In girum imus nocte et consumimur igni

In girum imus nocte et consumimur igni
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dimanche 11 décembre 2016

W. Bishof - Anjali Hora, Bombay (1951)

Le vide-grenier du dimanche. Deux clichés du photographe suisse Werner Bishof (1916-1954), déjà présenté ici en juin 2009, et devenu après la Seconde Guerre mondiale - avec ses reportages sur l'Europe dévastée - une voix majeure du photojournalisme. En 1949, il devient l’un des premiers nouveaux membres de l’agence Magnum aux côtés de Cartier-Bresson, Capa et autres grands noms... ; ses missions le mènent en Inde (où il documente la famine du Bihar pour Life), au Japon, en Corée, en Indochine pour Paris-Match, aux Amériques... Toujours en quête de sens, il écrivait :
« Je me suis senti poussé à partir à l’aventure et à explorer le vrai visage du monde. Mener une vie confortable et abondante avait aveuglé beaucoup d’entre nous sur les immenses difficultés qui existaient au-delà de nos frontières. »

W.B. - État d'Hidalgo, Mexique (1954)
Werner Bishof a réalisé plusieurs très beaux portraits d'Anjali Hora, ici âgée de 23 ans. 
Anjali était une danseuse de Bharat Natyam, une danse tamoule qui est une des plus anciennes danses traditionnelles en Inde. Vivant dans la pauvreté, elle s'occupait de sa mère aveugle matin et soir avant de s'adonner à sa discipline.
Becoming famous and popular is not very important but to preserve the art in its true and chaste form is most essential...

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dimanche 4 décembre 2016

André Lhote - Portrait de dame (1927)

Le vide-grenier du dimanche. Deux oeuvres du graveur, illustrateur et peintre bordelais André Lhote (1885-1962), formé à l’École des Beaux-Arts de la capitale girondine. On lui doit notamment les peintures murales de la Faculté de Médecine de Bordeaux. À partir de 1912, Lhote se rallie très tôt au mouvement cubiste, sans toutefois le suivre jusque dans l’abstraction : plutôt que de rompre avec la tradition, il cherche à inscrire la modernité dans sa continuité. Le choix de ses sujets et la construction de ses compositions restent ainsi liés au classicisme. "On ne voit bien que lorsqu'on est ébloui."
A.L. - Toits de Bordeaux sous la neige
(1909)

Théoricien influent, il est l’auteur de plusieurs traités - Traité du paysage et Traité de la figure - et fonde en 1922 sa propre académie à Montparnasse, où il forme de nombreux artistes venus de toute l’Europe, parmi lesquels Tamara de Lempicka ou le futur photographe Henri Cartier-Bresson.
S’il a très tôt adopté le langage cubiste, André Lhote est resté un « cubiste modéré », refusant la déconstruction radicale pour conserver dans ses toiles une lisibilité et une harmonie héritées de la tradition. « L’art n’est pas la copie de la nature, mais l’interprétation de ses lois », affirmait-il. Derrière cette idée qui irrigue toute son œuvre, ses tableaux dégagent une clarté qui doit autant à Cézanne qu’aux fresques de la Renaissance.

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samedi 3 décembre 2016

Les aveugles et l'éléphant

Une image et des mots. Où il sera encore question d'éléphant...  (cf. chronique du 22/10)
Cette gravure anonyme et non datée est une illustration de la fable indienne des aveugles et de l'éléphant : six aveugles devaient décrire l'aspect de l'animal en le touchant en différentes parties de son corps.
La parabole est limpide : elle nous enseigne simplement que chaque homme a tendance à prendre pour une vérité absolue la perception forcément limitée et subjective qu'il a de la réalité.
Pour accompagner cette image, voici ce que le grand Vialatte, pour qui "l'éléphant est considérable", nous dit du pachyderme. Ce texte fait partie d'une compilation publiée en 2002 par l'éditeur Arlea dans un beau Bestiaire illustré par Honoré.

L'éléphant date de la plus haute antiquité. Du moins sous forme de mammouth. Il pataugeait alors dans les glaciers d'Auvergne. Ou de Sibérie, pareil à un prophète biblique.
Depuis, le mammouth a perdu ses poils. Il vit tout nu dans les forêts équatoriales ou à Paris (au zoo de Vincennes, et dans le Ve arrondissement). Il est indispensable à l'homme : physiquement, moralement et de toutes les façons. Comment vivrait sans lui l'éléphantologiste ? Comment l'homme saurait-il, sans lui, qu'il n'a pas de trompe? (et sans le chameau, qu'il n'a pas de bosses?) Telle est l'utilité des monstres. Ils indiquent à l'homme ses limites, ils lui permettent de se définir, de connaître son contour et son ombre chinoise. Sans eux l'homme serait flou : une vapeur, une fumée, un gaz toxique.
L'éléphant se compose en gros d'une trompe, qui lui sert à se doucher, d'ivoire, dont on fait des statuettes, et de quatre pieds, dont on tire des porte-parapluie. Dieu l'a fait gris, dit Bernardin de Saint-Pierre, pour qu'on ne le confonde pas avec la fraise des bois.

dimanche 27 novembre 2016

Léon Bonvin - Chrysanthèmes (1863)

Le vide-grenier du dimanche. Deux oeuvres du français Léon Bonvin (1834-1866), demi-frère de François, aquarelliste et peintre de natures mortes, de paysages et de scènes de genre, dont la sensibilité délicate s’exprime dans de petits formats d’une grande précision. Né à Vaugirard, fils d’un aubergiste, il apprend seul à dessiner, faute de moyens pour suivre un enseignement artistique.
Le jour, il travaille à l’auberge familiale ; le soir et tôt le matin, il peint à l’aquarelle, souvent sur de simples cartons. Il est repéré par le peintre et critique d'art Frédéric Henriet, qui entre un jour par hasard dans le petit cabaret dont Bonvin a hérité de son père et dans lequel il vivote avec sa femme.

L.B. - La ferme (1865)
Dans ses souvenirs, publiés en 1891, Henriet relate la découverte de ses fusains et de ses aquarelles : Je ne me lassais pas de feuilleter le carton ; c'était tantôt un arbre découpé avec la précision d'une silhouette sur un ciel d'un bleu profond ; tantôt un chardon étudié avec la précision d'un botaniste ; tantôt une tendre fleurette émergeant, toute fraîche et odorante, de son lit de mousses et de graminées ; tantôt quelques objets de ménage empruntés au vulgaire mobilier du cabaret ; toujours des choses vues, longtemps regardées, prises dans l'étroit rayon de sa vie de tous les jours ; tout cela avait l'intimité d'une confidence ; on y sentait l'effort solitaire, concentré, d'une âme contemplative.
Ses paysages d’hiver, ses coins de jardin, ses bouquets modestes respirent un silence attentif : pas de grands effets, mais une minutie presque palpable dans la description des herbes, des fleurs ou des lumières diffuses. Le choix de sujets humbles, allié à un raffinement dans la couleur et la composition, donne à son œuvre une poésie fragile ; et ses petits tableaux - qui savaient trouver dans les choses les plus simples la plus juste des beautés - tiennent, comme le suggèrent si bien les mots de Frédéric Henriet, plus de la confidence que de la déclaration.
On retrouve Léon Bonvin pendu à une branche, un matin de février 1866 ; il avait 32 ans.

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F. Bacon - Study of a figure in a landscape (1952) Une image et des mots. L'image, c'est une étude de Francis Bacon, déjà présenté ...