In girum imus nocte et consumimur igni

In girum imus nocte et consumimur igni
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samedi 3 octobre 2020

Alessandro Allori - Charybde et Scylla (1575)
Une image et des mots. Cette représentation du voyage d'Ulysse, quand six de ses compagnons sont dévorés dans le détroit de Messine par le monstre Scylla, est une des fresques du maniériste italien Alessandro Allori qui ornent les murs du Palazzo Salviati, au coeur historique de Florence.
Pour aller avec, voici quelques vers du poète soudanais Abdel Wahab Yousif...

You'll die at sea.
Your head rocked by the roaring waves,
your body swaying in the water
like a perforated boat.

In the prime of youth you'll go,
shy of your 30th birthday.
Departing early is not a bad idea;
but it surely is if you die alone
with no woman calling you to her embrace:
"Let me hold you to my breast,
I have plenty of room.
Let me wash the dirt of misery off your soul".

***

Tu mourras en mer.
La tête ballottée par les vagues rugissantes,
ton corps qui se balance dans l'eau.
comme un bateau crevé.

Tu partiras dans la fleur de ta jeunesse,
à peine la trentaine.
Partir tôt n'est pas une mauvaise idée,
mais c'en est une si tu meurs seul,
sans une femme qui t'ouvre ses bras :
" Laisse-moi te presser contre ma poitrine,
j'ai beaucoup de place.
Laisse-moi laver ton âme de la misère crasse ".

Abdel Wahab Yousif est mort noyé en Méditerranée au mois d'août dernier, avec 44 de ses compagnons de voyage, adultes et enfants. Il avait vingt-neuf ans.

LD1
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dimanche 27 septembre 2020

V. Gilbert - Élégante sur les quais

Le vide-grenier du dimanche. Deux oeuvres du peintre de genre Victor Gilbert (1847-1933), dont j'apprécie beaucoup la façon de documenter le Paris de la Belle-Époque, ses représentations de la vie quotidienne dans la capitale et ses scènes de marché, dans un style qui associe réalisme et impressionnisme. Issu d'un milieu modeste, il ne peut malgré ses dons remarqués pour le dessin s'inscrire à l'École des Beaux-Arts ; il sera donc d’abord apprenti chez un peintre-décorateur et ne recevra pas d'autre formation académique que des cours du soir par le Père Levasseur à l'École de la Ville de Paris.
V.G. - Marché rue Mouffetard (n.d)

Pratiquement autodidacte il parvient toutefois à se former en cultivant un sens aigu de l'observation et une passion marquée pour les détails ; ses oeuvres, influencées par les impressionnistes, sont empreintes d’une grande sensibilité pour la couleur et la lumière, même s’il reste fidèle à un style figuratif et détaillé.
Victor Gilbert aura donc avec son art délicat immortalisé un pan important de la vie parisienne, les petites gens, les marchands, les enfants et les ménagères, en donnant un éclat subtil à des scènes souvent banales. Ses choix dans les scènes restituées pourraient être, quelques décennies plus tard, ceux d'un photographe de rue ; ainsi ce tableau que j'aime beaucoup d'une élégante sur les quais de Seine ou encore ce jour de marché dans la rue Mouffetard.

CH1
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samedi 26 septembre 2020

Depuis La Perdicie, à Jumilhac-le-Grand, Dordogne (2011)
Une image et des mots. L'image, c'est cette vue sur les vallons de la campagne périgourdine prise il y a quelques minutes depuis La Perdicie.
Les mots sont de Stevenson (bien qu'il les signe W.P. Bannatyne), extraits de son Voyages avec un âne dans les Cévennes.

"We travelled in the print of olden wars; yet all the land was green; and love we found, and peace, where fire and war had been. They pass and smile, the children of the sword - No more the sword they wield; and O, how deep the corn, along the battlefield!"

***

"Nous allions sur les traces des guerres d'autrefois; pourtant la contrée entière était verdoyante, et nous trouvions l'amour et la paix là où il y avait eu le feu et la fureur. Ils passent et ils sourient, les enfants de l'épée qu'ils ne brandissent plus, et oh! Qu'elles sont profondes les racines du blé sur les champs de bataille!"

Ce paysage chaque jour sous mes yeux, il dit ce qu'est la résilience des hommes et des sols meurtris. Il dit aussi le devoir que l'on a de garder vive la mémoire des sacrifices anciens qui ont fait notre monde, et de nous-mêmes ce qu'aujourd'hui nous sommes.

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dimanche 20 septembre 2020

Claude Monet - Impression soleil levant (1872)

Le vide-grenier du dimanche. Deux oeuvres de Claude Monet (1840-1926). Après tout pourquoi s'abstenir, au motif qu'il est célébrissime et qu'à ce titre tout le monde ou presque l'a déjà vu cent fois, de publier encore ce tableau? Impression, soleil levant est une révolution. La ligne d'horizon disparaît dans la brume et les reflets, l'oeuvre baigne dans l'esthétique du flou déjà explorée par l'éblouissant précurseur J.M.W. Turner, découvert par Monet lors de son séjour à Londres en 1870. 

Monet veut peindre l'invisible, "je veux peindre l'air dans lequel se trouve le pont, la maison, le bateau. La beauté de l'air où ils sont, et ce n'est rien d'autre que l'impossible."

C.M. - Bouquet de soleils
(1881)
Le tableau, lorsqu'il est dévoilé à Paris en avril 1874, fait scandale; le critique Louis Leroy, pour s'en moquer, reprend son titre et qualifie Monet et ses amis d'impressionnistes.  Le mouvement Impressionniste est né, et ce tableau marque simplement le passage de la tradition à la modernité. La couleur, écrit Monet, est mon obsession, ma joie et mon tourment.

Quelle oeuvre choisir pour l'accompagner ? La promenade (ou femme à l'ombrelle), Les nympheas, Les coquelicots, ou l'une des sublimes vues de Londres ? En clin d'oeil à un autre géant, je choisis ces tournesols, une oeuvre considérée mineure. 
Alors, ... qui c'est le plus fort ? Monet ou Van Gogh ? Monet bien sûr ! Douze tournesols dans le vase de Van Gogh, alors que j'en compte au moins dix-sept dans celui de Monet ! Alors hein, pouet-pouet ! La critique d'art, c'est tout un art.

JM1 ICI