In girum imus nocte et consumimur igni

In girum imus nocte et consumimur igni
eiπ + 1 = 0

dimanche 24 février 2019

Alec Soth - Ute's books (2018)
Le vide-grenier du dimanche. Deux oeuvres du photographe américain Alec Soth, (b.1969), dont le travail m’attire depuis longtemps pour sa façon subtile de mêler le documentaire, le récit et l’intime. Membre de Magnum Photos depuis 2008, il est notamment connu pour ses ses projets photographiques de longue haleine, comme "Sleeping by the Mississippi" (2004) ou "Broken manual" (2008), qui à travers portraits et paysages documentent la société américaine dans sa poignante banalité.
Le travail de cet admirateur de Diane Arbus a été comparé, pour son approche, à celui de Walker Evans (voir juillet 2012) ou de Stephen Shore (voir mai 2010).
A.S. - Broken manual (2008)

Soth photographie souvent les États-Unis du Midwest ou les espaces frontaliers entre nature et ville. Ce qui me plait, ce sont ses images de l'Amérique ordinaire - routes silencieuses, personnes isolées, intérieurs délaissés - qui paraissent à la fois familières et légèrement décalées. Cette transformation de l'ordinaire, il n'en fait pas de la grandeur ; mais il montre ce qu’il y a de vivant et de fragile dans ce que l’on croit connaître. Ses photographies semblent chercher ce « quelque chose de plus » : une mélancolie douce, une attente, des histoires que l’on devine.
I'm drown to the quiet moments, the moments in between the moments. It's not about the grand gesture; it's about the small, subtle things that reveal something deeper about who we are.
Alec Soth a intégré la prestigieuse agence Magnum Photo en 2004, et la première photographie figure sur son très beau dernier livre, publié en 2018 et intitulé "I know how furiously your heart is beating".
TA1

ICI

samedi 23 février 2019

Malcolm T. Liepke
Une image et des mots. La toile est de l'américain Malcolm Liepke (b.1953), déjà présenté en septembre 2012..
Les mots sont extraits de Les habitants, une collection de conversations recueillies par Raymond Depardon et restituées, telles qu'il les a enregistrées, dans un ouvrage paru au Seuil en 2016.

- Je t'ai jamais empêché, non plus, tu m'as jamais demandé...
- Ouais mais bon.. À chaque fois que j'essaie d'y aller, tu me dis non... Tu vois...
- Oui, mais c'est la jalousie ça...
- Tu fais la gueule et tout. Moi, tu me demandes d'aller avec tes copines, voilà, t'y vas et puis c'est tout. Tu vois..
- Oui mais t'es aussi jaloux que moi dans ton sens, donc...
- Ouais, mais...
- C'est ça qu'il faut que tu comprennes. Faut que ce soit réciproque.
- Non mais regarde, genre, quand on sort au café, t'es toujours en train de m'espionner. Tu vois...
- Oui mais c'est la jalousie, c'est...
- Moi je peux faire pareil avec mes potes, quand mes potes ils sont là et que t'es la seule fille, tu vois, je peux être jaloux aussi, tu vois..
- Ouais, je sais, ouais, je me doute. Bref, on va pas...
- Si, ça saoule un peu, tu vois...
- Ouais mais moi j'y peux rien, c'est..... c'est dans ma nature, c'est mon tempérament, je suis comme ça. Tu le sais à force. Ça fait quand même trois ans qu'on est ensemble.
- Ouais, je sais, ouais, mais bon, laisser un peu de distance ça serait bien quand même..
- Quand t'avais encore ton boulot c'était bien parce que ça nous faisait des petites coupures entre nous, on était contents de se retrouver le soir mais bon, on n'a plus la même situation..
- Ouais, je sais, ouais..
- C'est un peu compliqué. Après je t'empêche pas non plus, si tu veux sortir avec tes copains, tu peux sortir, fais-toi plaisir, amuse-toi. Je vais pas non plus tout casser entre nous pour... pour une sortie entre amis.
- J'espère. Bon, faudra faire ça, puis essayer quoi...
- Ouais.
- Ok?
- Ouais
- Je t'aime.
- Moi aussi je t'aime. Ce soir tu vas à la pêche?
- Ouais.
- Avec qui?
- Avec des potes, deux trois potes et puis on verra bien ce qu'on fait là-bas.
- Ok.
- Je vais rentrer vers trois quatre heures du matin.
- Ok. T'as tout ton matériel, t'as tout ce qui te faut?
- Ouais.
- Tant mieux alors. J'espère que tu vas pêcher du poisson.
- J'espère aussi, ouais.
- J'espère.
JJ1

ICI

dimanche 17 février 2019

Jacob Riis - Bandit's Roost (1888)
Le vide-grenier du dimanche. Deux clichés de Jacob Riis (1849-1914), journaliste et photographe d’origine danoise, devenu l’un des grands témoins de la misère new-yorkaise à la fin du XIXᵉ siècle. Charpentier de formation mais sans travail il quitte le Danemark à l'âge de 21 ans pour tenter sa chance en Amérique ; il arrive sans un sou en 1870 à New York où il va difficilement survivre, pendant plusieurs années, d'errances en emplois précaires - travailleur agricole, ouvrier métallurgiste -, jusqu'à ce qu'il parvienne à se faire engager en 1877 comme apprenti-journaliste au New York Tribune.
Pionnier du photojournalisme d'enquête, il eut avec son travail sur la pauvreté à New York une influence majeure sur l'évolution des mentalités pendant l'ère progressiste de Theodore Roosevelt. 

J.R. - Homeless children (1890)

The slum is the measure of civilization.
Les missions qui lui sont confiées le confrontent à la misère des bidonvilles et des taudis newyorkais. C'est une vie qu'il a connue lui-même, la détresse et les difficultés auxquelles les immigrants quotidiennement font face pour survivre, et qu'il va documenter d'abord avec sa plume puis avec la photographie.
Il organise des rassemblements, souvent dans des églises, pour porter témoignage de ce qu'il voit, et c'est à l'occasion d'une de ces manifestations qu'il rencontre celui qui publiera en 1890 le résultat de son travail documentaire sous le titre de How the other half lives. En y révélant les conditions effroyables de vie des immigrés entassés dans les tenements de Manhattan, Riis a contribué à éveiller l’opinion publique et à inspirer les réformes sociales et urbaines qui suivront. Ses images dévoilent sans fard des intérieurs exigus, des dortoirs saturés, des visages d’enfants malnutris.
Theodore Roosevelt, qui n'est pas encore président mais déjà très influent, les découvre et admire son travail qui dès lors aura une influence déterminante sur les mouvements de réforme sociale à New York. On peut, bien sûr, voir dans ces photographies une dimension de témoignage social et militant. Mais ce qui frappe aussi, c’est leur force brute : elles ne cherchent pas l’effet esthétique, elles imposent la réalité. « Je savais que mon appareil photo allait parler plus fort que mes mots », écrivait-il. Et de fait, c’est par ce mélange de rudesse et de compassion que son œuvre a trouvé sa portée.
AK1

ICI

dimanche 10 février 2019

William Fenech - Sans titre
Le vide-grenier du dimanche. Deux oeuvres de William Fenech (b.1946). D'origine maltaise il naît en Algérie et arrive en France, dans les Pyrénées Orientales, après les événements.
C'est là qu'il vit encore et travaille, dans son atelier de Céret, en artiste autodidacte qui revendique son inscription dans la tradition picturale française de la fête et de la danse. Ses tableaux puisent leur inspiration dans l’univers des cabarets, pianos-bars, bals populaires et cafés-concerts, autant de lieux où s’incarne une certaine idée de la convivialité parisienne.

W.F. - Bd Lafayette
Admirateur de Renoir et de Toulouse-Lautrec, Fenech reprend à sa manière ce fil de la peinture festive, où la joie collective, la musique et le mouvement deviennent matière picturale.
Son travail se situe à la croisée de l’expressionnisme figuratif et d’un réalisme attentif aux détails. Les visages, souvent saisis avec une certaine rudesse, traduisent moins une idéalisation qu’une recherche de vérité : rides, mimiques, regards parlent de l’authenticité des êtres. Mais l’essentiel est ailleurs : dans le mouvement, omniprésent, qu’il soit celui des danseurs, celui des gestes, ou celui qui anime la toile entière par la circulation des regards et l’ambiance sonore qu’elle semble contenir.
On croit entendre la musique, les voix, le brouhaha joyeux de la fête.
À travers ces scènes, Fenech ne cherche pas seulement à peindre un spectacle : il célèbre un art de vivre à la française, fait de danse, de chansons, de plaisir partagé. Sa peinture revendique une fonction optimiste, presque sociale : « embellir la vie », selon la formule de Fernand Léger qu’il aime à citer, et redonner au spectateur un peu de ce « goût de vivre » que ses toiles exhalent.
Je m'attache à conserver dans ma peinture la tradition artistique française de la danse et de la fête. Je peins les cabarets dansants, les piano-bars, les cafés-concerts, les chanteuses de cabaret. Je me situe dans la tradition des bals populaires.
EL1
ICI

dimanche 3 février 2019

Saul Leiter - In my room - Untitled (1950s)
Le vide-grenier du dimanche. Deux clichés du photographe américain Saul Leiter (1923-2013) - déjà présenté en décembre 2013 et 2014 -, pour illustrer la parution il y a peu chez Steidl d'un ouvrage de photos intimes, simplement intitulé In my room, et prises chez lui, dans l'East Village à New York.

S.L. - In my room - Lynn (1969)
Jay, Barbara, Faye, Inez, Jean, Soames, j'ignore si toutes ces jeunes femmes photographiées par Leiter sur trois décennies ont été ses maîtresses, ou simplement des muses ou des amies, mais à aucun moment elles ne me semblent avoir été photographiées comme des objets. Je pense que de toute façon le photographe devait les aimer.
Et lorsqu'ici il joue avec les miroirs et les embrasures, c'est sans que l'on ait le sentiment d'une photo volée, sans jamais que l'on  puisse douter de la confiance entre le photographe et ses sujets.

samedi 2 février 2019

Une image et des mots. L'image, c'est cette carte dessinée en 1802 d'après ses observations par Alexandre de Humboldt, le premier à rapporter ce phénomène hydrographique si particulier qu'est le Casiquiare, un cours d'eau sinueux et parsemé de rapides qui relie les bassins des deux géants amazoniens, l'Orénoque et l'Amazone; il faut lire son Voyages dans l'Amérique équinoxiale, paru en deux petits volumes dans une collection de poche, chez La Découverte.

Les mots, extraits du Traité de savoir-vivre à l'usage des jeunes générations, sont du situationniste Raoul Vaneigem :

"Dans le monde unitaire, sous le regard immobile des dieux, l'aventure et le pèlerinage définissent le changement à l'intérieur de l'immuable. Il n'y a rien à découvrir, car le monde est donné de toute éternité, mais la révélation attend le pèlerin, le chevalier, l'errant à la croisée des chemins. En vérité la révélation est en chacun: parcourant le monde, on la cherche en soi, on la cherche au loin et elle jaillit soudain, source miraculeuse que la pureté d'un geste fait sourdre à l'endroit même où le chercheur disgracié n'aurait rien deviné... [.....] Sous le mouvement, trouver l'immuable; sous l'immuable, trouver le mouvement."
TW6
ICI

Ganjifa moghol Le vide-grenier du dimanche. Deux Ganjifas , ces cartes d’un jeu ancien, originaire de Perse, qui a pris toute sa richesse en...