In girum imus nocte et consumimur igni

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dimanche 27 mai 2018

A.S. - Der Nachtwächter (1890)
Le vide-grenier du dimanche. Deux oeuvres de l'allemand August Splitgerber (1844-1918). Élève de Hermann Anschütz à l’Académie des beaux-arts de Munich à partir de 1861, il appartient à cette génération de paysagistes réalistes qui, tout en restant fidèles à l’héritage de Spitzweg - dont on retrouve chez lui le goût pour les scènes intimistes et la précision naturaliste -, s’ouvrent peu à peu aux influences impressionnistes et à certaines audaces décoratives de l’Art nouveau. Ami proche de Wilhelm Leibl, Splitgerber expose dès 1879 au Glaspalast de Munich et participe régulièrement aux expositions allemandes, jusqu'à obtenir une médaille à Londres en 1890.

A.S. - Alt München (1891)

Ses paysages, qu’ils soient estivaux ou empreints de douceur automnale, se distinguent par leur minutie et par une atmosphère paisible, souvent animée de détails rustiques - jardins, animaux, chemins villageois - qui leur confèrent une chaleur familière.
Si son nom est moins connu que ceux des grands maîtres de son temps, Splitgerber demeure une figure attachante de la peinture allemande de la fin du XIXᵉ siècle, où réalisme, poésie champêtre et élégance décorative s’accordent avec une rare délicatesse. Mais pour cette publication, j’ai choisi deux scènes urbaines ; elles m'offrent ce que j’apprécie dans l’art : non seulement le plaisir esthétique, mais aussi la valeur documentaire, l'art au service du temps et du lieu. À côté du Veilleur de nuit, cette vue du vieux Munich avec son marché aux victuailles devant le café Groeber - démoli seulement deux ans plus tard - témoigne avec scrupule et sensibilité de la vie quotidienne à son époque, et nous offre un regard sur le passé que seule la peinture pouvait fixer alors avec autant de finesse.

IW1

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dimanche 20 mai 2018

M.S. - Millenium Wheel (1999)
Le vide-grenier du dimanche. Deux clichés du photographe anglais Matt Stuart (b.1974), membre de la coopérative Magnum Photos et du collectif de photographes de rue In-Public.
Formé à l’Université de Brighton, il se fait connaître par ses images de la vie urbaine londonienne, saisissant les instants imprévus et souvent humoristiques du quotidien. Influencé par Henri Cartier-Bresson et Martin Parr, il travaille souvent en noir et blanc, privilégiant l’instant décisif, mais il ne dédaigne pas la couleur lorsqu’elle contribue à la composition et à l’impact de l’image.
Ses photographies, à la fois drôles et percutantes, portent un regard attentif sur l’absurdité, la beauté et les contradictions de la vie urbaine moderne.
Matt Stuart montre que la rue, avec ses passants, ses vitrines et ses signes visuels, peut se transformer en un théâtre inattendu où chaque instant devient sujet à l’émerveillement et à la surprise.

M.S. - London, Oxford Street (2014)
Du cliché ci-dessus, pris à ses débuts, il dit que c'est la première photo qu'il a considérée digne d'être conservée, ICI...
Il a, en quelques minutes, pris tout un rouleau de pellicule de cet homme qui assistait à l'érection de la Millenium Wheel, et un seul était valable : celui-ci, le seul sur lequel la selle de la bicyclette n'était pas rognée.
Le second cliché, une photo d'index (au pluriel) accompagnés d'un slogan sur le flanc d'un autobus, est encore un belle illustration de l'opportunisme et de l'humour délicat de Matt Stuart.

samedi 19 mai 2018

Picasso - Cabeza de toro (1943)
Une image et des mots. Cette oeuvre de Picasso, et ce qu'il en dit, illustrent pour moi l'essence même de l'inspiration.

"Un jour j'ai trouvé dans un tas de ferraille une vieille selle de vélo à côté d'un guidon rouillé. Immédiatement, les deux objets se sont associés dans mon imagination. L'idée de la tête de taureau m'est venue à l'esprit sans réfléchir. Je n'ai eu qu'à les souder.
[....] Peut-être aurais-je dû jeter la tête de taureau, la jeter dans un ruisseau, n'importe où, mais la jeter. Alors un ouvrier serait passé et l'aurait ramassée. Peut-être se serait-il rendu compte qu'avec cette tête de taureau il pouvait faire une selle et un guidon de vélo.
Et il l'aurait fait. Ça aurait été extraordinaire."

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dimanche 13 mai 2018

Tami Bone - Storm (2012)
Le vide-grenier du dimanche. Deux clichés de Tami Bone (b.1957). Elle a grandi dans une petite ville du sud du Texas, dans un environnement marqué par les contes populaires, la religion et les paysages arides. Ce terreau imaginaire, mêlé aux souvenirs de son enfance, nourrit directement ses photographies, qu’elle qualifie elle-même de “réalités intérieures”. Le plus souvent en noir et blanc, elle met en scène des figures humaines, des animaux ou des objets dans des décors qui semblent flotter entre rêve et mémoire. Ses compositions, souvent théâtralisées, explorent l’enfance, la perte, le sacré, mais aussi le lien profond à la terre natale et aux mythologies personnelles.

T.B. - série Mythos (2012)
À propos de la série Mythos, d'où sont extraites ces photos, elle dit ceci : Ce travail est mon histoire. Les images sont parfois, mais pas toujours, la construction de plusieurs images. Chacune commence par des notes prises à propos d'un souvenir particulier ou d'une image de mon enfance...
Il y a une bonne part du travail de Tami Bone que je ne me sens pas la possibilité - ni l'envie - de partager ; ce que racontent la plupart de ses images m'est trop étranger, ou lui est trop personnel..; ce qui revient sans doute au même.
Mais j'aime les deux que voici, aussi bien d'un point de vue esthétique que sur un plan narratif ; j'y trouve l'espace dont j'ai besoin pour y créer "mon" histoire.
KD1

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dimanche 6 mai 2018

H.R.N. - Irises in the garden (1882)
Le vide-grenier du dimanche. Deux oeuvres de l'américain Henry Roderick Newman (1843-1917), associé à la tradition préraphaélite et particulièrement connu pour ses aquarelles détaillées représentant des paysages, des architectures et des scènes de la nature. Né à Easton, New York, il entreprend en 1860 des études de médecine pour suivre les pas de son père, mais les abandonne un an plus tard, à son décès et alors qu'il n'a que 18 ans, pour se consacrer à la peinture en autodidacte. Remarqué et encouragé par John Ruskin, le grand critique d’art britannique, Newman développe une peinture d’une minutie quasi scientifique, héritée de l’observation naturaliste : fleurs, plantes, arbres, paysages de montagne ou côtes rocheuses sont rendus avec une précision méticuleuse, tout en restant traversés d’un sens poétique très préraphaélite.
H.R.N. - The priest's garden
(1883)

Il partage avec les préraphaélites anglais le souci du détail, la quête de vérité dans la représentation de la nature et la fascination pour l’esthétique médiévale. En 1864, il devient membre de l'American Pre-Raphaelites.
Au printemps 1870, il se rend en France et suit brièvement les enseignements de Jean-Léon Gérôme, mais l'irruption de la guerre franco-prussienne le pousse en Italie, où il passera le reste de sa vie. C'est là, sur la côte toscane, qu'il a peint ce jardin de curé baigné de lumière, au bord du golfe éminemment romantique de La Spezia, ce golfe de la mer de Ligurie surnommé Golfe des Poètes. Shelley s'y est noyé.
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samedi 5 mai 2018

E. Schiaffino - Portrait de Margot (1890)
Une image et des mots. C'est à l'occasion d'un dîner de têtes au Musée des Beaux-Arts de Buenos Aires que j'ai découvert il y a de ça une vingtaine d'années la peinture de l'argentin Eduardo Schiaffino (1858-1935) ; il en avait été le directeur et y avait joué un rôle déterminant dans l'institutionnalisation de l'art dans son pays.
Élève de Puvis de Chavannes, il est maintenant presque oublié et c'est donc avec plaisir que je publie aujourd'hui ce Portrait de Margot (1890). Cet air de lassitude un peu agacée sur son joli visage, est-ce qu'il s'adresse à un amoureux trop peu audacieux qui lui dit des poèmes au lieu de la courtiser? Ou bien (effet Koulechov ?) est-ce juste une idée née à la lecture de ces quelques vers ? Ils sont d'un autre argentin, Julio Cortazar, extraits de Cinco últimos poemas para Cris.

Ahora escribo pájaros.
No los veo venir, no los elijo,
de golpe están ahí, son esto,
una bandada de palabras
posándose
una
a
una
en los alambres de la página,
chirriando, picoteando, lluvia de alas
y yo sin pan que darles, solamente
dejándolos venir. Tal vez
sea eso un árbol
o tal vez
el amor,
[.....]
No te voy a cansar con más poemas.
Digamos que te dije
nubes, tijera, barriletes, lápices,
y acaso alguna vez
te sonreíste.

***

Maintenant j'écris des oiseaux.
Je ne les vois pas venir, je ne les choisis pas,
d'un coup ils sont là, ils sont ceci,
une nuée de mots
se posant
un
par
un
sur les fils de fer de la page,
piaillant, picorant, pluie d'ailes
et moi sans pain à leur donner, les laissant
seulement venir. Peut-être
est-ce cela un arbre
ou peut-être
l'amour.
[.....]
Je ne vais pas te fatiguer avec d'autres poèmes.
Disons que je t'ai dit
nuages, ciseaux, cerfs-volants, crayons,
et peut-être qu'une fois
tu as souri.

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