In girum imus nocte et consumimur igni

In girum imus nocte et consumimur igni
eiπ + 1 = 0

dimanche 26 septembre 2010

Robert Doisneau - Prévert devant Mérode (1953)
Le vide-grenier du dimanche. Deux clichés de Robert Doisneau (1912-1994), considéré avec Henri Cartier-Bresson et Willy Ronis comme l'un des fondateurs de ce que l'on appelle la photographie humaniste - un courant à l'origine français et qui le restera d'ailleurs majoritairement.
Jeune homme, Doisneau fréquente à Paris l'École Estienne pour y apprendre les métiers du livre, mais il affirmera toujours que son éducation la plus importante viendra des rues du quartier ouvrier de Gentilly. En 1929, pour améliorer son dessin il commence à photographier, alors que les idées modernistes commencent à promouvoir la photographie comme le principal medium pour la publicité et le reportage. Doisneau travaille alors pour le photographe publicitaire André Vigneau, dans le studio de qui il rencontre de nombreux artistes avant-gardistes, et c'est à cette période qu'il commence à photographier les rues et les quartiers de Paris.
R. D. - Marguerite Duras (1952)

Sa carrière interrompue par la Seconde Guerre mondiale, Doisneau s'engage dans la Résistance, où il met ses compétences à profit pour alimenter la clandestinité en faux documents. En 1945, il retourne à la publicité mais s'adonne aussi à la photographie de mode et au reportage.
Son premier livre, "La banlieue de Paris" parait en 1949. Dans les années 50, Doisneau est actif au sein du Groupe des XV, qui se donne pour mission de promouvoir la photographie comme moyen d'expression artistique.
Son oeuvre est marquée par une approche poétique teintée d'un humour aussi subtil que sa résistance à l'ordre établi, et, surtout, par un profond humanisme.
Il est des jours où l'on ressent le simple fait de voir comme un véritable bonheur [...] On se sent si riche qu'il vous vient l'envie de partager avec les autres une trop grande jubilation. Le souvenir de ces moments est ce que je possède de plus précieux.
La trogne de Prévert devant Mérode, et le beau portrait de Marguerite Duras seule à la terrasse du Petit Saint-Benoît, à Paris ; aucun amour au monde ne peut-il tenir lieu d'amour ?

dimanche 19 septembre 2010

Paul Émile Chabas - Matinée de septembre (1912)
Le vide-grenier du dimanche. Deux oeuvres du peintre et illustrateur Paul Émile Chabas (1869-1937), frère de Maurice et élève de Bouguereau. 

P.E.Chabas - Femme au bord de la mer
(1890)










Le premier tableau, qui représente une jeune femme nue frissonnant dans les eaux froides du lac d'Annecy, est qui est aujourd'hui conservé au Metropolitan de New York, avait fait scandale aux États-Unis lors de sa présentation en mai 1913. 
Chabas y avait mis, disait-il, tout ce qu'il savait de la peinture.
AH4

ICI

samedi 18 septembre 2010

Tinto Brass - Monella (1998)
Une image et des mots. J'ignore quel anar cinéphile a malicieusement détourné cette image charmante d'Anna Ammirati, héroïne (Lola) du film de Tinto Brass, Monella (1998).
Pour aller avec, voici quelques mots extraits d'Anselme Bellegarrigue (1813-1869), fondateur en 1848, avec Bernard 'Ulysse' Pic de la Société des Libres Penseurs.

"Le démocrate n'est pas de ceux qui commandent. 
Car il est celui qui désobéitVous avez cru jusqu'à ce jour qu'il y avait des tyrans? Eh bien vous vous êtes trompés! Il n'y a que des esclaves. Là où nul n'obéit, nul ne commande."

dimanche 12 septembre 2010

Hovsep Pushman - Narcissa
Le vide-grenier du dimanche. Deux oeuvres du peintre américain d'origine arménienne Hovsep Pushman (1877-1966).
À l'âge de 11 ans il est admis à l'École impériale des Beaux-Arts d'Istanbul. 
En 1896, sa famille émigre aux États-Unis et s'installe à Chicago. Dans l'Empire Ottoman, c'est l'époque des massacres hamidiens, effroyable prélude au génocide qui sera perpétré à partir de 1915 contre la population arménienne.

H. P. - Nature morte
Hovsep Pushman est alors âgé de 19 ans. À Chicago, il étudie la culture chinoise et l'art extrême-oriental avant de partir à Paris où il suivra à l'Académie Julian l'enseignement de Jules Joseph Lefebvre.
Il revient aux États-Unis en 1914, alors qu'éclate en Europe la Première guerre mondiale, et s'installe en Californie où il va fonder quelques années plus tard, en 1918, la Laguna Beach Art Association. 
Après un dernier séjour à Paris, où il reste jusqu'en 1923, il revient enfin s'installer, définitivement, à New York.

DG1
ICI

dimanche 5 septembre 2010

Luke Swank - Laundry and graffiti (1936)
Le vide-grenier du dimanche. Deux oeuvres de Luke Swank (1890-1944), pionnier oublié de la photographie moderniste américaine.
Après des études dans un lycée agricole de l'État de Pennsylvanie, il commence sa vie professionnelle comme éleveur de bétail, avant d'être employé dans la quincaillerie de son père puis - après avoir servi pendant la 1ère Guerre mondiale -, de s'installer comme mécanicien automobile.

L.Swank - Mill scene (1933)









C'est à partir de ce moment-là, en 1930, qu'il s'adonne à la photographie, et ses premiers clichés - les aciéries de Bethlehem -, sont deux ans plus tard exposés à New York.
Devenu dès 1935 le photographe officiel de l'université de Pittsburgh, Swank va abondamment documenter la vie urbaine et l'architecture rurale de Pennsylvanie avant de disparaître prématurément en 1944.

En 1934 le rédacteur en chef de Vanity Fair, Franck Crowninshield, écrivait ceci : "Not only is Luke Swank interested in interpreting American life, but in revealing what is particular to American light and air. Therein, we believe, lies his artistry." Et le critique Bruce Lockwood ajoutait : "He has exalted the snapshot, which most photographers shun, into an art. Luke Swank is doing for photography what Flaubert did for the novel".

samedi 4 septembre 2010

Brueghel l'Ancien - Le triomphe de la mort (1562)
Une image et des mots. Cette oeuvre de Pieter Brueghel l'Ancien, Le Triomphe de la Mort (1562), est conservée au Musée du Prado, à Madrid.
Dans son Histoire de la peur en Occident, Jean Delumeau écrit ceci :
« Il n’y a pas à chercher bien loin où Brueghel a puisé l’idée de la charrette pleine de squelettes qui figure dans son Triomphe de la mort.
Durant une vie d’homme de la ville, il était normal d’avoir vécu au moins une peste et assisté au stupéfiant va-et-vient des tombereaux entre les maisons et les fosses communes.»


Cette charrette, c'est mon lien avec le poème de Wilfred Owen (1893-1918) que voici... Considéré comme le plus grand poète de guerre de langue anglaise, celui qui dans ces lignes dénonçait l'absurdité de la guerre est mort quelques jours avant l'armistice, à l'âge de vingt-cinq ans.

Dulce et decorum est.

Bent double, like old beggars under sacks,
Knock-kneed, coughing like hags, we cursed through sludge,
Till on the haunting flares we turned our backs,
And towards our distant rest began to trudge.
Men marched asleep. Many had lost their boots,
But limped on, blood-shod. All went lame; all blind;
Drunk with fatigue; deaf even to the hoots
Of gas-shells dropping softly behind.

Gas! GAS! Quick, boys!—An ecstasy of fumbling
Fitting the clumsy helmets just in time,
But someone still was yelling out and stumbling
And flound’ring like a man in fire or lime.—
Dim through the misty panes and thick green light,
As under a green sea, I saw him drowning.

In all my dreams before my helpless sight,
He plunges at me, guttering, choking, drowning.

If in some smothering dreams, you too could pace
Behind the wagon that we flung him in,
And watch the white eyes writhing in his face,
His hanging face, like a devil’s sick of sin;
If you could hear, at every jolt, the blood
Come gargling from the froth-corrupted lungs,
Obscene as cancer, bitter as the cud
Of vile, incurable sores on innocent tongues,—
My friend, you would not tell with such high zest
To children ardent for some desperate glory,
The old lie:
Dulce et decorum est pro patria mori.


***
(Traduction de Georges Gernot)

Pliés en deux comme de vieux mendiants sous leur sac,
Les genoux cagneux, toussant comme des sorcières, jurant, sacrant, nous avancions dans la boue,
Jusqu'à tourner le dos aux fusées éclairantes, notre hantise
Et à nous mettre à patauger péniblement vers notre lointain repos.

Les hommes dormaient debout. Beaucoup avaient perdu leurs brodequins
Mais continuaient, boitant, les pieds en sang. Tous estropiés, tous aveugles ;
Ivres de fatigue, sourds même au mugissement
Des obus de Cinq-neuf qui au bout de leur course, distancés, tombaient dans notre dos.

Les gaz ! les gaz ! Vite les gars ! Extase de tâtonnement,
Ajuster les masques peu pratiques juste à temps —
Mais voilà que quelqu'un se mit à hurler, à trébucher,
À se débattre comme un homme dans les flammes et la chaux…
Flou, derrière nos vitres embuées et l'épaisse lumière verte,
Comme une mer verte, je le vis se noyer.

Dans tous mes rêves, devant mes yeux impuissants,
Il plonge sur moi, se vide, s'étouffe, se noie.

Si dans certains rêves suffocants, vous pouviez vous aussi
Marcher derrière la charrette où nous l'avions jeté,
Et voir les yeux tout blancs rouler dans son visage,
Son visage qui pend, comme celui d'un démon malade du péché ;
Si vous entendiez, à chaque cahot, le sang
Qui gargouille et s'écoule de ces poumons empoisonnés,
Cancer obscène, tel le reflux amer de plaies
Infectes et incurables sur des langues innocentes, —
Mon amie, vous mettriez moins de zèle à répéter
À des enfants en mal de gloire désespérée,
Le vieux mensonge :
Dulce et decorum est pro patria mori.

JP4 ICI