In girum imus nocte et consumimur igni

In girum imus nocte et consumimur igni
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samedi 6 février 2021

Frederick van Heerden - 14 girafes (2013)
Une image et des mots.
Pour ce qu'alors je désirai vaquer seulement à la recherche de la vérité, je pensai qu'il fallait que je fisse tout le contraire, et que je rejetasse comme absolument faux tout ce en quoi je pourrai imaginer le moindre doute, afin de voir s'il ne restait point après cela, quelque chose en ma créance qui fut entièrement indubitable. 
Ainsi à cause que nos sens nous trompent quelque fois, je voulus supposer qu'il n'y avait aucune autre chose qui fût telle qu'ils nous la font imaginer. 
Et parce qu'il y a des hommes qui se méprennent en raisonnant, même touchant les plus simples matières de géométrie, et y font des paralogismes, jugeant que j'étais sujet à faillir autant qu'aucun autre, je rejetai comme fausses toutes les raisons que j'avais prises auparavant comme démonstrations. 
Et enfin, considérant que toutes les mêmes pensées que nous avons étant éveillés, nous peuvent aussi venir quand nous dormons, sans qu'il n'y en ait aucune pour lors qui soit vraie, je me résolus de feindre que toutes les choses qui ne m'étaient jamais entrées dans l'esprit n'étaient non plus vraies que les illusions de mes songes. 
Descartes, Discours de méthode, IVe partie (1637).

Pourquoi ai-je pensé, en regardant ce beau cliché du photographe sud-africain Frederick van Heerden, à ce texte fondateur de Descartes qui marquera, avec la mise du monde à l'épreuve du doute, l'avènement de la philosophie moderne ? Parce que comme vous, à la lecture du titre de cette photographie, j'ai tout de même compté les girafes.
Bien sûr... Ce besoin de vérifier n'a que peu à voir avec le doute philosophique, et d'avoir pensé à ce texte en recomptant des girafes n'est que le fruit d'une des ces associations d'idées que la psychanalyse nous dit, quand on leur lâche la bride, révélatrices de quelque conflit inconscient.

Mais, aussitôt après, continue Descartes, je pris garde que, pendant que je voulais ainsi penser que tout était faux, il fallait nécessairement que moi qui le pensais fusse quelque chose. Ouf ! On a eu chaud...

dimanche 31 janvier 2021

Ph Geluck - Le Chat et Tintin (2020)
Le vide-grenier du dimanche. C'est aujourd'hui qu'aurait dû se clôturer le 48e festival international de la bande dessinée d'Angoulême, si la pandémie Covid-19 n'avait empêché sa tenue.

Ph.G. - Kaboul 8h30 (2015)

Ça ne fait rien, faisons comme si... Et voici donc comme chaque année une publication qui rend hommage à deux de mes auteurs favoris : deux grands belges, le premier a véritablement enchanté mon enfance, le second me régale aujourd'hui.

samedi 30 janvier 2021

Une image et des mots. Tout croire et ne rien croire, disait à peu près Poincaré, sont deux attitudes également commodes qui toutes deux dispensent de réfléchir...
Devant cette image si représentative d'une époque gangrénée par les délires complotistes, à l'heure où le documentaire Hold-up se répand sur les réseaux sociaux comme une traînée de poudre (de perlimpimpin?), on peut se rappeler quelques lignes des Principes de politique, de Benjamin Constant (1767-1830).

Aujourd'hui je le sais, on se dispense de réfuter les idées que l'on veut combattre, en professant une égale aversion contre toutes les théories, quelles qu'elles soient. On déclare toute espèce de métaphysique au-dessous de tout examen, mais les déclamations contre la métaphysique et les théories m'ont paru toujours indignes de tous les hommes qui pensent. Ces déclamations ont un double danger ; elles n'ont pas moins de force contre la vérité que contre l'erreur, elles tendent à flétrir la raison, à diriger le ridicule contre nos facultés intellectuelles, à discréditer la plus noble partie de nous-mêmes ; et elles n'ont même pas l'avantage qu'on leur attribue. [....] L'on aura beau faire, la pensée seule peut combattre la pensée. Le raisonnement seul peut rectifier le raisonnement.

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dimanche 24 janvier 2021

E. Gordon - Wind from the sea (1965)
Le vide-grenier du dimanche. "Vous ne pouvez pas inviter le vent mais vous devez laisser la fenêtre ouverte", dit Krishnamurti. Deux oeuvres de l'américain Edward Gordon (b.1940), peintre scrupuleux de fenêtres et de vent. Le rendu méticuleux des textures, le soin extrême apporté aux nuances du ciel et de la mer - toujours présente chez ce natif d'Ocean City, dans le New Jersey -, confère à ses toiles une perfection quasi photographique sans que jamais, bizarrement, elles ne soient dénuées d'âme. 

E.G. - The music room (1965)
C'est du moins l'impression que j'en retire, ainsi qu'un sentiment extrême de paix que les ciels parfois menaçants n'altère jamais.
"My goal is to make paintings so realistic that viewers are drawn into the imagery space..."
L'homme, à ma connaissance en tous cas, n'est jamais représenté dans les pièces impeccables de ses belles villas côtières, mais on appréciera le bon goût de celui qui a accroché aux murs de cette demeure - il semble aux motifs de la balustrade qu'il s'agit de la même -, deux chefs-d'oeuvre de Vermeer.
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dimanche 17 janvier 2021

François Vagnon - Tempête de sable (2004)
Le vide-grenier du dimanche. Deux  clichés du photographe François Vagnon, déjà présenté ici en février 2017. qui s'est d'abord distingué dans le domaine des effets visuels pour le cinéma. Avant de se consacrer pleinement à la photographie, il a collaboré à de nombreux projets cinématographiques, notamment pour Alain Corneau, Costa-Gavras, James Ivory et Régis Wargnier. 

F.V. - Ondulation du sable (2004)


Il a également participé à la création d'effets visuels pour des films publicitaires et des vidéoclips.En parallèle de son travail dans le cinéma, François Vagnon a enseigné dans diverses institutions comme l'École nationale supérieure Louis-Lumière, La Fémis et l'INA, partageant son expertise en trucages et prises de vue robotisées.
Depuis quelques années, il se consacre pleinement à la photographie, explorant des thématiques variées à travers un regard marqué par son expérience dans l'image cinématographique. Ces deux photographies ont été prises en Namibie et figurent dans son beau livre Abstraction du désert.
Le désert - page blanche pour la nostalgie, disait Tahar Ben Jelloun -, il est difficile de l'évoquer sans penser aussi à Jacques Monod, qui s'interrogeait ainsi ...
"Parler du désert, ne serait-ce pas, d'abord, se taire. comme lui, et lui rendre hommage non de nos vains bavardages, mais de notre silence."