In girum imus nocte et consumimur igni

In girum imus nocte et consumimur igni
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dimanche 4 avril 2010

Zurbarán - Christ en croix (1627)
Le vide-grenier du dimanche. Que dire en deux lignes, et que montrer en deux oeuvres, de Francisco de Zurbarán à qui j'aimerais consacrer tout ce blog.
Ce Christ en croix est celui qui est conservé à l'Art Institute of Chicago; Zurbarán l'a peint pour le monastère San Pablo de Séville.
Le Christ est seul, conformément à l'esprit (et à la lettre) de la Contre-Réforme qui prévaut alors; il est hors du temps et de l'espace.
Si l'on veut comparer cette crucifixion au calvaire ensanglanté de Velásquez - l'autre géant du Siècle d'or espagnol et son ami fidèle - conservé au Prado, la croix de Zurbarán est ici en bois mal dégrossi, la couronne d'épines - sur un visage à la beauté apaisée -, est moins visible, le corps du Christ est moins raide, il s'affaisse naturellement - la tête reposant sur son épaule droite - et la tension sur les bras fait remonter sa cage thoracique.... La tenue du corps est magistrale, et la densité de cette représentation est pour moi inégalée.

Zurbarán - Agnus Dei (c.1635)

Pour l'accompagner, un autre visage du Christ : une des six versions de son Agnus Dei qui, si l'on s'en tient à un simple regard naturaliste, égale ou surpasse en virtuosité les plus grands peintres animaliers. Qui ne voudrait pas poser une main consolatrice sur l'agneau résigné de Zurbarán?

samedi 3 avril 2010

A/U - Caledonian Market, London (1935)
Une image et des mots. Deux clichés choisis pour leur valeur documentaire. Les "chippies", les restaurants où l'on sert le traditionnel "fish and chips", sont une institution chez nos amis britanniques. Celui-ci, un "food truck", a été photographié au Caledonian Market de Londres en 1935.
Quand au cliché de la camionnette du poissonnier, le "fish van", il aurait été pris en 1937, dans le hameau de Cloughfold, Lancashire, et appartient à Rita Tattersall qui l'a publié sur la Toile pour témoigner de la vie de sa famille. Le petit bonhomme aux boucles blondes, à gauche, est son père.


Pour accompagner ces ichtyennes évocations, un extrait du petit livre Le bonheur des petits poissons, de Simon Leys.

Zhuang Zi et le logicien Hui Zi se promenaient sur le pont de la rivière Hao. Zuang Zi observa :
« Voyez les petits poissons qui frétillent, agiles et libres ; comme ils sont heureux ! ».
Hui Zi objecta : « Vous n’êtes pas un poisson; d’où tenez-vous que les poissons sont heureux ? »
- Vous n’êtes pas moi, comment pouvez-vous savoir ce que je sais du bonheur des poissons ?
- Je vous accorde que je ne suis pas vous et, dès lors, ne puis savoir ce que vous savez. Mais comme vous n’êtes pas un poisson, vous ne pouvez savoir si les poissons sont heureux.
- Reprenons les choses par le commencement, rétorqua Zhuang Zi, quand vous m’avez demandé « d’où tenez vous que les poissons sont heureux » la forme même de votre question impliquait que vous saviez que je le sais. Mais maintenant, si vous voulez savoir d’où je le sais – eh bien, je le sais du haut du pont. »

dimanche 28 mars 2010

E.Steichen - Lilac buds (1906)

Le vide-grenier du dimanche. Deux clichés du peintre et photographe américain d'origine luxembourgeoise Edward Steichen (1879-1973), un des maîtres du pictorialisme
Il fut pendant quinze ans, de 1947 à 1962, conservateur du MoMA de New York, et c'est là qu'il crée en 1955, avec son assistant Wayne Miller, la formidable exposition The Family of Man qui deviendra par la suite itinérante.
Son propos est de dresser, au-delà des différences entre les hommes, un portrait de l'humanité qui montre l'universalité de l'expérience humaine. L'exposition, qui a voyagé à travers le monde, a été vue par plus de 9 millions de visiteurs entre 1955 et 1964, date à laquelle le gouvernement des États-Unis l'offre au Grand Duché de Luxembourg, pays natal de Steichen.

E.Steichen - Vogue (1928)


Elle est aujourd'hui installée et visible au musée de Clervaux et, depuis 2003, inscrite au registre de la "Mémoire du monde", de l'Unesco.

It is an error common to many artists, (who) strive merely to avoid mistakes, when all our efforts should be to create positive and important work. Better positive and important with mistakes and failures than perfect mediocrity.

dimanche 21 mars 2010

A.J. Casson - Old store in Salem (1931)
Le vide-grenier du dimanche. Deux oeuvres du canadien Alfred Joseph Casson (1898-1992). 

A.J. Casson - Church at Testin (1932)

Il était proche, sans en faire partie, du Groupe des Sept, un regroupement de jeunes artistes canadiens dont j'aurai l'occasion de reparler bientôt. Leur peinture - aux couleurs franches et aux contours marqués, et qui voulait se détacher de l'héritage académique européen - se caractérise par une vigueur et une puissance quasi-mystiques.

dimanche 14 mars 2010

H.Levitt - New York (1940)

Le vide-grenier du dimanche. Deux clichés de la photographe américaine Helen Levitt (1913-2009). Native de New York - qui nourrira son travail tout au long de sa longue vie -, elle abandonne ses études au sortir du lycée et, à 17 ans, elle apprend le métier auprès d'un photographe commercial du Bronx.

Je sortais et je photographiais, je suivais mes yeux ; ce qu'ils voyaient j'essayais de le capturer avec mon appareil, pour que d'autres le voient

H.Levitt - New York (1938)

Elle rencontre Henri Cartier-Bresson et Walker Evans dont elle sera l'assistante en 1938 et 1939, notamment sur un projet documentaire dans le métro new-yorkais, appareil caché sous le manteau. Leur approche et leurs méthodes, la rigueur documentaire de Evans et la recherche de "l'instant décisif" chez Cartier-Bresson, vont avoir une influence déterminante sur son travail.                                                                                                                                        Elle photographie les enfants des quartiers pauvres, ceux de Harlem, de Brooklyn, et du Lower East Side, pour porter témoignage de leur culture, de leurs jeux et des éphémères dessins à la craie dont ils parent les murs et les trottoirs. Ce travail fournira la matière à une de ses séries les plus célèbres, publiée dans un livre intitulé In the street : Chalk Drawings and Messages, New York  City 1938-1948.

Tout ce que je peux dire à propos du travail que j'essaie de faire, c'est que l'esthétique est dans la réalité elle-même.

samedi 13 mars 2010

Kevin Schafer - Pink dolphin
Une image et des mots.
L'image aujourd'hui c'est ce beau cliché par Kevin Schafer, pour le National Geographic, d'un dauphin rose d'Amazonie. Si l'on remonte l'Orénoque en amont de son confluent avec le Ventuari, en franchissant un formidable dédale de rapides parsemés de centaines d'îles et d'îlots, on parvient à une petite communauté d'indiens Curripacos qui porte le nom de Cariche. Ce joli village est situé sur la rive droite du fleuve (lorsqu'on le remonte), à la confluence d'un petit "caño" qui lui a donné son nom.
S'engager dans ce "caño" est chaque fois un émerveillement. Il faut parfois, pendant ou après de fortes pluies par exemple, dégager le petit cours d'eau des troncs et des branches qui l'encombrent pour pouvoir progresser, et parvenir enfin à une forme de petite lagune où, immanquablement, on pourra observer une famille de ces merveilleux animaux.
Ici nommée "boto" ou "tonina", il s'agit de la variété Inia geoffrensis, commune aux bassins de l'Orénoque et de l'Amazone, qui est aujourd'hui sévèrement menacée d'extinction comme tous les dauphins d'eau douce dans le monde, dans le Gange ou le Mékong. Le "baiji" quant à lui, le dauphin bleu du Yang-tsé, s'est officiellement éteint en 2007.
Les mots qui suivent sont de Borgès, extraits de son Manuel de zoologie fantastique.

"Passons, maintenant, du jardin zoologique de la réalité au jardin zoologique des mythologies, dont la faune n'est pas de lions mais de sphinx et de griffons et de centaures. La population de ce deuxième jardin devrait excéder celle du premier, puisqu'un monstre n'est pas autre chose qu'une combinaison d'éléments d'êtres réels et que les possibilités de l'art combinatoire frisent l'infini. [.....] Cela, pourtant, n'arrive pas; nos monstres naîtraient morts, grâce à Dieu. Flaubert a rassemblé, dans les dernières pages de La Tentation, tous les monstres médiévaux et classiques et il a essayé, nous disent ses commentateurs, d'en fabriquer; le chiffre total n'est pas considérable et ils sont très peu ceux qui peuvent agir sur l'imagination des gens. Celui qui parcourra notre manuel constatera que la zoologie des songes est plus pauvre que la zoologie de Dieu."

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