In girum imus nocte et consumimur igni

In girum imus nocte et consumimur igni
eiπ + 1 = 0

dimanche 27 juillet 2025

Tom Wood - Merseyside (78-82)
Le vide-grenier du dimanche. Deux œuvres du photographe irlandais Tom Wood (b.1951). Formé à la peinture conceptuelle à Leicester Polytechnic mais autodidacte en photographie, Wood a développé un style instinctif et sans règles, documentant la vie quotidienne de Liverpool et du Merseyside entre 1978 et 2001 - dans les rues, les pubs et clubs, les marchés, les lieux de travail ou les stades - ainsi que les paysages de l’ouest de l’Irlande et du nord du Pays de Galles.

T.W. - All zones off peak (1998)
Son approche est à la fois directe et empreinte de respect : il photographie des inconnus mêlés à des voisins, amis ou membres de sa famille, avec une attention rare aux gestes, aux visages et aux relations humaines. Le critique Sean O’Hagan le décrit comme « un coloriste pionnier » dont le travail allie « spontanéité et intimité » sans jamais tomber dans le voyeurisme.
Martin Parr souligne de son côté : « Ses portraits sont forts, mais subtils et discrets. Tom a photographié des familles entières, des groupes de travailleurs, des couples et des individus, toujours avec un sens de dignité et de respect. »
Parmi ses séries emblématiques, Looking for Love (1989) saisit la vie nocturne d’un pub disco à New Brighton au début des années 1980, tandis que All Zones Off Peak (1998) rassemble près de vingt ans d’images prises depuis les bus de Liverpool - une traversée sensible de la ville à hauteur d’homme. Le travail de Tom Wood révèle la beauté fragile et persistante du quotidien, cet espace mouvant où se tissent les liens et les solitudes.

samedi 26 juillet 2025

Frances Featherstone - Far far away
Une image et des mots. Le paradis, disait Bachelard, est une immense bibliothèque.
Pour aller avec cette toile de l'artiste britannique Frances Featherstone, un extrait du pamphlet de Voltaire De l'horrible danger de la lecture (1765).
Par la voix feinte d’un décret ottoman, Voltaire tourne en dérision la phobie de l’imprimerie et de la diffusion des idées : il montre comment le pouvoir sacralise l’ignorance pour préserver ses privilèges.
L’extrait suivant (points 1–4) illustre parfaitement sa satire : arguments absurdes et pseudo‑juridiques dénoncent la peur des progrès que le livre peut susciter.

1. Cette facilité de communiquer ses pensées tend évidemment à dissiper l’ignorance, qui est la gardienne et la sauvegarde des États bien policés.
2. Il est à craindre que, parmi les livres apportés d'Occident, il ne s'en trouve quelques-uns sur l’agriculture et sur les moyens de perfectionner les arts mécaniques, lesquels ouvrages pourraient à la longue, ce qu'à Dieu ne plaise, réveiller le génie de nos cultivateurs et de nos manufacturiers, exciter leur industrie, augmenter leurs richesses, et leur inspirer un jour quelque élévation d'âme, quelque amour du bien public, sentiments absolument opposés à la saine doctrine.
3. Il arriverait à la fin que nous aurions des livres d'histoire dégagés du merveilleux qui entretient la nation dans une heureuse stupidité. On aurait dans ces livres l’imprudence de rendre justice aux bonnes et aux mauvaises actions, et de recommander l’équité et l’amour de la patrie, ce qui est visiblement contraire aux droits de notre place.
4. Il se pourrait, dans la suite des temps, que les misérables philosophes, sous le prétexte spécieux, mais punissable, d'éclairer les hommes et de les rendre meilleurs, viendraient nous enseigner des vertus dangereuses dont le peuple ne doit jamais avoir de connaissance.
LH1

ICI

dimanche 20 juillet 2025

Jindřich Štreit - Krizov (1980)
Le vide-grenier du dimanche. Deux clichés de Jindřich Štreit (b.1946), né en Moravie et qui a fait de la campagne tchèque son premier territoire, celui d’un monde paysan que le régime communiste prétendait glorifier mais qu’il a su montrer dans sa vérité nue : foi, travail, solitude. Condamné en 1982 pour avoir “diffamé la République” - il avait osé photographier les icônes du pouvoir accrochées dans des lieux absurdes -, il a connu la prison avant de revenir, plus libre encore, à son regard de témoin.

J.S. - Slovaquie (1988)
Depuis, cet infatigable pédagogue du réel a photographié les Roms, les malades, les détenus, les toxicomanes, les sans-abri - toujours sans pathos, avec ce mélange rare de fraternité et de rigueur. “Les actions réalisées dans le silence de l’intimité sont de la plus grande importance”, dit-il. C'est ce que sont ses images : des actes silencieux qui redonnent aux invisibles la lumière du jour. Dans le gris du monde, Jindřich Štreit saisit le souffle moral de la photographie documentaire.

dimanche 13 juillet 2025

Wilhelm Menzler
Le vide-grenier du dimanche. Deux oeuvres du peintre allemand Wilhelm Menzler (1846-1926), né à Kassel et formé à l’Académie des Beaux-Arts de Munich, où il passa la majeure partie de sa carrière. Menzler appartient à cette génération de peintres qui, à la fin du XIXᵉ siècle, s’attachaient à représenter la nature et la vie quotidienne avec un réalisme soigné et délicat.
W. Menzler - Le printemps

Il s’est particulièrement distingué par ses portraits féminins et ses scènes de plein air, souvent baignées d’une lumière douce, dorée,  qui donne à ses tableaux un charme simple et apaisant.
Ce que j’aime chez lui, c’est cette manière de peindre sans effets : des gestes calmes, des visages absorbés, un goût évident pour les tissus, les fleurs, les jeux de lumière. Rien d’appuyé ni de démonstratif, mais un regard attentif, simple et bienveillant, posé sur le monde.
IA1

ICI

dimanche 6 juillet 2025

Anne Brigman - The breeze (1910)
Le vide-grenier du dimanche. Deux clichés de la photographe américaine Anne Brigman (1869–1950), figure pionnière du mouvement pictorialiste et membre du cercle fondateur de la Photo-Secession d’Alfred Stieglitz.
Née à Hawaï, elle s’installe en Californie à la fin du XIXᵉ siècle, où elle développe un travail profondément personnel, mêlant nature, symbolisme et affirmation de soi. Ses photographies - souvent réalisées dans les paysages rocheux et lumineux de la Sierra Nevada - mettent en scène des corps féminins, fréquemment le sien, dans une relation presque mystique avec les éléments.

Anne Brigman
Brigman revendiquait la liberté du corps et de l’esprit : à une époque où les femmes étaient rarement derrière l’appareil photo, elle se plaçait à la fois comme sujet et autrice, brouillant les frontières entre autoportrait, mythe et nature. Ce que j’aime dans son œuvre, c’est cette alliance rare de puissance et de douceur - un romantisme sans mièvrerie, où la lumière révèle l’union du corps et de la nature, comme une forme d’émancipation poétique.

samedi 5 juillet 2025

Jean Poyer - Livre d'heures d'Henry VIII (c.1500)
Une image et des mots. Une illustration du peintre et enlumineur tourangeau Jean Poyer (1445-1503) et, pour aller avec, le Sonnet 116 de William Shakespeare.

Let me not to the marriage of true minds
Admit impediments; love is not love 
Which alters when it alteration finds, 
Or bends with the remover to remove. 
O no, it is an ever-fixèd mark 
That looks on tempests and is never shaken;
It is the star to every wand'ring bark 
Whose worth's unknown, although his height be taken. 
Love's not time's fool, though rosy lips and cheeks 
Within his bending sickle's compass come.
Love alters not with his brief hours and weeks,
But bears it out even to the edge of doom:
If this be error and upon me proved,
I never writ, nor no man ever loved.

***
Qu’aucun obstacle ne vienne troubler
L’union de deux esprits fidèles ;
L’amour n’est pas l’amour
S’il change lorsque l’autre change,
Ou s’il fléchit quand on veut l’en détourner.

Non ! L’amour est un phare immuable,
Qui voit la tempête sans jamais trembler ;
C’est l’étoile de tout vaisseau errant,
Dont on mesure la hauteur, non la valeur.

L’amour n’est point le jouet du temps,
Bien que lèvres et joues roses
Tombent sous sa faucille courbée ;
L’amour ne change pas avec les jours qui passent,
Mais il résiste jusqu’à la fin des temps.

Si je me trompe et qu’on me le prouve,
Alors je n’ai jamais écrit,
Et nul homme n’a jamais aimé.

Peter Turnley Le vide-grenier du dimanche. Deux clichés du photographe américain Peter Turnley (b..1955). P.T. - La Tartine, Paris (2025)