In girum imus nocte et consumimur igni

In girum imus nocte et consumimur igni
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dimanche 7 mai 2017

Isaak Brodsky - Dnieprostroi (1932)
Le vide-grenier du dimanche. Deux oeuvres du russe Isaak Brodsky (1883-1939), éminent représentant de ce courant vertueux que l'on appelle le réalisme socialiste soviétique. Je laisse volontiers à Lénine l’idée que l’art ne serait qu’une petite vis dans la grande mécanique de la révolution., et donc je ne suis pas particulièrement friand des peintures héroïco-martiales de l'art de propagande...
Mais ici, point d allégorie à la mâchoire carrée, point de contre-plongée sur de sculpturaux prolétaires qui brandissent des clés à molette. Au contraire c'est une vue en plongée que nous propose ici Brodsky, sur le chantier du Dieprostroi qui était alors le plus grand barrage du monde, ... Et l'on n'y voit pas un bataillon de bâtisseurs industrieux au pied de murailles colossales, juste une poignée d'ouvriers raisonnablement affairés ; l'un même est assis, et un autre à ses côtés - jambes nonchalamment écartées - a les mains sur les hanches..
Le parti-pris du peintre, donc, me plaît assez, et sa réalisation, sur le plan strictement esthétique, davantage encore... : l'emploi des couleurs, l'équilibre de leurs belles nuances sur la toile, avec cette géométrie d'ombre et de lumière, et ces belles diagonales, le câble d'une grue dont on ne voit que l'ombre... J'aime beaucoup ce tableau.

I.B - Parole IV, Lénine à Putilov (1929)
Le second, tout aussi conventionnel dans son sujet et moins original dans sa composition, me plaît aussi beaucoup ; il nous fait revivre un événement qui s'est déroulé il y a un siècle exactement, que la Fête du Travail vient de rappeler.
Le titre complet de ce tableau est "Parole IV. Lénine lors d'un rassemblement des travailleurs de l'usine de Putilov en mai 1917." Lénine, donc, de retour d'exil, qui exhorte le peuple à renverser le gouvernement provisoire mis en place après l'abdication du tsar Nicolas II. Ce que j'admire ici, c'est la virtuosité du peintre dans le rendu des vestes fatiguées, les avant-bras maculés, ces dizaines et dizaines de postures et d'attitudes formidablement vivantes, cette façon particulière qu'a chacun des trois fumeurs de tenir sa cigarette... Il n'y a qu'une femme dans cette foule, et - de profil - un sosie de Lénine.
Où est Charlie ?
GV1

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samedi 6 mai 2017

Anon. - Glacier National Park, Montana
Une image et des mots.
"Que mes pas me portent dans la beauté, que mes pas me portent tout le long du jour, que mes pas me portent à chaque retour des saisons pour que la beauté me revienne. Beauté des oiseaux, beauté joyeuse des oiseaux. Que mes pas me portent sur le chemin gorgé de pollen, que mes pas me portent dans la danse des sauterelles, que mes pas me portent dans la rosée fraîche et que la beauté soit avec moi. Que mes pas me portent vers la beauté qui me précède, que mes pas me portent vers la beauté qui me succède, que mes pas me portent vers la beauté du ciel, que mes pas me portent vers la beauté qui m'entoure, que mes pas me portent dans la vieillesse, sur un chemin de beauté, vivifié. Que mes pas me portent dans la vieillesse, sur un chemin de beauté, vers une vie nouvelle, et dans la beauté je marcherai, dans la beauté je marcherai..." Poème Navajo.

Des peintres naïfs, le critique Wilhem Uhde disait qu'ils étaient "les peintres du coeur sacré" ; après l'impressionnisme et le cubisme il fallait, disait-il, "que vinssent ces peintres pour conférer à la réalité le sublime de la pensée et la grandeur du sentiment". C'est pour moi ce qu'exprime ce poème - peut-être inspiré par ces sublimes paysages du Montana -, et sa naïveté n'est pas non plus de celles qu'on pourrait moquer, mais plutôt de celles dont on doit faire l'éloge... S'y exprime essentiellement la profondeur des peuples autochtones et leur amour intime pour la nature, le seul - disait Balzac - qui ne trompe pas les espérances humaines.
JH2

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dimanche 30 avril 2017

A. Eisenstaedt - Hiroshima (1945)
Le vide-grenier du dimanche. Deux clichés du photojournaliste américain, d'origine allemande, Alfred Eisenstaedt (1898-1995), un des grands noms du photojournalisme du XXe siècle. Journaliste professionnel dès 1929, il documente la rencontre d'Hitler et de Mussolini, et prend de célèbres clichés de Goebbels à Genève en 1933 (dont le fameux "regard de la haine"), à l'occasion de la Conférence de la Ligue des Nations. Puis, sous la menace nazi, il émigre en 1935 aux États-Unis et s'installe à New York. Là, il rejoint très vite l’équipe fondatrice de Life Magazine, où il signera plus de 2 500 reportages et plus de 90 couvertures : un record.

A. E. - Marionnettes, Paris (1963)
Le premier cliché a été pris à Hiroshima quatre mois après la bombe et j'aurais pu, pour montrer le vainqueur et le vaincu, choisir pour l'accompagner la photo emblématique du baiser à Times Square - V-J Day in Times Square - prise par Eisenstaedt à New York le jour de l'annonce de la fin de la guerre après la reddition du Japon : un cliché devenu une icône mondiale, symbole à la fois de liesse collective et de spontanéité. Mais à la place, j'ai préféré cette photo d'enfants qui assistent à un spectacle de marionnettes à Paris, Jardin des Tuileries, en 1963.
Le 20 novembre 1989, l'Assemblée générale des Nations unies adopte la Convention internationale des droits de l'enfant (CIDE) aujourd'hui ratifiée par 197 États. Elle comporte 54 articles, qui énoncent entre autres droits pour l'enfant celui d'être protégé de la violence, de ne pas faire la guerre ni la subir ; le droit à des conditions de vie décentes, celui d'être secouru, d'avoir un refuge, de jouer et d'avoir des loisirs.
Il y a toujours chez Eisenstaedt un équilibre subtil entre la rigueur du reportage et l’élan poétique. Ses images témoignent d’un regard capable de faire d’un simple geste ou d’une scène ordinaire un moment universel, où l’histoire collective rencontre l’intimité des vies quotidiennes.
HB1

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dimanche 23 avril 2017

K. van Dongen - Face au miroir (1908)

Le vide-grenier du dimanche. Deux oeuvres de Kees van Dongen (1877-1968), peintre néerlandais naturalisé français, figure incontournable du fauvisme.
Né à Rotterdam, il suit l’enseignement de l’Académie royale des beaux-arts, où il rencontre Augusta Preitinger (« Guus »), étudiante comme lui et qu’il épousera à Paris en 1901. Installé à Paris dès 1897, il fréquente les milieux bohèmes de Montmartre puis de Montparnasse, exposant aux côtés de Derain, Vlaminck et surtout Matisse.
Très vite, il se fait remarquer pour ses toiles audacieuses, aux couleurs franches et aux contours simplifiés.

K.van D. - La lecture (1912)
Van Dongen s’est d’abord intéressé à la vie populaire des faubourgs, aux cabarets, au cirque, au monde interlope de la capitale - il est "le peintre des maisons closes" -, avant de devenir l’un des portraitistes mondains les plus recherchés de l’entre-deux-guerres. Ses portraits de femmes, reconnaissables entre tous, sont marqués par des yeux immenses, des couleurs éclatantes, et une sensualité à la fois élégante et provocante. Ce style - entre grâce et théâtralité - lui a valu un immense succès auprès de l’aristocratie et des élites parisiennes. Painting is the most beautiful lie.
En 1895, il illustre avec Jan Krulder l'édition hollandaise de L'Anarchie, de Kropotkine, et en 1901 il collabore avec le journal satirique L'Assiette au beurre, montrant déjà son intérêt pour la critique sociale et la vitalité des sujets populaires. C'est à une autre lecture de choix que nous invite le second tableau que j'ai choisi de présenter aujourd'hui.

Alessandro Allori - Charybde et Scylla (1575) Une image et des mots. Cette représentation du voyage d'Ulysse, quand six de ses compagno...