In girum imus nocte et consumimur igni

In girum imus nocte et consumimur igni
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dimanche 22 décembre 2024

S. Leiter - Red umbrella (1957)
Le vide-grenier du dimanche. Deux clichés du photographe américain Saul Leiter (1923-2013) – dont la reconnaissance est survenue tardivement, mais qui est aujourd’hui considéré comme un pionnier de la photographie couleur. Comme je l’indiquais dans le premier billet consacré à son œuvre sur ce blog (décembre 2013), ce n’est qu’avec la publication en 2006 de Early Color que son travail est enfin largement reconnu.
J’ai passé une grande partie de ma vie en étant ignoré. J’en étais très heureux. Être ignoré est un grand privilège.
C’est ainsi que j’ai appris à voir ce que d’autres ne voient pas et à réagir à des situations différemment. J'ai simplement regardé le monde, pas vraiment prêt à tout, mais en flânant.
S. Leiter. - Phone call (1957)

Son regard singulier s’exprime notamment par l’utilisation de flous, souvent obtenus en jouant avec la buée ou des mises au point particulières, ce qui confère à ses images une grande qualité poétique. Ses compositions, influencées par sa pratique picturale et parfois presque abstraites, nous plongent dans un univers presque onirique, où les détails du quotidien sont en quelque sorte déréalisés par la maîtrise à la fois lyrique et apaisée des couleurs et par le jeu virtuose des reflets et des perspectives... L'ordinaire - alors - devient parfois sublime.

dimanche 15 décembre 2024

Y. Ozeri - Ambient dinner (2024)

Le vide-grenier du dimanche. Deux oeuvres du peintre hyperréaliste israélien Yigal Ozeri (b.1958), qui réside et travaille à New York où il a cofondé en 2014 Mana Contemporary, un centre artistique multidisciplinaire situé plus précisément à Jersey City. D'abord séduit par l'abstraction, Ozeri s'est tourné vers le réalisme au début des années 2000, et son travail d'abord centré sur le portrait de jeunes femmes à l'allure romantique - inspiré par les préraphaélites du XIXᵉ siècle comme Dante Gabriel Rossetti et John Everett Millais -, a rapidement suscité une vive admiration.
Un de ces portraits me fascine - Untitled; Shely 2017 - où tout semble parfait : le scintillement de la lumière sur la surface de l'eau, les nuances entre les pierres immergées, floutées par la transparence mouvante de l’eau, et celles qui émergent, plus nettes, presque sèches, le contraste entre la texture mate et la brillance humide de la botte à demi immergée, les plis et les transparences de la tunique plaquée contre la peau. Tout est palpable, vivant, - bien plus qu'une "simple" prouesse technique.
Y.O. - Miss America (2022)

Mais ce n’est pas ce que j’ai choisi de publier aujourd’hui ; je préfère mettre en avant deux tableaux tirés de sa série consacrée aux diners – ces icônes de la culture populaire américaine – qui, au-delà de leur perfection formelle, me racontent une histoire : ils évoquent avec nostalgie des instants du quotidien, des lieux emplis d’histoires qui dialoguent avec notre imaginaire. Ce sont des œuvres qui, par leur force narrative et leur sensibilité, invitent à une véritable expérience sensible.
En 1997, Yogal Ozeri a collaboré avec le poète israélien Ronny Someck sur The Razor that Cut the Metaphoric Face of Poetry, un projet combinant gravures et poésie, montrant ainsi son intérêt pour les dialogues artistiques interdisciplinaires.

dimanche 8 décembre 2024

Andy Levin - New York (1978)
Le vide-grenier du dimanche. Deux clichés du photographe américain Andy Levin (b.1950) – contributeur de Life Magazine dans les années 1980 – qui témoignent de son regard singulier sur la vie quotidienne. Son travail, publié dans Time, National Geographic, The New York Times, Paris Match ou Forbes, explore les rituels, les fêtes et les moments intimes où surgit une vérité humaine. « My mission is to capture the vitality of the human experience and to present it on paper in a visually compelling manner. »
Né à New York, Levin baigne très tôt dans la photographie grâce à son père, lui-même passionné et ami de figures comme Weegee ou Cartier-Bresson. Il commence à expérimenter dès son enfance, voyage en Europe avec sa famille et apprend très jeune à voir et comprendre les gens et les lieux.
A.L. - Chowpatty, India (nd)

Après avoir travaillé à l’agence Black Star et participé à de nombreux projets il s’installe en 2004 à la Nouvelle-Orléans, où il documente un an plus tard les ravages du cyclone Katrina. Entre photographie et action directe pour aider ses voisins, Levin capte la beauté et la fragilité de la ville, en mêlant engagement et poésie.
Aujourd’hui, Levin continue de vivre et de travailler à New Orleans, tout en enseignant et en éditant le magazine 100 Eyes, poursuivant son exploration de la vie urbaine et des instants de grâce quotidiens.

samedi 7 décembre 2024

Hokusai - La grande vague de Kanagawa (1830)

Une image et des mots. La célébrissime "grande vague de Kanagawa" de Hokusai - la première de ses Trente-six vues du Mont Fuji -, et quelques lignes de Malcolm Lowry extraites de son premier roman, Ultramarine (1933). 

Le bateau s'élevait lentement, porté par les lentes lames bleues, une tonne d'écume déferla sous le vent, et toute la joie du ciel, cette autre mer, resplendit au-dessus du pont pour les soutiers comme pour les matelots, tandis qu'une petite barque de pêche japonais luisait, blanche, contre la côte sombre. Ah ! qu'il était merveilleux, malgré tout, d'exister !

dimanche 1 décembre 2024

René Burri - Hôtel Paix, Shanghaï (1989)
Le vide-grenier du dimanche. Deux clichés du photographe suisse René Burri (1933-2014), après celui que j'avais publié en octobre 2014.
Formé de 1949 à 1953 à l'École des Arts Appliqués de Zurich, il y apprend la composition, la couleur et le design sous la direction de figures marquantes comme Hans Finsler, Johannes Itten et Alfred Willimann – des influences qui marqueront durablement sa vision artistique..
En 1959 il devient membre de l'Agence Magnum et  parcourt le monde : le Japon, la Chine, l'Europe, et les deux Amériques. Il photographie le Moyen-Orient, la Guerre des Six Jours et celle du Vietnam. En 1963, il réalise le célèbre portrait de Che Guevara au cigare qui fera le tour du monde.
R.B. - Argentine (1958)

Mais avec son Leica – son « troisième œil » – Burri impose un style sensible et engagé, au-delà du simple reportage. Son travail, qu'il célèbre des instants ordinaires ou témoigne d'évènements majeurs, est toujours marqué par une élégance formelle et une géométrie soigneusement pensée. Avec une perspective imprégnée d’humanité, Burri ne se contente pas de documenter le réel ; il cherche à en révéler les nuances, les subtilités, la touche imperceptible qui peut donner à une image son caractère intemporel. Avant de fixer un moment, j’ai besoin de comprendre ce qui se passe, ce que je veux exprimer. C’est la présence du photographe qui détermine une bonne image. J'aime énormément celles que je présente aujourd'hui.

dimanche 24 novembre 2024

Mark Rothko - Subway (1939)
Le vide-grenier du dimanche. Deux oeuvres du peintre américain d'origine lettone Mark Rothko (1903-1970), figure majeure de l'expressionnisme abstrait et de l'art moderne, même s'il refusait d'entrer dans une catégorie qui, disait-il, " l'aliénait."
D'une simplicité apparente, son style, qualifié de Color Field Painting par la critique, cache une grande complexité émotionnelle et spirituelle. Rothko voyait ses toiles comme des espaces de méditation, où la couleur devenait le langage de l’âme.
M. Rothko - Subway (1937)

Marqué par Nietzsche, Freud et Jung, il considérait les mythes comme des outils intemporels pour réveiller l’inconscient collectif et répondre au vide spirituel de l’homme moderne. Dans ses grands champs de couleur, il cherchait moins à représenter qu’à susciter une expérience intérieure – un face-à-face avec l’essentiel. Pour Mark Rothko, l’art avait une responsabilité morale : celle d’offrir une forme de transcendance à une époque désenchantée. Il s'est suicidé en 1970.

samedi 23 novembre 2024

Markus Hartel - Sans titre
Une image et des mots. 
Aborder le sujet des idées, c'est rapidement traiter de leur échange et de leur partage.. Échangez votre pomme avec quelqu'un, disait à peu près le dramaturge irlandais George Bernard Shaw, et vous n'aurez toujours qu'une pomme ; échangez votre idée, et vous aurez chacun deux idées..
C'est aussi traiter de leur confrontation, et inévitablement en venir au sujet de la tolérance.

Moins les gens ont d'idée à exprimer, plus ils parlent fort, écrivait François Mauriac dans Le pays sans chemin (1951).

L'image est du photographe allemand Markus Hartel, et les mots qu'elle m'inspire sont de Pierre Bayle, précurseur de Locke et de Voltaire, extraits de son Commentaire philosophique II (1636)

Il n'y a pas, dit-on, de plus dangereuse peste dans un État que la multiplicité de religions, parce que cela met en dissension les voisins avec les voisins, les pères avec les enfants, les maris avec les femmes, le Prince avec ses sujets. Je réponds que bien loin que cela fasse contre moi, c'est une très forte preuve pour la tolérance ; car si la multiplicité des religions nuit à un État, c'est uniquement parce que l'une ne veut pas tolérer l'autre [.....], c'est là l'origine du mal.

Albert Rieger - Clair de lune Le vide-grenier du dimanche. Deux oeuvres du peintre et photographe autrichien Albert Rieger (1834-1905), form...