In girum imus nocte et consumimur igni

In girum imus nocte et consumimur igni
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dimanche 28 septembre 2025

Marsden Hartley - Himmel (1914)
Le vide-grenier du dimanche. Deux œuvres du peintre et poète américain Marsden Hartley (1877–1943), évoqué en juin 2011.
Né à Lewiston, dans le Maine, il connait une enfance marquée par la solitude et la perte, expériences qu’il transformera en moteur de sa création. Formé à Cleveland puis à New York, il découvre les avant-gardes européennes - Cézanne, Matisse, Kandinsky - mais son art restera profondément nourri par les écrivains américains Walt Whitman, Henry David Thoreau et Ralph Waldo Emerson. Leur vision de la nature et de la vie comme expérience spirituelle guide sa peinture autant que sa poésie et ses essais.

M.H. - Give us this day
Hartley voit l’art comme une quête intérieure : ses paysages du Maine, ses portraits et ses natures mortes sont autant de tentatives pour rendre visible l’invisible. La couleur, la forme et la lumière deviennent des instruments de méditation et de mémoire.
Même lorsqu’il s’inspire du cubisme ou de l’expressionnisme allemand, son œuvre conserve cette densité émotionnelle et cette résonance spirituelle, héritage du transcendantalisme américain.
Peindre pour Hartley, c’était revenir vers une « maison » intérieure faite de mémoire, de silence et de nature. Ses œuvres, entre ferveur et retenue, entre contemplation et intensité, témoignent d’une fidélité au monde intérieur, à la fois personnelle et universelle.

samedi 27 septembre 2025

Christa Merk
Une image et des mots. Un cliché de la photographe néerlandaise Christa Merk.
Et quelques vers de Saint-John Perse, extraits de Vents IV (1946).

Il nous suffit ce soir du front contre la selle, à l’heure brève de la sangle […] Mais quoi ! n’est-il rien d’autre, n’est-il rien d’autre que d’humain ?

Et ce parfum de sellerie lui-même, et cette poudre alezane qu’un songe, chaque nuit,

Sur son visage encore promène la main du Cavalier, ne sauraient-ils en nous éveiller d’autre songe

Que votre fauve image d’amazones, tendres compagnes de nos courses imprégnant de vos corps la laine des jodhpurs ?

dimanche 21 septembre 2025

M.E. - Maison au bord de l'eau
Le vide-grenier du dimanche. Deux toiles du peintre impressionniste grec Michalis Economou (1888-1933). Né au Pirée, il se forme auprès de Konstantinos Volanakis avant de partir à Paris, où il vit une vingtaine d’années, exposant à Paris et à Londres. De retour en Grèce, il s’impose comme l’un des peintres les plus personnels de l’entre-deux-guerres.
Economou a surtout peint des paysages marins, des rivages paisibles, des maisons au bord de l’eau, comme autant d’évocations nostalgiques de son pays.
Exilé en France, il n’a jamais cessé de peindre cette Grèce intérieure, rêvée, dont il retrouvait la lumière par la couleur. Sa palette est faite de tons terreux - bruns, verts, ocres -, de nuances assourdies où la matière semble retenir la lumière plus qu’elle ne la reflète.

M.E. - Au champ
Ce qui me touche dans son travail, c’est cette atmosphère à la fois familière et distante, où les  paysages ne décrivent pas tant un lieu qu’un sentiment : celui du retour impossible, du souvenir qui se transforme en vision.
Chez Michalis Economou, la mer, le ciel, les murs blanchis ne sont pas seulement des motifs ; ils sont les signes d’une absence, la trace d’un attachement au pays que la peinture seule pouvait retenir.

NY4
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dimanche 14 septembre 2025

Nick Hedges - Liverpool (1969)
Le vide-grenier du dimanche. Deux clichés du photographe anglais Nick Hedges, qui nous a quittés récemment. Formé au Birmingham College of Art, révélé par son travail documentaire engagé dans les années 1960 et 1970, il a été l’un des principaux photographes de la Shelter National Campaign for Homeless People, une organisation créée en 1966 pour dénoncer les conditions de logement en Grande-Bretagne.
Pendant près de dix ans, Hedges a sillonné le pays, photographiant les familles vivant dans des habitats insalubres, des logements précaires ou des cités ouvrières en déshérence.
Nick Hedges

Son regard, pourtant, n’a rien de misérabiliste : il capte la dignité, la tendresse et la solidarité dans des environnements souvent durs. Ses images, en noir et blanc, frappent par leur humanité directe et pudique, leur lumière douce, et cette attention à la vie ordinaire - gestes, visages, intérieurs modestes - qui fait toute la force du documentaire social britannique de cette époque. Ce sont des photographies qui, sans grandiloquence, continuent de parler de justice, de fragilité et d’endurance.

dimanche 7 septembre 2025

Sergio Cerchi - Rendez-vous (2013)

Le vide-grenier du dimanche. Deux oeuvres de l'italien Sergio Cerchi (b.1957). Né à Florence, où il vit et travaille, il a étudié à l’Istituto d’Arte di Porta Romana puis au Conservatoire Luigi Cherubini. Très tôt, il a mené de front la musique et la peinture : deux pratiques qu’il considère comme indissociables et qui nourrissent son art.
Son travail s’est d’abord développé dans un esprit proche du cubisme, avant d’évoluer vers une forme plus personnelle, où les figures et les espaces semblent se déployer sur plusieurs plans à la fois. Cerchi parle lui-même de « figures et géométries » : un principe qui donne à sa vision du réel une portée à la fois artistique, philosophique et psychologique.

S.C. - Note finale
Les surfaces se fragmentent, se superposent, comme les notes sur une portée musicale ; les volumes et les horizons se brouillent, les visages et les objets se recomposent dans une dynamique continue.
Sa palette, dominée par des rouges carmin, des ocres, des verts et des bleus assourdis, rappelle la matière picturale et la densité des maîtres de la Renaissance italienne auxquels il reste très attaché.
Ce qui me retient dans son travail, c’est cette impression d’équilibre mouvant : les formes semblent se construire et se défaire à la fois, comme si la réalité cherchait sa propre cohérence. On ne sait jamais très bien, en regardant ses toiles, s’il nous montre une construction ou une déconstruction : chaque fragment paraît vouloir assembler le réel autant qu’il le fragmente. Il y a dans ses toiles quelque chose d’indécis, d’entre-deux : on ne sait pas si la réalité s’y rassemble ou s’y défait.
Cette hésitation, au cœur même de la peinture, semble rappeler que rien n’est jamais arrêté : que toute forme, comme toute réalité, se construit en se défaisant.

samedi 6 septembre 2025

Anon. - Madrid (c.1960)
Une image et des mots. Un cliché dont j'ignore l'origine, parfois attribué à un certain Elton Boraya, dont je ne sais rien.

En elle-même toute idée est neutre, ou devrait l'être ; mais l'homme l'anime, y projette ses flammes et ses démences ; impure, transformée en croyance, elle s'insère dans le temps, prend figure d'événement : le passage de la logique à l'épilepsie est consommé... Ainsi naissent les idéologies, les doctrines, et les farces sanglantes.
Idolâtres par instinct, nous convertissons en inconditionné les objets de nos songes et de nos intérêts. L'histoire n'est qu'un défilé de faux Absolus, une succession de temples élevés à des prétextes, un avilissement de l'esprit devant l'Improbable. Lors même qu'il s'éloigne de la religion, l'homme y demeure assujetti ; s'épuisant à forger des simulacres de dieux, il les adopte ensuite fiévreusement : son besoin de fiction, de mythologie triomphe de l'évidence et du ridicule. Sa puissance d'adorer est responsable de tous ses crimes...
Emil Cioran, Précis de décomposition (1949)
OE5

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Peter Turnley Le vide-grenier du dimanche. Deux clichés du photographe américain Peter Turnley (b..1955). P.T. - La Tartine, Paris (2025)