In girum imus nocte et consumimur igni

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samedi 3 décembre 2022

Simone Weil (1922)
Une image et des mots. Je feuillette La condition ouvrière, de Simone Weil, ce petit ouvrage publié en 1951 où elle relate sa vie de manoeuvre chez Alsthom, puis aux Forges de Basse-Indre et enfin chez Renault. Je relis les lignes poignantes qu'elle y consacre à la grève des ouvrières métallos de juin 1936, et les anecdotes qu'elle y évoque... 
Une bonne camarade, affectueuse, qu'on interroge sur sa famille.
"Vous avez des gosses ?
- Non, heureusement.. C'est-à-dire j'en avais un, mais il est mort."
Elle parle d'un mari malade, qu'elle a eu huit ans à sa charge. "Il est mort, heureusement...". C'est beau les sentiments. Mais la vie est trop dure...

Alors j'ai pensé à cette photo d'elle, que j'aime beaucoup ; c'est encore une écolière, elle n'a pas encore écrit La pesanteur et la grâce. Elle a été prise en Belgique, à Knotte le Zoute, et à côté d'elle (je l'ai recadrée), il y a son frère André, futur grand mathématicien co-fondateur du groupe Bourbaki.
Et pour aller avec, voici quelques lignes de Patti Smith, en pèlerinage au petit cimetière d'Ashford, dans le Kent, où elle cherche la tombe de Simone Weil pour s'y recueillir..

J'ai senti sa main qui me guidait. Sur ma droite se trouvait un secteur boisé qui semblait m'appeler. Soudain je me suis arrêtée. Je sentais l'odeur de la terre. Il y avait des alouettes et des moineaux, un trait de lumière est apparu, puis à disparu. J'ai tourné la tête sans pose exaltée et l'ai trouvée, dans toute sa grâce modeste. J'ai déplié le soufflet de mon appareil, réglé l'objectif puis pris quelques photos. Tandis que je m'agenouillais pour placer le petit bouquet de lavande sous son nom, des mots se sont formés, cabriolant comme une comptine. Je me suis sentie inexorablement en paix. La pluie s'est dissipée. Mes chaussures étaient tachées de boue. Il y avait une absence de lumière, mais pas d'amour.
Patti Smith, Dévotion (2018).

dimanche 27 novembre 2022

Eyvind Earle - Path in the snow

Le vide-grenier du dimanche. Deux oeuvres du peintre, et poète, américain Eyvind Earle (1916-2000), déjà présenté ici en mai 2020.

E. Earle - Untitled

For 70 years, I've painted paintings, and I'm constantly and everlastingly overwhelmed at the stupendous infinity of Nature. Wherever I turn and look, there I see creation. Art is creating... Art is the search for truth. Et encore : Beauty is the thing we are all searching for...Whatever beauty is, I feel it, and as long as I can I shall try to find more and more beauty, and to put it down so others can see what I have seen.

samedi 26 novembre 2022

Anonyme
Une image et des mots. Une belle photographie, dont je ne connais pas l'origine, et qui nous invite à céder à la tentation d'un irrésistible croque-monsieur. Pour l'accompagner, quelques lignes d'Alexandre Vialatte, issues de l'une de ses chroniques réunies dans le recueil Antiquité du grand chosier (1984).

La femme remonte à la plus haute antiquité. Phorcypeute l'Énumérateur la cite déjà dans ses ouvrages.
Le vicomte Amable de Vieuval fait mention d'elle avec vivacité et Casanova ne la raconte qu'avec la plus grande affection. Elle a su provoquer le lyrisme d'Hermogène le guttural et de Chyme l'Environnaire. Horace la vante et Pétrarque l'exalte, le docteur Gaucher l'étudie.
C'est l'effet de sa grande importance, car elle joue un rôle capital dans la suite des générations et le déroulement même de l'Histoire.

PG9

ICI

dimanche 20 novembre 2022

K.H. - Trois femmes à la fenêtre (1939)
Le vide-grenier du dimanche. Deux oeuvres de Karl Hofer (1878-1955), l'un des représentants majeurs de l'expressionnisme et de l'art figuratif en Allemagne au début du XXe siècle. Son œuvre, qui se distingue par un style introspectif et expressif, souvent dramatique, a su capter les bouleversements sociaux de son époque.
Né à Fribourg-en-Brisgau, il étudie à l'Académie des beaux-arts de Munich, où il est d'abord influencé par des mouvements européens comme le fauvisme, le cubisme, et le symbolisme, ainsi que par des artistes comme Edvard Munch.
Bien qu’il ne soit pas directement affilié au groupe Die Brücke, son style s’inscrit dans le courant de l’expressionnisme, sans toutefois se conformer à ses codes.

K.H. - Sans emploi (1932)



Hofer explore particulièrement la figure humaine, qu'il rend avec une intensité psychologique marquée, utilisant une palette de couleurs fortes et des formes qui expriment une profonde tension entre l'individu et son environnement.
Avec les années, et tout en gardant un regard sombre et pénétrant sur la condition humaine, Hofer développe son style figuratif et réaliste. 
Ses portraits et scènes de la vie quotidienne dégagent une intensité émotionnelle, un sentiment d'isolement et une gravité qui témoignent de sa quête existentielle et de la période très tourmentée qu'il traverse : sous le régime nazi, ses œuvres sont qualifiées de
« dégénérées » en raison de leur modernité et de leur dimension psychologique, et son engagement personnel en est directement affecté. Après la Seconde Guerre mondiale, il reprend son activité d’enseignant à l’Académie des beaux-arts de Berlin, où il devient une figure influente, et Hofer est aujourd'hui reconnu comme un artiste majeur de l'Allemagne du XXe siècle.
Ses œuvres, marquées par une exploration profonde de l'intériorité humaine et une confrontation avec les tensions sociales de son époque, continuent d'inspirer les amateurs d'art et les artistes occupés par les complexités de l’âme.

dimanche 13 novembre 2022

Y. Ogawa - Untitled (1998)

Le vide-grenier du dimanche. Deux clichés du photographe japonais Yasuhiro Ogawa (b.1968) qui s'est illustré par son travail sur la culture, la mémoire et la vie quotidienne au Japon et en Asie. Il se distingue par un style intime et poétique, qui capte à la fois l’essence des lieux et les émotions subtiles de ses sujets, avec une attention particulière aux ambiances et aux atmosphères.
Laissons l'émotion nous gagner devant ce petit chemin de pierre : elle est pure, écrivait Paul Gadenne dans son petit Guide du voyageur (1953).

Y. Ogawa - Untitled (1994)
Ogawa, avec sa vision introspective souvent empreinte de mélancolie, me semble aller au-delà d'une simple démarche documentaire pour offrir une lecture plus universelle et intemporelle de la condition humaine. Ses photographies nous donnent à voir des moments qui, bien que fugaces, révèlent une véritable histoire.

dimanche 6 novembre 2022

Ben Shahn - Untitled
Le vide-grenier du dimanche. Deux oeuvres de l'artiste d'origine lituanienne et naturalisé américain Ben Shahn (1898-1969).
Suite à l'exil de son père en Sibérie en 1902, pour des raisons politiques, Shahn émigre aux États-Unis avec sa mère et ses deux frères.
Ils s'installent à Brooklyn, New York, où Ben Shahn commence par s'initier à la lithographie. Parallèlement à des études en biologie à l'Université de New York, il étudie l'art au City College puis à la National Academy of Design.
Après son mariage en 1924 il voyage avec son épouse et visite l'Afrique du Nord puis l'Europe où il étudie le travail de grands artistes du vieux continent tels que Matisse, Dufy, ou encore Picasso. 
B.S. - Scott's run (1937)

Pourtant il n'est pas totalement satisfait du travail que lui inspire l'art moderne européen, et il oriente ses efforts vers un style réaliste qui lui permette d'exprimer ses préoccupations sociales.
Le succès des 23 gouaches qu'il réalise du procès des anarchistes Sacco et Vanzetti, saluées par le public et la critique, le conforte dans cette voie.
En 1935, le photographe Walker Evans le recommande à Roy Stryker, alors à la tête du département information de la Farm Security Administration ; Ben Shahn va dès lors documenter la vie rurale du Sud au même titre que Dorothea Lange (voir mars 2013), Gordon Parks (voir sept.2012), Jack Delano (voir mai 2012 et oct.2019), Walker Evans (voir juil.2012), Carl Mydans (voir avril 2013), John Vachon (voir mars 2016) Arthur Rothstein (voir avril 2019) ... Son travail photographique, que j'aime beaucoup, fera donc l'objet d'une future publication.

C.Ebbets - Lunch atop a skyscraper (1932) Une image et des mots. Pour aller avec ce cliché célébrissime, attribué à Charles Ebbets, voici q...