In girum imus nocte et consumimur igni

In girum imus nocte et consumimur igni
eiπ + 1 = 0

dimanche 2 novembre 2025

W.S. - I do not understand (2017)
Le vide-grenier du dimanche. Deux œuvres du peintre belge Walter Swennen (1946-2025).
Formé à Bruxelles en gravure, au fil d’une jeunesse aussi marquée par la poésie de la Beat Generation que par le happening, Swennen a choisi dans les années 1980 de se consacrer pleinement à la peinture.
Son travail aborde la peinture depuis l’intérieur : mots, signes, fragments d’objets, références à la bande dessinée ou à l’histoire de l’art sont détournés et réassemblés comme pour mieux montrer que, peindre, c’est toujours « peindre ».
W.S. - Bras d'honneur (2005)

Ni conceptuel ni expressionniste, Swennen refuse de s'enfermer dans un style. Ce qui l'intéresse, ce sont les rapports entre le mot et l'image, le sens et le non-sens, le figuratif et l'abstrait,........ le sérieux et l'humour.
Il s’agit moins de représenter que de laisser la peinture se faire, d’en éprouver sa logique propre : « Le comment détermine le quoi », disait-il - la manière de peindre prime sur le sujet.

samedi 1 novembre 2025

Phil Greenwood - Leaf fall (1979)

Une image et des mots. Une oeuvre du graveur et aquafortiste gallois Philip Greenwood (b.1943).
Et un poème de Nâzim Hikmet (1901-1963).

J'ai lu cinquante mille poèmes et romans
qui parlaient de la chute des feuilles en automne
j'ai vu cinquante mille films
sur la chute des feuilles en automne

j'ai vu cinquante mille fois tomber
les feuilles en automne
les feuilles qui tombent, qui traînent, qui
pourrissent sur le sol

cinquante mille fois j'ai entendu leur crissement sans vie
sous les semelles de mes souliers
entre mes paumes et au bout de mes doigts
et pourtant la chute des feuilles me serre toujours le cœur

surtout les feuilles qui tombent sur les boulevards
surtout s'il s'agit de feuilles de marronniers
surtout si des enfants passent par là
surtout s'il fait soleil

surtout si j'ai reçu ce jour-là une bonne nouvelle
me parlant d'amitié
surtout si mon cœur ne me fait pas trop mal
surtout si je crois que m'aime ma bien-aimée

surtout si ce jour-là je suis d'accord
avec les autres et avec moi-même
rencontrer la chute des feuilles en automne me serre le cœur
surtout celles qui tombent sur les boulevards
surtout s'il s'agit de feuilles de marronniers.

Alessandro Allori - Charybde et Scylla (1575)
Une image et des mots. Cette représentation du voyage d'Ulysse, quand six de ses compagnons sont dévorés dans le détroit de Messine par le monstre Scylla, est une des fresques du maniériste italien Alessandro Allori qui ornent les murs du Palazzo Salviati, au coeur historique de Florence.
Pour aller avec, voici quelques vers du poète soudanais Abdel Wahab Yousif...

You'll die at sea.
Your head rocked by the roaring waves,
your body swaying in the water
like a perforated boat.

In the prime of youth you'll go,
shy of your 30th birthday.
Departing early is not a bad idea;
but it surely is if you die alone
with no woman calling you to her embrace:
"Let me hold you to my breast,
I have plenty of room.
Let me wash the dirt of misery off your soul".

***

Tu mourras en mer.
La tête ballottée par les vagues rugissantes,
ton corps qui se balance dans l'eau.
comme un bateau crevé.

Tu partiras dans la fleur de ta jeunesse,
à peine la trentaine.
Partir tôt n'est pas une mauvaise idée,
mais c'en est une si tu meurs seul,
sans une femme qui t'ouvre ses bras :
" Laisse-moi te presser contre ma poitrine,
j'ai beaucoup de place.
Laisse-moi laver ton âme de la misère crasse ".

Abdel Wahab Yousif est mort noyé en Méditerranée au mois d'août dernier, avec 44 de ses compagnons de voyage, adultes et enfants. Il avait vingt-neuf ans.

dimanche 26 octobre 2025

M. Denis - La cuisinière (1893)
Le vide-grenier du dimanche. Deux oeuvres de Maurice Denis (1870-1943). Peintre, graveur et théoricien, Denis occupe une place à part dans l’art français de la fin du XIXᵉ siècle. Né à Granville, il découvre sa vocation devant Fra Angelico au Louvre : la révélation d’un art à la fois mystique et construit, qui guidera toute sa vie sa quête d’unité entre foi, beauté et rigueur formelle. Élève de l’École des beaux-arts et de l’Académie Julian, il fonde avec Vuillard, Roussel et Sérusier le groupe des Nabis, dont il devient le théoricien. De là sa phrase célèbre : « Se rappeler qu’un tableau, avant d’être un cheval de bataille ou une femme nue, est essentiellement une surface plane recouverte de couleurs en un certain ordre assemblées. » Cette maxime résume sa vision : une peinture consciente d’elle-même, mais animée d’un élan intérieur.
M.D. - La digue rouge à Loctudy
(1894)

Sous l’influence de Gauguin et de Puvis de Chavannes, il développe un style décoratif et lumineux où les figures féminines - souvent inspirées de sa femme Marthe - évoluent dans des paysages idéalisés, baignés d’une lumière douce et harmonieuse. Ses scènes, à mi-chemin entre symbolisme et classicisme, racontent moins qu’elles n’évoquent un état d’âme, un monde où - pour celui qui affirmait que “l’art reste une foi” - le visible devient signe de l’invisible. Installé au Prieuré à Saint-Germain-en-Laye, il y fonde en 1919 les Ateliers d’art sacré avec George Desvallières. Peintre du spirituel autant que du quotidien, Maurice Denis incarne l’idée d’une modernité fidèle au réel, qu’il éclaire par la foi et la couleur.

samedi 25 octobre 2025

Une image et des mots. Pour aller avec ce cliché dont je ne connais pas l'auteur...

dimanche 19 octobre 2025

John Mayer - Lost in time (2024)
Le vide-grenier du dimanche. Deux oeuvres du peintre sud-africain John Meyer (b.1942), chef de file du réalisme contemporain en Afrique du Sud.
Né à Bloemfontein, formé à Johannesburg, il a d’abord travaillé dans la publicité avant de se consacrer entièrement à la peinture.
Sur son site, il écrit : “History, film and art are my great passions… I work alone, searching for the details, anything that may help me build an understanding of the work.”
J.M. - CG Hulle (2009)

Cette exigence se sent dans ses toiles : le soin du détail, la construction précise de la lumière, le temps passé à chercher ce qui rendra l’image juste. Admirateur de Velázquez et de Degas - et certains critiques le voient dans sa manière d’unir la rigueur du dessin à une sensibilité plus intime -, presque cinématographique, John Meyer est connu pour ses grandes séries thématiques - sur la guerre des Boers, la vie de Nelson Mandela, les migrations, ou encore The Planet Series - mais aussi pour ses portraits et ses paysages.

dimanche 12 octobre 2025

F. S. - Fisher girl, North Yorkshire (1890s)
Le vide-grenier du dimanche. Deux clichés du photographe anglais Francis Meadow “Frank” Sutcliffe (1853–1941), figure marquante de la photographie britannique de la fin du XIXᵉ siècle, et témoin privilégié de la vie dans la ville côtière de Whitby, dans le Yorkshire. Issu d’une famille d’artistes - son père, Thomas Sutcliffe, était peintre -, il découvre très jeune l’univers des images et de la lumière. Après la mort de son père, il doit subvenir aux besoins de sa famille et devient portraitiste, d’abord à Tunbridge Wells, puis à Whitby où il s’établit définitivement. C’est là qu’il réalise la majeure partie de son œuvre : une chronique visuelle de la vie quotidienne dans une petite ville maritime à la fin de l’époque victorienne.
F.M. Sutcliffe

Ses photographies de pêcheurs, d’enfants, de familles et de paysages du littoral sont aujourd’hui considérées comme un témoignage unique de cette époque.
Sutcliffe est resté fidèle à une ambition : montrer la dignité du monde ordinaire avec un sens aigu de la composition et de la lumière naturelle. Même lorsqu’il se disait contraint de "gagner sa vie avec les touristes", il trouvait dans les visages de ses voisins, dans les ruelles ou sur la plage, une poésie simple et directe. Membre fondateur du Linked Ring Brotherhood, qui défendait la photographie comme art à part entière, Sutcliffe a également beaucoup écrit sur son métier et dirigé, jusqu’à sa mort, le musée de Whitby.
Ce que j’aime dans ses images, c’est leur humanité tranquille ; ses photos semblent respirer la mer, la lumière, et la vie.

Peter Turnley Le vide-grenier du dimanche. Deux clichés du photographe américain Peter Turnley (b..1955). P.T. - La Tartine, Paris (2025)