In girum imus nocte et consumimur igni

In girum imus nocte et consumimur igni
eiπ + 1 = 0

dimanche 4 décembre 2016

André Lhote - Portrait de dame (1927)

Le vide-grenier du dimanche. Deux oeuvres du graveur, illustrateur et peintre bordelais André Lhote (1885-1962), formé à l'école des Beaux-Arts de la capitale girondine. Il est l'auteur des peintures murales de la Faculté de Médecine de Bordeaux.
À partir de 1912, Lhote se rallie au mouvement cubiste, sans toutefois le suivre jusque dans l'abstraction. 

A.L. - Toits de Bordeaux sous la neige
(1909)

Souhaitant inscrire la modernité dans la continuité de la tradition plutôt que de l'en détacher, le choix de ses sujets et ses compositions reste lié au classicisme. 
On ne voit bien que lorsqu'on est ébloui.

MP1
ICI

samedi 3 décembre 2016

Les aveugles et l'éléphant

Une image et des mots. Où il sera encore question d'éléphant...  (cf. chronique du 22/10)
Cette gravure anonyme et non datée est une illustration de la fable indienne des aveugles et de l'éléphant : six aveugles devaient décrire l'aspect de l'animal en le touchant en différentes parties de son corps.
La parabole est limpide : elle nous enseigne simplement que chaque homme a tendance à prendre pour une vérité absolue la perception forcément limitée et subjective qu'il a de la réalité.
Pour accompagner cette image, voici ce que le grand Vialatte, pour qui "l'éléphant est considérable", nous dit du pachyderme. Ce texte fait partie d'une compilation publiée en 2002 par l'éditeur Arlea dans un beau Bestiaire illustré par Honoré.

L'éléphant date de la plus haute antiquité. Du moins sous forme de mammouth. Il pataugeait alors dans les glaciers d'Auvergne. Ou de Sibérie, pareil à un prophète biblique.
Depuis, le mammouth a perdu ses poils. Il vit tout nu dans les forêts équatoriales ou à Paris (au zoo de Vincennes, et dans le Ve arrondissement). Il est indispensable à l'homme : physiquement, moralement et de toutes les façons. Comment vivrait sans lui l'éléphantologiste ? Comment l'homme saurait-il, sans lui, qu'il n'a pas de trompe? (et sans le chameau, qu'il n'a pas de bosses?) Telle est l'utilité des monstres. Ils indiquent à l'homme ses limites, ils lui permettent de se définir, de connaître son contour et son ombre chinoise. Sans eux l'homme serait flou : une vapeur, une fumée, un gaz toxique.
L'éléphant se compose en gros d'une trompe, qui lui sert à se doucher, d'ivoire, dont on fait des statuettes, et de quatre pieds, dont on tire des porte-parapluie. Dieu l'a fait gris, dit Bernardin de Saint-Pierre, pour qu'on ne le confonde pas avec la fraise des bois.

dimanche 27 novembre 2016

Léon Bonvin - Chrysanthèmes (1863)

Le vide-grenier du dimanche. Deux oeuvres du peintre et aquarelliste français Léon Bonvin (1834-1866), demi-frère de François.
Il est repéré par le peintre et critique d'art Frédéric Henriet, qui entre un jour par hasard dans le petit cabaret dont Bonvin a hérité de son père et dans lequel il vivote avec sa femme. Dans ses souvenirs, qu'il publie en 1891, le critique relate la découverte de ses fusains et de ses aquarelles.

Léon Bonvin - La ferme (1865)

Je ne me lassais pas de feuilleter le carton ; c'était tantôt un arbre découpé avec la précision d'une silhouette sur un ciel d'un bleu profond ; tantôt un chardon étudié avec la précision d'un botaniste ; tantôt une tendre fleurette émergeant, toute fraîche et odorante, de son lit de mousses et de graminées ; tantôt quelques objets de ménage empruntés au vulgaire mobilier du cabaret ; toujours des choses vues, longtemps regardées, prises dans l'étroit rayon de sa vie de tous les jours ; tout cela avait l'intimité d'une confidence ; on y sentait l'effort solitaire, concentré, d'une âme contemplative
On le retrouve pendu à une branche, un matin de février 1866 ; il avait 32 ans.

LP1

ICI

dimanche 20 novembre 2016

Don McCullin - Finsbury Park, London (1961)
Le vide-grenier du dimanche. Deux clichés de l'anglais Don McCullin (b.1935).
Photography is the truth if it's being handled by a truthful person. The real truth of life is on the streets. Photograph the daily lives of people, and how they exist, and how they fight for space and time and pleasure.

DMC - Early morning, West Hartlepool
(1963)




Considéré comme l'un des plus grands photographes de guerre, il s'est aussi attaché à documenter la classe ouvrière, celle du nord de l'Angleterre, de West Hartlepool et de Bradford, ou encore les sans-abri de l'Est de Londres, la ville où il a grandi.
Ses réflexions sur son propre travail, sur sa pratique, révèlent la profondeur et la complexité des sentiments qui ont pu tirailler ce témoin de la souffrance humaine - le torturer même - dans l'exercice de son art.
I have been manipulated and I have in turn manipulated others, by recording their response to suffering and misery. So there is guilt in every direction: guilt because I don't practice religion, guilt because I was able to walk away, while this man was dying by starvation or being murdered by another man with a gun. And I am tired of guilt, tired of saying to myself: "I didn't kill that man on the photograph, I didn't starve that child". That's why I want to photograph landscapes and flowers. I am sentencing myself to peace.
Mais c'est lui aussi, qui raconte qu'un jour il a rencontré en Afrique une femme qui lui confie avoir voulu devenir médecin après avoir vu un de ses clichés; et il conclut cette anecdote en disant : "Voilà, c'est tout ce que je demande. Juste un médecin en Afrique."

samedi 19 novembre 2016

M.R. Hamilton - Tranchées aux coquelicots (1919)

Une image et des mots. Il y a cent ans jour pour jour s'achevait la sanglante bataille de la Somme, une des plus meurtrières de l'Histoire : plus d'un million de morts pour un gain d'une dizaine de kilomètres sans même que le front allemand ne soit percé.
L'image, c'est un tableau de la canadienne Mary Riter Hamilton (1867-1954), Trenches on the Somme with poppies.
Les mots, écrits un an auparavant, sont de Romain Rolland, extraits de Au dessus de la mêlée.

À ce jeu puéril et sanglant, où les partenaires changent de place tous les siècles, n'y aura-t-il jamais de fin, jusqu'à l'épuisement total de l'humanité ?
Ces guerres, je le sais, les chefs d'États qui en sont les auteurs criminels n'osent en accepter la responsabilité : chacun s'efforce sournoisement d'en rejeter la charge sur l'adversaire. Et les peuples qui suivent, dociles, se résignent en disant qu'une puissance plus grande que les hommes a tout conduit. On entend, une fois de plus, le refrain séculaire : " Fatalité de la guerre, plus forte que toute volonté ", - le vieux refrain des troupeaux, qui font de leur faiblesse un dieu, et qui l'adorent. Les hommes ont inventé le destin, afin de lui attribuer les désordres de l'univers, qu'ils ont pour devoir de gouverner. Point de fatalité ! La fatalité, c'est ce que nous voulons. Et c'est aussi, plus souvent, ce que nous ne voulons pas assez.  Qu'en ce moment, chacun de nous fasse son mea culpa ! Cette élite intellectuelle, ces Églises, ces partis ouvriers, n'ont pas voulu la guerre... Soit !... Qu'ont-ils fait pour l'empêcher ? Que font-ils pour l'atténuer ? Ils attisent l'incendie. Chacun y porte son fagot.

JM1 ICI