In girum imus nocte et consumimur igni

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samedi 27 décembre 2014

(A/U)
Une image et des mots. Cette "belle" photographie d'un champ de bataille appartenait à André Jacquelin (1892-1975), médecin durant la Grande Guerre; l'auteur, le lieu et la date (me) sont inconnus.
Pour accompagner ce cliché, j'ai choisi sans surprise le poème "Campo arrasado por la guerra", de Manuel Altolaguirre qui figure dans le Romancero de la résistance espagnole, une anthologie réunie pour Maspero par Dario Puccini.

¿Dónde están los recuerdos si has quedado
como un desierto olvido, tú que eras
vergel o bosque, campo de batalla?
Si hay ojos que te vieron, que guardaron
la imagen de tu muerte, tu ruina,
derramen su memoria en tus arenas:
sangre, metal y fuego confundidos.
Escenario de muerte condenado
a no gozar futuras primaveras
al menos reproduce la agonía
de tanta juventud sacrificada.
Infantes y jinetes corredores
como nubes de sangre mal heridas,
entre el cielo y la tierra se dividen
para que brille el sol de la victoria.
Y ya no están. La luz que defendieron
apenas si ilumina los recoldos
de un temporal, eterno, destruido.
Muerte, olvido de muerte, sin un árbol,
desierta la llanura, claro el cielo,
el sol sin hijos luce como el llanto
y el pecho de la tierra no respira.
Memoria: labra en aire las figuras
de los enardecidos combatientes
y las antiguas frondas sean rivales
de este recuerdo en tan desierto olvido.


***

(trad. Claude Couffon)

Où sont les souvenirs si tu es demeuré
pareil à un désert d'oubli, toi qui étais
verger ou bois, champ de bataille?
S'il existe des yeux qui t'ont vu, qui gardèrent
l'image de ta mort, l'image de ta ruine,
qu'ils versent leur souvenir sur ton sable:
sang, métal et feu confondus.
Théâtre aux décors de mort condamné
à ne plus goûter de printemps futurs,
reproduit au moins l'agonie
de cette nombreuse jeunesse sacrifiée.
Des fantassins, des cavaliers en pleine course
et pareils à des nuages de sang mal blessés,
entre la terre et le ciel se partagent
afin que brille le soleil de la victoire.
Ils n'y sont plus. Cette clarté qu'ils défendirent
n'éclaire plus qu'à grande peine les tisons
d'un temps d'orage, éternel, consumé.
Mort, oubli de mort, et pas un seul arbre,
la plaine est déserte et le ciel est pur,
le soleil sans fils a l'éclat des larmes,
et la poitrine de la terre ne bat plus.
Mémoire: sculpte dans l'air les silhouettes
de ceux qui furent de farouches combattants
et que les anciennes ramures soient rivales
de ce souvenir dans un tel désert d'oubli.