22 juin 2019

B. Riviere - Garden of Eden (1901)
Une image et des mots. Il y a des tableaux qu'on aime - ou du moins qu'on apprécie -, pour leur sujet, ou bien pour leur composition, ou encore pour l'univers dans lequel ils nous invitent... De celui-ci, "Garden of Eden" (1901) de l'anglais Briton Riviere (1840-1920), j'aime tout : le sujet, la composition, les nuances, les attitudes des personnages, les beaux sentiments qu'ils expriment, et l'histoire (celle qu'il raconte, mais aussi celle qui aurait présidé à sa réalisation).
Je pense à ces trois vers de William Wordsworth...

Serene will be our days and bright,
and happy will our nature be,
when love is an unerring light...
CJ3

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dimanche 16 juin 2019

E. Gageiro - Nazaré (1962)
Le vide-grenier du dimanche. Deux clichés du photographe et photojournaliste portugais Eduardo Gageiro (b.1935). Collaborateur, dès l'âge de 22 ans, des principales parutions portugaises, il se fait remarquer pour ses clichés des terroristes lors du massacre de Munich aux Jeux Olympiques de 1972, puis, deux ans plus tard, pour ses reportages sur la Révolution des Oeillets qui mit fin à la dictature salazariste.
E. Gageiro - Barreiro (1972)

Il est l'auteur de la photo iconique du capitaine Salgueiro Maia qui, prenant conscience de la proximité de la victoire, se mord la lèvre pour contenir son émotion.
Il sera par la suite le photographe officiel du président António Ramalho Eanes. Le travail de Eduardo Gageiro s’inscrit dans la tradition de la grande photographie humaniste, à la manière de Cartier-Bresson, Doisneau ou Ronis.

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dimanche 9 juin 2019

J.G.M. - Petits mendiants (1880)
Le vide-grenier du dimanche. Deux oeuvres du peintre allemand Johann Georg Meyer (1813-1886), déjà présenté ici en février 2010 et dont l’œuvre, solidement inscrite dans la peinture de genre du XIXᵉ siècle, mérite qu’on y revienne. Formé à Düsseldorf, il s’imprègne de l’atmosphère de cette école qui, sous l’impulsion de ses maîtres, privilégie la rigueur du dessin et le récit visuel. Après des débuts consacrés à des thèmes bibliques, il s’oriente vers un univers plus intime : l’enfance, les intérieurs paysans du Hesse, la vie domestique des familles modestes. Enfants absorbés dans leurs jeux ou leurs leçons, jeunes mères attentives, artisans et paysans au travail : Meyer von Bremen met en scène un quotidien familier, avec une attention méticuleuse aux détails et un vrai sens de la narration.

J.G. Meyer von Bremen 
Jeune mère et son enfant (1880)

Meyer a été actif alors que l'Allemagne traversait une période de transition artistique, où l'influence du classicisme et du romantisme commençait à se faire sentir.
Ce qui me séduit dans ses tableaux, ce n’est pas tant leur virtuosité technique, la maîtrise et la finesse d'exécution, que leur qualité évocatrice et leur valeur documentaire...
C'est la manière dont ils fixent un monde en train de disparaître : une société encore ancrée dans ses rythmes ruraux, mais déjà travaillée par les aspirations bourgeoises. Ses toiles se lisent autant comme des images émouvantes que comme de précieux documents d’époque.

GH3
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dimanche 2 juin 2019

Constant Puyo - Sans titre (1903)
Le vide-grenier du dimanche. Deux clichés de Constant Puyo, figure marquante du pictorialisme français.
Officier de carrière, il se passionne très tôt pour la photographie et devient l’un des artisans de ce courant qui, à la charnière des XIXᵉ et XXᵉ siècles, cherchait à donner à la photographie la légitimité d’un art à part entière. À contre-courant de la netteté documentaire qui s’imposera ensuite, Puyo revendique le flou, les atmosphères vaporeuses, l’harmonie des lignes et des tonalités. Ses images évoquent parfois des pastels ou des estampes, et semblent vouloir capter moins la réalité brute que sa transfiguration poétique.

C.P. - Sommeil (1897)
Ce qui me touche dans ces clichés, ce n’est pas tant l’exercice de style ou l’expérimentation technique (usage de lentilles spéciales, de procédés pigmentaires), que l’ambition assumée : faire de la photographie un art de suggestion, capable d’émouvoir autant qu’une toile.
Dans un monde déjà fasciné par la précision mécanique, Puyo rappelle que l’art, même photographique, peut être affaire de mystère et de sensibilité.

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samedi 1 juin 2019

Sorrowing Adam, ivoire, art byzantin 10-11e siècle
Une image et des mots. "Sorrowing Adam", plaque d'ivoire byzantine du 10ème-11ème siècle (7 x 8 x 0,8 cm), conservée au Walters Art Museum de Baltimore,

"…. Je peux reconnaître que la mer et le vent ne manqueront pas de me survivre et que l’éternité se soucie peu de moi.
Mais qui me demande de me soucier de l’éternité ? Ma vie n’est courte que si je la place sur le billot du temps.
[…..] tout ce qui m’arrive d’important et tout ce qui donne à ma vie son merveilleux contenu :
la rencontre avec un être aimé, une caresse sur la peau, une aide au moment critique, le spectacle du clair de lune, une promenade en mer à la voile, la joie que l’on donne à un enfant, le frisson devant la beauté, tout cela se déroule totalement en dehors du temps. Car peu importe que je rencontre la beauté l’espace d’une seconde ou l’espace de cent ans. Non seulement la félicité se situe en marge du temps mais elle nie toute relation entre celui-ci et la vie
."
Stig Dagerman, Notre besoin de consolation est impossible à rassasier (1952)

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Ganjifa moghol Le vide-grenier du dimanche. Deux Ganjifas , ces cartes d’un jeu ancien, originaire de Perse, qui a pris toute sa richesse en...