Sean Landers - Hourglass (2011) |
Mais la présence, sur ce tableau de l'américain Sean Landers (b.1962), d'un sablier - fragile symbole du temps qui passe -, parmi ces voix périssables de l'éternité que sont les livres, me fait évidemment penser à Borgès. Voici un extrait de la nouvelle La Bibliothèque de Babel, publiée en 1944 dans le recueil Fictions.
Je me retrouvai dans une galerie hexagonale dont les murs étaient cachés par des étagères de livres. Au centre de cette galerie, un puits permettait de voir, au dessus et en dessous, d'autres galeries hexagonales à perte de vue. Elles étaient reliées par des labyrinthes de couloirs et d'escaliers en colimaçons. Un vieillard, probablement un bibliothécaire, contemplait le puits. Je m'approchai.
- Qui êtes-vous et où sommes nous ?
- Je suis Jorge de Burgos et nous sommes dans une des galeries de la Bibliothèque de Babel.
- Comment fait-on pour sortir d'ici ?
- On ne peut sortir d'ici. Cette Bibliothèque est infinie, c'est l'Univers dans lequel les hommes naissent, vivent et meurent.
Je compris qu'il croyait en l'existence de l'infini actuel. En me montrant les miroirs jalonnant les galeries et multipliant les images, il ajouta :
- Ces miroirs qui multiplient les images rappellent que la Bibliothèque est infinie.
Je protestai.
- Ils créent l'illusion de l'infini, mais ce n'est pas l'infini. Puisqu'il y a des murs, la Bibliothèque est finie et on peut en sortir.
- Derrière ces étagères formant un hexagone, il y a d'autres étagères formant un autre hexagone, jusqu'à l'infini. Nous sommes au centre de la Bibliothèque. Dans un espace infini, on est toujours en son centre et les frontières sont inaccessibles. Chaque hexagone est contenu dans un autre hexagone., la Bibliothèque est infinie, c'est l'Univers.