In girum imus nocte et consumimur igni

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samedi 22 février 2020

Estampe de Hiroshige (période Edo)
Une image et des mots. Hiroshige (1797-1858) était un dessinateur, peintre et graveur japonais de l'époque Edo (1600-1867). Ses paysages, plein de poésie et d'une grande sensibilité, ont marqué les impressionnistes français.

- Comme les poissons se plaisent dans l'eau ! s'écria Soshi.
Son ami lui dit:
- Vous n'êtes pas poisson; comment savez-vous que les poissons se plaisent dans l'eau?
- Vous n'êtes pas moi-même! répliqua Soshi. Comment savez-vous que je ne sais pas que les poissons se plaisent dans l'eau?

Le livre du thé, 1906, Okakura Kakuzo.
(anecdote que l'on retrouve aussi, en d'autres mots, sous la plume de Simon Leys dans Le bonheur des petits poissons, publié en 2008 chez Lattès).

dimanche 16 février 2020

Bruce Davidson - Brooklyn Gang, Cathy (1959)

Le vide-grenier du dimanche. Deux clichés du photographe américain Bruce Davidson (b.1933), déjà présenté ici en juin 2013.
Les deux photographies sont extraites de sa série Brooklyn Gang, qu'il a consacrée en 1959-60 aux Jokers alors qu'il était âgé de 25 ans. 
"Cathy was beautiful like Brigitte Bardot. We used to call her the shaggy dog. When Cathy was like thirteen, fourteen years old, she was the hottest thing you ever saw in your life. Everybody turned their eyes looking at Cathy. We were glad to have her hanging out with us. She was beautiful. Then, some years ago, she put a shotgun in her mouth and blew her head off. It was very sad to see her die because she was so sad. She was always sad, always fixing her hair."

B. D. - Brooklyn Gang (1959-60)
Ces lignes sont un court extrait de l'interview d'un des membres de la bande, Bengie, réalisée en 1998 par Emily Haas et dont l'intégralité se trouve ICI. Cette interview figure à l'origine dans l'ouvrage publié par Bruce Davidson en 1998, Brooklyn Gang - Summer 1959, par lequel il nous fait partager la vie du gang des Jokers, pendant tout l'été caniculaire de 1959...
Ils étaient pauvres, ils étaient malheureux, ils étaient violents, ils étaient sexuels, ils étaient plein de vie. Tous les jours j'allais à Brooklyn, ils m'autorisaient à être au milieu d'eux et à sortir avec eux. Mais c'était avant que la drogue ne débarque dans leur vie. J'ai pu voir, de mes yeux, la réalité, à quel point les familles étaient pauvres dans cette partie de Brooklyn. Il n'y avait rien pour les classes ouvrières. Il y avait de l'alcoolisme, et plus tard, de la drogue. Ce n'est pas tant autour d'un "gang", car ce n'est qu'un mot. Mon travail se concentre sur une idée universelle, que tous les ados, et plus généralement toutes les personnes, peuvent connaître : le sentiment d'isolement, de dépression, de la vie elle-même. C'est ça, le sujet de mes photos.

dimanche 9 février 2020

Franz Kafka - Le penseur (1913)

Le vide-grenier du dimanche. L'art, disait Kafka (1883-1924), est comme la prière, une main tendue dans l'obscurité, qui veut saisir une part de grâce pour se muer en une main qui donne. Voici deux de ses oeuvres. Elles font partie de ces dessins - il les appelait "gribouillages" -, qu'il a réalisés entre 1091 et 1907 et qui ont été exhumés l'an dernier des coffres d'une banque zurichoise.

Kafka - Sans titre
Dans une de ses conversations avec Gustav Janouch, traduites et publiées chez Maurice Nadeau en 1998, qui s'étonnait de la réticence de Kafka à montrer ses dessins, ce dernier lui répondit ceci :
Ces dessins ne sont pas aussi innocents qu’ils en ont l’air. Ils sont les vestiges d’une ancienne passion profondément enracinée. C’est pourquoi j’ai essayé de te les cacher… Ce n’est pas sur le papier. La passion est en moi. J’ai toujours voulu savoir dessiner. Je voulais voir, et retenir ce que je voyais. C’était ma passion.

dimanche 2 février 2020

Diane Arbus
Blind couple in their bedroom, Queens, NY (1971)
Le vide-grenier du dimanche. Deux clichés de la photographe américaine Diane Nemerov (1923-1971), bien plus connue sous son pseudonyme Diane Arbus. Formée à la photographie à la prestigieuse New School de New York, avec Berenice Abbott (voir août 2012 et juin 2019), elle suivra également, quelques années plus tard et toujours à New York, un cours de Lisette Model (voir août 2013).
Célèbre pour ses portraits en noir et blanc, souvent centrés sur des personnes marginales, des outsiders, et des individus considérés comme "étranges" par la société, et bien que son oeuvre ait été acclamée, elle a souvent suscité des débats entre l'art et l'exploitation. 

D.A. - J L. Borges in Central Park
NY  (1969)

Diane Arbus en effet photographiait volontiers des personnes handicapées, des travestis, des artistes de cirque, des nudistes, et des personnes aux modes de vie non conventionnels ; elle cherchait à capturer l'essence des individus dans leur singularité et leur vulnérabilité, avec un regard à la fois empathique et cru.
Avec son style de photographie est souvent décrit comme frontal et direct, mettant ses sujets dans des postures qui révèlent leurs identités les plus profondes, elle a joué un rôle clé dans la transformation de la photographie documentaire en une forme d'art davantage centrée sur l’humain et l’intime. Diane Arbus s'est suicidée en 1971, mais son héritage continue d'influencer profondément la photographie contemporaine.

BD5
ICI

samedi 1 février 2020

Paul Henry - A Connemara village (1930s)
Une image et des mots. L'image, c'est ce tableau du peintre irlandais Paul Henry (1877-1958), Village du Connemara (c.1930).
Les mots, que l'on peut trouver sur YouTube portés par la voix de Liam Neelson, sont du poète irlandais Seamus Heaney (1939-2013), couronné par le Nobel de littérature en 1995.
Voici une traduction du premier de ces poèmes lus. 

Creuser (Digging).

Entre mon doigt et mon pouce
Le stylo trapu repose; comme un pistolet.
Sous ma fenêtre, le crissement net
De la bêche qui plonge dans le sol caillouteux:
Mon père qui creuse. Je le regarde.
Jusqu'à ce que ses reins tendus parmi les plates-bandes
Se courbent à terre, remontent vingt ans après
Se voûtent en rythme dans les sillons de pommes de terre
Où il creusait.
[...]
L'odeur froide de la terre remuée, le gargouillis
De la tourbe détrempée, les courtes entailles d'une lame
Au travers de racines vivantes s'éveillent dans ma tête.
Mais je n'ai pas de pelle pour suivre de tels hommes.
Entre mon doigt et mon pouce
Le stylo trapu repose.
Je creuserai avec.


Seamus Heaney