In girum imus nocte et consumimur igni

In girum imus nocte et consumimur igni
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samedi 15 août 2015

Paul Himmel - Brooklyn Bridge (1948)
Une image et des mots. L'image est un cliché du photographe documentaire américain Paul Himmel (1914-2009). Que contemple cet homme du haut du Brooklyn Bridge ? Et à quoi pense-t-il ? À la verticalité obstinée de nos aspirations ou au fleuve d'Héraclite ?
Pour l'accompagner, voici quelques lignes de Jean Guéhenno, extraites de son récit autobiographique Changer la vie (1961).

C'est une incroyable chance d'avoir quelquefois le temps de vivre, le temps de la conscience, fût-ce la conscience de tout son malheur, de pouvoir s'arrêter quelquefois, reprendre souffle et lever la tête pour contempler l'étonnant paysage autour de soi, y reconnaître sa place et se perdre en lui. C'est une lubie peut-être de cet homme de livres, de ce flâneur que je suis devenu. Mais il me semble qu'aucun plus grand bonheur n'est possible pour les hommes. Ce n'est pas le bonheur du bonheur, mais le bonheur de la libre respiration, de l'oubli de soi. Alors la course se ralentit jusqu'à s'arrêter. Les choses ne sont plus autour de nous l'enjeu d'un combat, mais rien qu'un spectacle que nous voulons comprendre. Nous ne rapportons plus rien à nous-mêmes. Il n'est plus ni bonheur, ni malheur, parce qu'il n'est plus ni désir ni angoisse. Nous ne sommes plus rien qu'un effort pour nous accorder à une présence éternelle, mais ce sont là bien des mots pour souhaiter à tous les hommes des loisirs et des rêves.
AL1

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dimanche 9 août 2015

Lectionnaire d'Henri III
Le vide-grenier du dimanche.
Ce que veut dire la parabole des ouvriers de la 11ème heure (Matthieu, 20), magnifiquement illustrée ici dans le lectionnaire d'Henri III (1017-1056), c'est que pour le Christ la récompense n'est pas proportionnelle à l'effort fourni, ("les derniers seront premiers, les premiers seront derniers").

Mais cette image peut aussi se lire comme une simple illustration narrative (et laïque) du travail et de sa rémunération. La scène du haut est une scène de travail, avec des ouvriers qui taillent la vigne et qui la sarclent; la scène du bas est celle du travail accompli et de la rémunération.

dimanche 2 août 2015

H.G. - Fort Mahon, Baie de Somme (1991)

Le vide-grenier du dimanche. Deux clichés du photographe belge Harry Gruyaert (b.1941) déjà présenté en août 2009. Formé à l'École de Photographie et de Cinéma de Bruxelles, il dit n'avoir jamais avoir voulu être autre chose qu'un photographe. Je ne saurais pas comment vivre sans la photographie. Je ne sais pas ce que ma vie serait sans elle, un trou noir probablement.

H.G. - Extremadure, Espagne (1998)


Plus proche des grands coloristes américains déjà cités dans la première publication que de la photographie humaniste française, il convient que si le noir et blanc amplifie la relation à autrui, c'est la couleur - dès lors qu'on opte pour elle -, et non les personnages qui doit être au centre de la composition. C'est ce qu'illustrent parfaitement les deux clichés présentés aujourd'hui, même si chacun le fait de façon totalement différente.

DO2
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samedi 1 août 2015

R.K. - Figure of nude man running among the stars

Une image et des mots. Cette gravure du peintre et illustrateur américain Rockwell Kent, sur qui je reviendrai, a été acquise par le Musée des beaux-arts de San Francisco (FAMSF) en 1963.
Elle me fait penser à un passage de Vivre à part soi, un des trois essais de l'essayiste anglo-irlandais William Hazlitt - peintre lui aussi, d'ailleurs -, parus chez La Table Ronde sous le titre La solitude est sainte.

Marchons donc intrépidement, où que nous conduise le cours des hasards de la vie. Où qu'ils nous conduisent, quelle que soit la côte à laquelle ils nous jettent, nous ne serons jamais tout à fait étrangers. Nous constaterons la même marche des saisons, et le même soleil et la même lune guideront le cours de notre année. La même voute azurée, pailletée d'étoiles, se déploiera partout au dessus-de nos têtes. Il n'est aucune partie du monde d'où nous ne puissions admirer ces planètes qui parcourent, comme la nôtre, diverses orbites autour du même soleil ; d'où nous ne puissions découvrir un objet encore plus extraordinaire, cette armée d'étoiles fixes, suspendues dans l'immense espace de l'univers, soleils innombrables dont les rayons éclairent et chérissent les mondes inconnus qui tournent autour d'eux - et quand je suis transporté par de telles méditations, quand mon âme s'élève ainsi jusqu'au ciel, peu m'importe le sol sur lequel je marche.

Gilbert Garcin - Le moulin de l'oubli (1999) Une image et des mots. Où Beckett dialogue avec Tati... Une "photosophie" du p...