In girum imus nocte et consumimur igni

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samedi 20 janvier 2018

Édouard Manet - L'asperge (1880)
Une image et des mots. Des premières natures mortes de l'Antiquité aux oeuvres contemporaines de Daniel Spoerri ou de Carl Warner, la nourriture - et plus largement le fait alimentaire -, est abondamment représentée par les artistes. Le richissime collectionneur d'art Charles Ephrussi ayant commandé à Manet une nature morte représentant une botte d'asperges, celui-ci s'en acquitta si bien qu'il reçut en retour une somme supérieure à celle qu'il avait demandée (1000 francs au lieu de 800). Manet décide alors de peindre ce second tableau, pour l'offrir à Charles Ephrussi accompagné de ce mot : "il en manquait une à votre botte"; il est aujourd'hui au Musée d'Orsay.
Pour l'accompagner, voici quelques lignes d’un article de Michel Jeanneret, prof de littérature française à l’université de Genève et spécialiste de la Renaissance.
Cet article figure dans l’ouvrage collectif La gourmandise publié aux éditions Autrement sous la direction de la philosophe Catherine N’Diaye.

" La réprobation de la gourmandise – l’un des sept péchés capitaux – traverse les siècles de ses litanies édifiantes. […..]
Dans sa campagne contre les impostures, Montaigne dénonce le terrorisme des bien-pensants.
La prohibition des voluptés corporelles, dit-il, n’est pas moins suspecte que l’abus des plaisirs.
L’abstinence que prêchent les moralistes, les théologiens et leurs complices brime la nature. […..]
Dans le mot « gastronomie » voisinent le nom de l’estomac et l’idée de coutume et de règle (nomos), suggérant que le plaisir du ventre ne perd rien à être maîtrisé, relayé et reconnu par la raison.
Le bon mangeur se met à table sans perdre la tête. Tel est le moyen de sauvegarder la gourmandise et de célébrer en elle l’une des rares activités qui réconcilie l’homme avec lui-même.
On conçoit, dans cette perspective, l’intérêt que lui témoignent les humanistes, eux qui cherchent justement à actualiser, sans restriction, toutes les puissances de l’humain. ˮ

Et Michel Jeanneret de rappeler, un peu plus loin, que Platon, dans Le Banquet,
nous enseigne que la sagesse n’est pas de se dérober devant les réjouissances…

dimanche 14 janvier 2018

Goya - Perro semihundido (c.1820)
Le vide-grenier du dimanche. Je n'aime pas beaucoup Goya, je ne m'en sens pas proche. En tous cas de son oeuvre peinte, car ses distrayants Caprices me plaisent davantage.
Peut-être parce que je ne le connais pas assez ? En tous cas son univers me laisse plutôt indifférent...

(détail)
Sauf ce tableau, le Perro semihundido (c.1820), une des "peintures noires" de Goya que je trouve fascinante.
Elle fait partie de ces oeuvres directement peintes sur les murs de sa "Quinta del sordo", la maison qu'il a occupée dans le quartier madrilène de Carabanchel avant de s'exiler à Bordeaux.
Bien sûr, aujourd'hui, cette image d'un chien qui, les yeux aux ciel, lutte contre la noyade, constitue une métaphore évidente, en résonance avec le sort de ceux qui sombrent et meurent au large de nos côtes.
PT5
ICI

dimanche 7 janvier 2018

Calendrier des bergers - Janvier

Le vide-grenier du dimanche. Deux gravures qui figurent sur le Calendrier des bergers, une encyclopédie morale publiée pour la première fois en 1491 "pour enseigner la science des bergers qui est science de l'âme, du corps, des astres, de la vie et de la mort."
Considérée comme l'un des fleurons des débuts de l'imprimerie, c'est une précieuse plongée dans les croyances, les pratiques et les savoirs qui dictaient la conduite de l'homme du Moyen-Âge aux portes de la Renaissance.

Calendrier des bergers
J'en ai déniché il y a lurette une jolie réédition grand format à La Machine à lire, la belle et bonne librairie du quartier Saint Pierre, à Bordeaux.
Voici, Janvier, le mois de Janus, dieu des portes et des passages.
On y voit un intérieur cossu, avec une belle cheminée de pierre et une fenêtre travaillée. Le dallage au sol obéit aux lois de la perspective, alors que la volaille dans l'assiette est vue du dessus, et que la cruche au bord de la table semble en équilibre très précaire.

samedi 6 janvier 2018

(A/U)
Une image et des mots. Amazonie, indiens yanomamis. Le texte est extrait du petit ouvrage de Patrick Boucheron, "Un été avec Machiavel", aux Éditions des Équateurs.

Souhaitez-vous parvenir au but que vous désirez ? Faites alors comme le bon archer. Il place sa mire plus haut que la cible, non pour la dépasser, mais pour l’atteindre. Autrement dit, visez haut pour viser juste. La métaphore est tirée de la rhétorique classique ; Machiavel en use pour justifier le fait qu’il place dans ses œuvres politiques, et notamment dans Le Prince, les « très grands exemples » d’hommes illustres comme des guides pour l’action. En termes de langage politique, d’éducation, ou simplement dans la manière de conduire sa propre vie, on devrait toujours se souvenir de cette leçon : se donner des exemples élevés n’est pas présumer de ses capacités, c’est au contraire, écrit Machiavel, "savoir jusqu’où va la force de son arc".